Jongler avec trois cerveaux - Épisode 3
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Jongler avec trois cerveaux – Épisode 3

Temps de lecture : 4 minutes

Les situations de survie, de maintien, de développement évoquées dans l’épisode 1 font écho aux cerveaux reptilien, émotionnel et cortical. Faisons un nouveau plongeon dans le système de survie. Voyons ici quelles autres formes peuvent prendre les mécanismes de protection issus du système de survie et comment nous pourrions appréhender autrement ces réflexes.

Lorsque notre cerveau reptilien est activé, nous pouvons réagir de trois façons : attaquer, fuir ou bien se figer.
Comme nous avons quitté la préhistoire depuis longtemps, nous avons vu dans l’épisode 2 comment ces trois types de réactions psychophysiologiques peuvent s’actualiser aujourd’hui et représenter des forces utiles en orientation et en développement de carrière. Selon Paul Gilbert, créateur de la thérapie fondée sur la compassion (TFC), dans notre civilisation, le mécanisme d’attaque peut prendre la forme de critiques à l’égard d’autrui et à l’égard de nous-mêmes. Lorsque notre image ou l’idée que nous avons de nous-mêmes semble menacée, le réflexe de nous défendre surgit. Cela peut paraître surprenant, mais parfois nous déclenchons nous-mêmes nos réflexes de survie lorsque nous nous attaquons à notre image, à notre estime, à notre concept de soi. Notre vie est-elle menacée? Rarement à court terme. Parfois, elle l’est à plus ou moins long terme.

Ce processus dont le but est de nous protéger peut être difficile à reconnaître, car il agit à notre insu ou conformément à des habitudes. C’est un processus qui peut parfois réduire la qualité de notre présence, de nos interactions, de notre équilibre vie-travail et qui peut porter atteinte à la qualité de notre vie. Fort heureusement, notre vie n’est pas réellement en danger dans la plupart des cas. Cependant, notre système de protection est quant à lui réellement activé. Que le danger soit réel ou symbolique, voire imaginaire, le mécanisme archaïque d’attaque est à l’œuvre avant même que nous nous en rendions compte. Il peut être actif sans que nous en ayons conscience. Parfois, nous n’en avons toujours pas conscience bien après son déclenchement et même bien après qu’il s’est désactivé. Par exemple, nous nous sommes emportés nerveusement dans un contexte de travail mouvant et incertain. Lorsque nous en prenons conscience dans l’après-coup, nous pouvons avoir des regrets et demander pardon. Par exemple, nous nous sommes blâmés par rapport à notre indécision et à notre état d’anxiété dans le contexte sanitaire actuel. Lorsque nous en avons conscience, nous nous en voulons de fonctionner de cette manière et de réagir ainsi.

De cette façon, nous alimentons notre colère ou notre anxiété, voire notre sentiment de honte. Alors, que faire? Peut-être que nous pouvons commencer de manière formelle ou informelle par reconnaître et accepter la situation ainsi que notre état actuel?

Peut-être que nous pouvons commencer par nous accueillir chaleureusement avec ce que nous percevons et ressentons sans nous juger ni nous blâmer davantage? Nous pouvons apprendre à reconnaître la situation, juste la reconnaître telle qu’elle se présente et reconnaître notre état tel qu’il est à ce moment-là, y compris les jugements que nous portons sur autrui et sur nous-mêmes. Ce mécanisme étant psychophysiologique, il est nécessaire de se mettre à l’écoute de notre corps pour savoir ce qu’il en est réellement, car notre corps nous donne l’heure juste. Si notre corps est en état de stress, c’est qu’il y a une cause. Il peut donc être utile de la reconnaître sans attendre de tomber dans la détresse. Mais quand bien même nous sommes dans la détresse, notre corps nous dit que nous avons besoin de soins, de réconfort et de protection.

En premier lieu, il est donc important de reconnaître ce stress et de l’accueillir avant d’adapter notre réponse à la situation. La deuxième étape peut consister à admettre que tout être humain connaît les états que nous traversons et que de ce point de vue nous ne sommes pas si différents les uns des autres. La troisième et dernière étape peut consister à répondre à notre besoin d’être protégés, de ressentir un besoin de sécurité (ce n’est ni bien ni mal) et d’agir en conséquence pour éviter de nous laisser malmener par autrui aussi bien que par nous-mêmes. Depuis la nuit des temps, le mécanisme d’attaque nous aide à survivre. Aujourd’hui, il peut nous jouer des tours si nous le laissons fonctionner de façon inappropriée et il peut même se retourner contre nous en nous poussant à nous en prendre à nous-mêmes.

Jongler avec trois cerveaux - Épisode 3

Le mécanisme de fuite peut nous conduire à éviter des situations stressantes et inutiles, voire dangereuses. Toutefois, il peut aussi nous empêcher de faire face à une situation à gérer, à régler, à affronter, à négocier, et nous mener à l’isolement. Par exemple, ce mécanisme peut, par le phénomène bien connu de distraction ou d’éparpillement, nous éviter d’être présents, d’être concentrés, d’être dans notre corps, de porter notre attention là où nous aimerions la maintenir pour réaliser un projet personnel ou professionnel ou encore simplement pour nous sentir bien ici et maintenant. En revenant par moments sur les sensations de notre corps, nous cherchons à nous mettre en accord avec celui-ci, car nous n’irons pas bien loin sans lui. Par ce mécanisme, notre corps veut nous protéger, comme il a appris à le faire depuis des millénaires. Mais dans le monde actuel, l’expression de ce mécanisme n’est pas toujours appropriée. Alors, nous pouvons l’actualiser en sondant notre véritable besoin. Notre véritable besoin est exprimé par notre corps. C’est donc vers lui que nous nous tournons pour connaître notre besoin, de façon à pouvoir choisir la stratégie qui le comblera sans nous jouer des tours.

Le mécanisme d’inhibition nous aide à nous protéger d’une action inutile ou d’une situation qui menacerait notre sécurité. Il peut aussi nous empêcher d’agir conformément à ce que nous avons décidé et nous pousser à ruminer. Ce peut être une occasion de nous accepter dans ce moment d’inaction, d’être doux avec nous-mêmes, de respecter notre rythme, de revisiter une décision, d’explorer notre véritable besoin, d’apprendre à nous sentir en sécurité, en santé…

Références

https://www.deboecksuperieur.com/recherche/autocompassion


Du même auteur : Jongler avec trois cerveaux : connaissances ou croyances?  et Jongler avec trois cerveaux – Épisode 2 

Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
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Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
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