Quand votre client hausse les épaules et vous répond « Je ne sais pas ». Comment réagissez-vous?
En lisant ceci, vous vous demandez : « Quelle était la question qu’on lui a posée? » Ce à quoi je réponds, toutes celles pour lesquelles vous avez obtenu cet habituel et typique « Je ne sais pas ». Voici quelques exemples de questions que vous avez sûrement déjà posées à vos clients : « Qu’est-ce qui est important pour toi? » – « Quel programme ou emploi t’intéresse? » – « Qu’est–ce qui te motiverait? » – « Quels sont tes intérêts? » – et la liste pourrait s’étirer encore et encore.
Dans ces cas, poursuivre le questionnement avec insistance ne fait qu’accroître le malaise du client et, parfois, le nôtre. Rappelons-nous que si le client connaissait la réponse à ces questions, il ne consulterait pas. De plus, des questions semblables à celles-ci lui ont sûrement été posées par ses parents, probablement par ses amis, son professeur et par d’autres qui se préoccupent de son avenir. Alors n’ajoutons pas à son sentiment d’impuissance en le bombardant avec les mêmes questions et en risquant de l’enliser davantage. Si le client ne sait pas, c’est qu’il y a des obstacles qui causent son indécision.
Car nos clients, jeunes ou adultes, se présentent en counseling de carrière avec des rêves et des espoirs et aussi avec des inquiétudes et des angoisses; avec des passions et des désirs et aussi avec des incertitudes et des hésitations; avec des talents et des habiletés et aussi avec des faiblesses et des limites. Cependant, tous se présentent avec leur vulnérabilité.
Le counseling prend ici tout son sens. Si notre réaction en est une de découragement, d’irritation, d’impatience ou même de colère, le client la perçoit assurément. Cette attitude influence l’alliance de travail et la démarche risque d’en souffrir. Rappelons–nous l’une des notions de base de l’approche humaniste : l’acceptation inconditionnelle du client. Traduite dans ce contexte, cette notion implique de voir notre client, non pas comme un problème de maths à résoudre, mais plutôt comme un être humain à observer, sans jugement, afin d’évaluer son fonctionnement et d’identifier les difficultés qui donnent lieu à son indécision.
Alors validons d’abord sa difficulté à répondre : « Je comprends que cette question te semble difficile car c’est la raison pour laquelle tu me consultes : Tu ne sais pas. Et quand je te la pose, cela t’amène toutes sortes de pensées désagréables et de sensations inconfortables. Serais-tu d’accord pour simplement « rester avec » cette question? »
Pour ce faire, aidons le client à ralentir, à prendre une pause avant de répondre. Aidons-le à observer ce qui lui trotte dans la tête. Aidons-le à prendre une distance, à voir la situation sous une autre perspective. Toute intervention basée ici sur la pleine conscience favorise l’identification des pensées et des émotions présentes. Où sa tête l’entraîne-t-elle? Guidons-le pour lui apprendre à observer ce qu’il ressent. Petit à petit, nos interventions l’aideront à laisser de la place à ce qui crée cet inconfort chez lui. Un inconfort que nos questions ne font qu’amplifier.
En le guidant pour rester avec la question, sans tenter d’y répondre immédiatement, on l’accompagne vers l’acceptation de son inconfort et de son incertitude. Bien souvent, après quelques minutes, il lui vient d’autres réponses. Et si rien d’autre ne vient, on ne le bouscule pas. Ce n’est pas automatique. Cela prend de la pratique pour être pleinement conscient de ce qui se passe en nous. Faites-en l’expérience.
Pour l’amener à agir avec cet inconfort, explorer la direction qu’il veut prendre et trouver du sens à ses actions, on peut utiliser un exercice expérientiel, entre autres, la métaphore des « mains comme des pensées ». La voici très brièvement.
« Imagine que tes mains sont tes pensées face aux difficultés et aux problèmes auxquels tu fais face… Puis imagine que devant toi se tient tout ce qui a de l’importance pour toi : gens, endroits, activités… Maintenant, joins tes mains ensemble, paumes ouvertes, comme s’il s’agissait d’un livre ouvert. Puis lève tes mains vers ta figure et rapproche-les jusqu’à couvrir tes yeux. Tu es maintenant pris dans tes pensées et tu ne peux apercevoir qu’une partie des choses présentes.
Peux-tu observer trois choses :
- Tout ce que tu manques, tout ce que tu ne peux pas voir.
- Comment tu es coupé de ce qu’il y a autour de toi. Si la personne que tu aimes le plus se tenait devant toi maintenant, il serait difficile de la voir. Si ton film préféré jouait présentement à la télé, il serait difficile de suivre l’action qui s’y déroule.
- Comment il est difficile de faire différentes choses : étudier, conduire une auto, envoyer un texto, ou agir relativement à tes problèmes.
Maintenant, éloigne lentement les mains de ton visage et dépose-les sur tes genoux. Vois ce qui se passe quand tu commences à prendre une distance, à te détacher de tes pensées. Vois ce que tu peux faire désormais. Est-ce plus facile d’envoyer un texto, de regarder ton film préféré? Si tu as un problème à régler est-ce plus facile de le voir sous un autre jour?
Tes pensées n’ont pas disparu. Elles sont toujours là. Si certaines sont utiles, alors utilisons-les. Mais si elles sont inutiles, tu peux juste les laisser là « sur tes genoux ». »
Si vous désirez utiliser cette métaphore avec un client, je vous invite à la pratiquer quelques fois, seul. Et donnez-m’en des nouvelles.