Connaissance de soi, santé mentale et voix des élèves
Éducation

Connaissance de soi, santé mentale et voix des élèves

Temps de lecture : 5 minutes

Et que servirait-il à l’élève d’acquérir toutes les connaissances académiques, les habiletés et les compétences, s’il ou elle ne chemine pas dans la connaissance authentique de soi?
Citation célèbre adaptée au contexte de l’article

 Cet article, une suite aux cinq précédents, a pour but de suggérer des pistes pratiques pour passer à un système éducatif inclusif, dans le sens d’un curriculum de nature holistique, centré sur le développement personnel de l’élève. Cette vision du curriculum est le point de départ pour l’inclusion sociale et la santé mentale des personnes, ainsi que pour la construction d’une société authentiquement saine.  

N’oublions pas que le sentiment d’exclusion prend toujours son origine dans des malaises internes, ensuite alimente le cercle vicieux de l’exclusion par les autres. Nous voyons ce phénomène très clairement, dans les écoles, chez les élèves « victimes » qui s’attirent des élèves « intimidateurs ». 

 Une faible conscience de soi « self awareness » est au cœur du cercle vicieux.

exclusion

Dans les articles précédents, les différentes perspectives de la distinction entre éducation et instruction ont été présentées. La conclusion était que notre système « éducatif » actuel, tant au niveau canadien qu’au niveau mondial, est plutôt axé sur l’instruction (l’apprentissage des matières scolaires) dans le but ultime de préparer les jeunes au marché du travail pour faire tourner la roue de l’économie, mentalité vestige de la révolution industrielle. Même les tentatives d’ajouter des sections de promotion de santé mentale dans le curriculum sont des moyens d’atteindre cet objectif.  

Le nouveau curriculum de l’Ontario, par exemple, a été « enrichi » par un domaine socio- émotionnel, notamment en mathématique, discipline perçue comme « source potentielle d’anxiété ». Il est recommandé que cette mentalité d’« Utiliser la santé mentale dans le but de performer académiquement » soit modifiée en « Utiliser la performance académique pour cheminer dans le bien-être. » 

Pour qu’une institution éducative soit digne de ce nom, il faudrait que la pratique soit une subordonnée d’une philosophie, et non l’inverse.

Actuellement, la seule chose qui n’est pas enseignée explicitement et fondamentalement dans les écoles est la connaissance authentique de soi, et celle des autres.

Lorsqu’occasionnellement traitée, elle reste prisonnière de son côté conceptuel, celui des étiquettes, et subordonnée à un projet d’instruction. 

L’organigramme suivant exprime comment la connaissance de soi devrait être au cœur de l’éducation. J’appelle un curriculum inclusif, celui dont le but ultime est de fournir des outils et des stratégies pour une connaissance holistique de soi, non limitée à la connaissance conceptuelle de soi, et par la suite, de celle des autres. Les connaissances académiques et le développement des habiletés et des compétences devraient être au service de cet objectif ultime. 

La connaissance holistique de soi devrait être au cœur de tout projet éducatif 

Connaissance de soi

Un élève qui se voit en train de développer authentiquement le côté dynamique de la découverte de soi, celle qui l’invite à la liberté intérieure plutôt que limitée aux étiquettes, sera toujours motivé à apprendre. L’apprentissage sera donc de nature personnalisée, nourrissant le voyage d’une personne dans ses profondeurs. Il est important de reconnaître que ce que le monde dit « extérieur » n’est qu’une réflexion du monde « intérieur ». Un système qualifié d’éducatif sera centré sur le développement personnel authentique de l’élève, pendant que les connaissances académiques et le développement des compétences ne sont que des outils. 

L’élève apprend que l’influence de « son monde externe » sur son « monde interne » n’est qu’une fatalité inévitable.
Actuellement, le système éducatif, qui reflète l’état de notre société mondiale, invite à un voyage extérieur. Il est centré sur l’apprentissage de tout ce qui est « pratique ». Nourri par le monde de la technologie de l’information, il prône l’investissement de tout ce qui est perçu comme en dehors de soi. Implicitement, il ou elle développe l’identité de la victime, d’un ego personnel à la défensive, nourri par l’ego collectif, plutôt que de développer la créativité. Malheureusement, il n’y a rien en dehors de nous. Tout est en nous. Il serait important d’éduquer nos jeunes à l’importance du voyage dans le monde intérieur. Il faudrait par la suite les outiller et les préparer pour ce cheminement. C’est un voyage risqué et difficile, c’est pour cela que nous avons tous, plus ou moins, tendance à le fuir. 

