L’heure est au confinement de part et d’autre de l’Atlantique. Certains sont sur le pont pendant que les autres sont en isolement forcé. Le travail s’organise pour les uns et se désorganise pour d’autres. De par le monde des médecins diagnostiquent, soignent et communiquent. À Marseille notamment, l’équipe (800 collaborateurs) du professeur Raoult communique via la presse et YouTube sur un traitement de la COVID-19 et poursuit ses recherches (essais actuellement sous l’égide de l’OMS). Nous réalisons que la situation est plus ou moins complexe selon notre position et selon notre niveau d’information. Qu’y a-t-il à apprendre lorsque l’on est sur le pont ou en confinement? La santé physique est en première ligne. Qu’en est-il de notre santé mentale, de celle de nos clients, de celle des personnes les plus vulnérables? Que pouvons-nous faire de l’isolement social qui s’impose à la majorité? Dans la distanciation sociale, les possibilités d’apprentissage restent innombrables. Lesquelles feront une différence? Que nous soyons mobilisés ou confinés, nous pouvons tous apprendre quelque chose qui fera qu’il y aura un avant et un après-confinement.
Il existe des compétences-racines qui pourraient être utiles dans la vie professionnelle et dans la vie extra-professionnelle mais aussi dans le quotidien ordinaire ou extraordinaire. L’autocompassion en fait partie. La capacité à être avec sa propre souffrance est-elle une compétence utile en orientation et en développement de carrière, mais aussi dans les circonstances actuelles ? L’est-elle pour nos clients les plus vulnérables dans cette période si particulière de confinement ? L’est-elle pour ceux qui sont sur le pont à un stade plus ou moins avancé d’usure ? L’autocompassion consiste à se donner à soi-même du soutien émotionnel face à une situation qui provoque des pensées pénibles voire de l’épuisement. Se donner à soi-même du soutien émotionnel dans les circonstances actuelles représente une action positive pour soi et pour notre entourage. Être dans une relation de bienveillance avec soi-même ne va nuire ni à nous-même ni à notre entourage. Peut-être même que ce confinement pourrait représenter une formidable occasion de développer l’aptitude à être en empathie avec soi pour les plus isolés avant d’aller vers autrui et pour les autres une opportunité de grandir en authenticité, en justesse, en profondeur dans son empathie avec soi et avec autrui.
Les promoteurs de l’autocompassion (M. Rosenberg, S. Hayes, K. Neff, C. Germer, A, B. Fredrickson, M. Linehan, J. Lessard, M. Fortier, A. de Botton, C. André…) précisent qu’elle nous rend plus humain. La peur fait partie de nos mécanismes de survie. Jusqu’à un certain point et selon la situation, elle est salutaire. La peur excessive et inadaptée issue de notre héritage évolutionniste quant à elle peut être « absorbée » grâce à l’autocompassion mais aussi grâce à l’ACT bien connu dans le milieu de l’orientation et du développement de carrière. Les bénéfices dépassent de loin le domaine de l’orientation et du développement de carrière. En toute circonstance, la pratique de l’autocompassion fait de nous une personne à la fois unique et semblable aux autres humains. D’abord, elle nous aide à nous accepter tel que nous sommes donc à reconnaître notre réalité pour mieux nous connaître. Ensuite, elle nous permet d’identifier ce qui nous fait souffrir et nous limite pour savoir ce qu’il y a à accepter et à dépasser. La souffrance réduit l’étendue de nos perceptions donc nos horizons. Enfin, l’autocompassion nous ouvre à, ce que nous pouvons considérer d’un point de vue humaniste, la racine de nos ressources telles que l’empathie, la bienveillance et la compassion. L’autocompassion contribue à « l’effet étendu » décrit par B. Fredrickson, c’est-à-dire qu’elle augmente l’étendue de nos perceptions notamment de nos ressources. Dans le constant jeu d’équilibre entre nos limites et nos ressources, l’autocompassion nous soulage de nos jugements sur nous-même et nous rappelle les inévitables tensions inhérentes à la vie des êtres humains. Elle nous donne aussi l’occasion de nous découvrir plus en profondeur et de cheminer avec une énergie chaleureuse soutenante. Au-delà de ces bénéfices, l’autocompassion est une attitude qui revient à prendre soin de soi et donc de sa santé au quotidien. Nous arrivons ici à la base de toute relation d’aide : prendre soin de soi, c’est prendre soin de l’autre que nous tentons d’aider et prendre soin de l’autre, c’est prendre soin de notre propre humanité.
Comme la plupart des compétences celle-ci peut s’acquérir, s’actualiser et se renforcer dans les circonstances actuelles. Chaque personne à son niveau peut prendre soin d’un petit bout d’humanité sur le pont ou en confinement. Nos décisions et nos actions peuvent être chaleureusement soutenues par cette compétence déclinée ici en 4 étapes :
- Accueillir notre ressenti
- Que nous dirait une personne dans la douceur et la bienveillance
- Mettre les propos à la 1re personne et nous les dire à nous-même
- Décider et agir à partir de notre propre sentiment de bienveillance
Enfin, l’autocompassion pour les intervenants est un excellent remède à l’usure de compassion. Pour les clients qui traversent une situation difficile, elle est également utile pour se rappeler notre commune humanité et le caractère passager de toute pensée et de toute émotion. Une empathie authentique envers nos clients implique et engendre une force authentique de compassion envers nous-même. Elle permet d’entendre et de comprendre nos propres sentiments notamment nos peurs et les peurs d’autrui sans jugement. C’est une occasion d’accueillir cette partie de notre vulnérabilité et de notre humanité comme on le ferait lors de la naissance d’un nouveau-né.
Durant cette période de confinement, il est une possibilité parmi d’autres : éviter de s’exposer aux mises en scène médiatiques et apprendre. Alors que voulons-nous acquérir durant cette période et pour notre après-confinement? Une capacité à apprendre des choses utiles, inutiles, autre chose, autrement, à ralentir, à s’arrêter, à prendre soin, à apprécier le silence, la musique, à revenir à ce qui nous semble important, à développer notre autonomie, notre conscience écologique, de nous-même?