Personnaliser la persévérance scolaire
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Personnaliser la persévérance scolaire

Temps de lecture : 4 minutes

Anne hypersensible

Dans quelques mois, Anne va entrer dans l’enseignement supérieur. Son niveau d’anxiété est élevé au point d’impacter ses performances scolaires, sa motivation, sa qualité de vie extrascolaire et sa santé mentale. Le seul fait de faire un choix de formation a généré un stress extrême qui a atteint sa santé mentale et impliqué plusieurs jours de repos. Cette anxiété qui dure l’épuise et la fragilise. De plus, elle aimerait se débarrasser de son hypersensibilité. L’environnement extérieur (l’École, les amis, la famille…) et son environnement intérieur (ses croyances, son humeur, ses schémas…) pèsent conjointement sur son bien-être. La souffrance lui colle à la peau et s’installe dans sa vie alors que le bien-être glisse sur elle. Elle se demande pourquoi la souffrance reste, alors que le bien-être est si éphémère. En fin de compte, elle est démotivée et désespérée. Elle n’a plus l’énergie pour rendre son travail scolaire dans les délais. Elle a besoin de repos. Elle se demande comment elle va pouvoir faire pour simplement se maintenir à flot (maintien scolaire/persévérance scolaire).

L’écoute de sa souffrance permet d’établir le lien. Mais nous allons cerner le problème sans nous étendre sur cette souffrance. Nous allons nous partager le travail : elle s’occupe de choisir des objectifs importants pour elle et l’intervenant propose des tâches permettant de l’aider à atteindre ses objectifs.

« Sur quoi allons-nous travailler aujourd’hui, Anne?

̶ Je veux travailler sur ma motivation. C’est mon principal problème. »

Nous précisons le point de départ et l’objectif. Elle évalue sa motivation à 3/10 et souhaiterait atteindre 6/10.

« Quel autre problème souhaiteriez-vous aborder aujourd’hui?

̶ Mon hypersensibilité. Je n’en peux plus de mal réagir tout le temps avec tout le monde. »

L’intervenant précise que l’objectif de faire disparaître son hypersensibilité n’est pas réaliste, selon lui, et qu’un travail sur ses réactions est toujours possible.

Anne ne croit pas qu’un travail sur son hypersensibilité soit possible. L’intervenant lui propose un travail préalable sur le fait de pouvoir espérer évoluer positivement avec son hypersensibilité. Elle évalue son espoir à 0/10 et souhaiterait atteindre 3 ou 4/10 pour se donner une chance d’avancer sur la question de son hypersensibilité. Nous sommes d’accord sur le but (dimension de l’alliance) de créer de l’espoir. Oui, mais comment?

Commençons par expérimenter un premier travail sur sa motivation.

Anne se sent constamment au bord du gouffre, au bord d’une falaise selon ses mots. Essayons une technique d’impact. Nous nous levons et nous déplaçons jusque devant la porte d’entrée du bureau. Nous ouvrons la porte. Le seuil de la porte représente la falaise. Nous sommes ensemble au bord de la falaise. Une partie d’elle qui a envie de vivre veut aller voir en bas et une autre partie refuse d’y aller. L’intervenant demande à Anne de décrire ce que la partie d’elle qui a envie de vivre aperçoit en bas. « Il y a des kilomètres de profondeur. » Nous faisons un pas pour franchir réellement le seuil de la porte et approcher symboliquement les trésors qui nous attendent dans les profondeurs.

Anne voit la valeur de la vie et de la détermination. Prendre conscience de la valeur de la vie représente une ressource personnelle déterminante.

Le désir de ne rien lâcher représente un second facteur de protection de son maintien scolaire. L’autoévaluation de son niveau de motivation se situe à 5/10. Continuons. Le souhait de préserver son ami de sa démotivation apporte une troisième source de motivation. Dans ses ressources contextuelles, son ami occupe une place de choix. L’autoévaluation de son niveau de motivation atteint à présent 6/10. Ce niveau de motivation lui semble suffisant pour le moment. Occupons-nous du second objectif avec une autre tâche (deux dimensions de l’alliance).

Expérimentons un travail sur l’espoir.

Anne n’a aucun espoir de pouvoir agir sur son hypersensibilité. Nous recadrons la proposition de travail. Nous allons travailler sur son niveau d’espoir en commençant par le créer. Nous précisons qu’il s’agit de l’espoir de pouvoir agir sur ses réactions liées à son hypersensibilité, et non d’agir directement sur l’hypersensibilité. Nous réalisons la tâche de visualisation d’une future Anne pleine d’espoir. L’autoévaluation de son niveau d’espoir se situe à 1/10. L’exercice de se relier à ce qui est le plus important pour elle (autres tâches portant sur les valeurs et le recentrage sur ses valeurs avec le même objectif) l’amène à 2/10 d’espoir. Est-ce judicieux de poursuivre ce travail sur l’espoir (évaluation partagée et continue)? Passer de l’absence d’espoir au fait de ressentir de l’espoir constitue un grand pas qu’il est utile d’apprécier (tâches de gratitude et de validation du vécu d’espoir). Nous convenons de rester avec ce 2/10 pour le moment. Ce niveau lui convient pour l’instant. Alors, pouvons-nous aborder le travail sur ses réactions liées à son hypersensibilité? Ce n’est pas encore le moment. La première raison en est qu’elle a besoin d’intégrer le travail accompli. La seconde raison est qu’elle souhaiterait au préalable augmenter son niveau d’espoir. La troisième raison est que nous arrivons à la fin de cette deuxième rencontre. Nous prenons un temps de clôture de la rencontre et de préparation de la rencontre suivante.

Les objectifs convenus pour la troisième rencontre sont : monter en motivation et en espoir.

L’hypersensible peut être surchargé d’information (surcharge quantitative) ou affecté par des ressentis (surcharge qualitative de nature émotionnelle) ou envahi par des pensées (surcharge qualitative de nature cognitive). Anne s’en veut d’être hypersensible. Nous privilégions l’évaluation partagée multidimensionnelle et l’intervention multiniveaux, basées sur l’alliance de travail afin de réduire significativement l’anxiété d’Anne. Nous ne travaillons pas directement sur ses performances scolaires ni sur son hypersensibilité. Nous partons ensemble à la recherche de sa motivation à persévérer et de son pouvoir d’agir avec son hypersensibilité. Durant cette rencontre, nous avons découvert des sources internes et externes pouvant alimenter sa motivation autonome et la ressource « espoir » qu’il était utile de créer en tant que préalable. L’intervention a consisté à personnaliser le travail de maintien.

Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
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Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
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