Voici des pistes pour un curriculum inclusif, dont le cœur est la connaissance de soi : 

  1. Dès la maternelle, mettre le ton sur « qui suis-je ? ». Tout ce que j’apprends à l’école sert à une meilleure découverte de moi-même et de celle des autres. Tous les jeunes sont dans une quête profonde de la recherche de qui ils ou elles sont. Lorsque cette quête n’est pas reconnue et traitée, elle devient une « crise » qui, pour certains élèves, est exprimée par exemple sous forme de problèmes de comportement, et, pour d’autres, est enfouie sous forme d’une « crise remise à plus tard » dans le souci ou la nécessité de se conformer. Cela n’est certainement pas une invitation à l’égocentrisme négatif. Il est vrai qu’une confusion entre qui je suis et qui je pense que je suis (« mon ego ») est un piège potentiel. 
  2. Expliquer aux élèves comment une identification peut être un outil ou un obstacle à la connaissance de soi. Donner des exemples, puis les inviter à des discussions. Une identification, dans son sens superficiel et conventionnel, ne peut être qu’une simple étiquette. Si je pense que cette étiquette, peu importe si elle est reconnue ou non, valorisée ou non ou légalisée ou non par la société, est mon identité, alors je passe vraiment à côté de la connaissance de soi, en ce qui me concerne. En m’identifiant à une émotion, à une compétence, à un trait de caractère ou à un attribut physique, je me mets dans une prison, même si cette identification est jugée positive.
  3. Quel est le chemin, quels sont les outils vers la liberté intérieure? Comment est-ce que la liberté extérieure restera toujours en conflit avec celle des autres? La liberté intérieure, par contre, ne s’opposera jamais avec celle des autres. / Expliquer et vivre des situations d’apprentissage démontrant qu’un conflit humain est toujours basé sur les libertés extérieures de personnes qui auraient peu cheminé dans le chemin de la liberté intérieure.
  4. Quelle est la différence entre un concept mental et un vécu authentique? Comment est-ce qu’une connaissance de soi « conceptuelle » peut être en conflit ou en harmonie avec une connaissance de soi « holistique »? Il est recommandé de non seulement distinguer les émotions, de les comprendre, de les gérer, mais aussi de reconnaître leur importance dans mon cheminement interne et d’en prendre conscience.
  5. Quels sont les outils pour pouvoir aller vers l’équilibre entre les deux hémisphères du cerveau? Comment explorer et développer les différents domaines de la connaissance? Qu’est-ce que l’intelligence humaine, en dehors de ses limitations conceptuelles? Par exemple, en quoi l’intuition est-elle une forme d’intelligence? Comment la foi, loin de ses limitations religieuses, est-elle une forme d’intelligence? Le curriculum du baccalauréat International enseigne cela obligatoirement dans son tronc commun, avec quelques-unes de mes réserves : « comment et pourquoi » l’enseigner… Au moins l’idée est là en tant que tronc commun.

Les cinq pistes précédentes ne sont qu’une ébauche. Le sujet est à approfondir et à développer. 

J’ai fait une tournée dans deux classes de 11e et 12e année. Chaque élève a reçu un billet avec : Le système éducatif est : ______ / Le système éducatif devrait être : _______ . En conclusion, voici quelques-uns des commentaires qui seraient dans le même sens : 

commentaire

Emad Awadalla Author
Émad Zaki Awadalla, 25 ans d’expérience en éducation, citoyen canadien d’origine égyptienne est actuellement conseiller en orientation et enseignant de chimie et de biologie. En plus de son intérêt aux sciences, Émad est trilingue, il s’intéresse surtout à l’approche holistique de l’éducation et de la santé physique et mentale.
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Emad Awadalla Author
Émad Zaki Awadalla, 25 ans d’expérience en éducation, citoyen canadien d’origine égyptienne est actuellement conseiller en orientation et enseignant de chimie et de biologie. En plus de son intérêt aux sciences, Émad est trilingue, il s’intéresse surtout à l’approche holistique de l’éducation et de la santé physique et mentale.
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