La réorientation de carrière : un phénomène important
Nombreux sont celles et ceux qui songent à se reconvertir pour effectuer une réorientation de carrière. En France, d’après le Céreq, un tiers des employés déclaraient souhaiter changer de carrière en 2015. Quatre ans plus tard, 29 % étaient passés à l’acte. Dans la continuité et d’après France compétences, 25 % des employés du secteur privé (employés et travailleurs autonomes) déclaraient, l’an dernier, avoir connu au moins une réorientation de carrière au cours des cinq années précédentes.
Au Québec, selon un article de La Presse paru en 2021, près de la moitié des 15 à 35 ans en recherche d’emploi se sont engagés dans un projet de réorientation de carrière pendant la pandémie. Plus largement, en 30 ans de carrière, un travailleur moyen connaîtra environ 7 employeurs selon Statistique Canada. D’après un sondage de Life Works réalisé en 2020, près d’un Canadien sur quatre envisage sérieusement de faire une réorientation de carrière et 50 % des employés au Canada déclaraient être malheureux dans l’emploi qu’ils occupaient (AXTRA, 2019). Enfin, d’après une enquête réalisée par Indeed Canada (2019) et reprise sur le site de RCI, 90 % des Canadiens qui ont effectué une réorientation de carrière sont désormais plus heureux.
Le caractère multifactoriel d’une démarche de réorientation de carrière
Les motivations sous-jacentes à un projet de réorientation de carrière sont multiples et souvent contextuelles. On peut, par exemple, songer à celles et ceux qui ont l’impression de tourner en rond dans leur emploi, dans leur carrière, et qui ont le sentiment d’être pris dans une impasse de carrière.
Ainsi, une employée rapporte stagner depuis trois ans dans un poste de conseillère, ajoutant avoir engagé, sans succès, à la fois des démarches auprès de son employeur pour tenter de changer de poste, puis présenté plusieurs demandes d’admission à des programmes universitaires dans le but de faire un retour aux études. Une autre, fatiguée, se plaint de ressentir de l’usure et du découragement à devoir sans cesse augmenter son rythme de travail sans qu’il ne lui soit possible d’en vérifier la qualité. Elle se sent désespérée face à une situation qui lui échappe. Un troisième, cadre financier dans la cinquantaine, exprime avoir tout fait pour son employeur et ne plus savoir quel sens donner à son métier qui perd de son sens à ses yeux, tandis qu’il lui est sans cesse demandé d’accroître les profits de l’entreprise au détriment du service rendu à ses clients. Il déclare être démoralisé, n’être intéressé par rien, et attendre, résigné, l’âge de la retraite.
L’influence de l’environnement sur la décision de se réorienter
De tels exemples traduisent aussi un sentiment de perte de contrôle et de désespoir, ce qui n’est pas sans effet sur la santé psychologique des individus. En outre, ils mettent en lumière l’influence du contexte de vie d’une personne sur l’apparition et le maintien d’une situation d’impasse et consécutivement son désir d’amorcer une réorientation de carrière. À cet égard, les profondes transformations qui s’opèrent dans le monde du travail contribuent à nourrir un tel phénomène (Maranda et Fournier, 2009; Thirot, 2011). En particulier, il est possible de souligner en quoi l’augmentation de polyvalence des travailleurs, de leur flexibilité et la précarisation de leur statut d’emplois affectent leur satisfaction au travail, et contribuent à occasionner une perte de sens, une démotivation, un accroissement du présentéisme et une déstabilisation de leur maintien en emploi, avec, dans certains cas, un épuisement et une fragilisation de leur santé mentale (Barnay et Defebvre, 2014 ; Gyorkos, Massoudi, Rossier et al., 2015). De surcroît, d’autres phénomènes contribuent à produire des situations d’impasses professionnelles, telles que les situations de transitions professionnelles subies (Masdonati et Zittoun, 2017). Tous ces éléments peuvent nourrir et alimenter le besoin d’engager une démarche de réorientation de carrière.
Les motivations sous-jacentes à un projet de réorientation de carrière sont multiples et souvent contextuelles.
Les principales raisons d’une réorientation de carrière au Québec
On peut en énumérer ici quelques-unes :
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- être plus en phase avec nos valeurs et besoins;
- retrouver un sens à ce qu’on fait;
- vouloir réinjecter de la nouveauté et du changement dans sa vie;
- parvenir à un meilleur équilibre entre la vie en emploi et la vie personnelle et familiale;
- augmenter son salaire;
- fuir l’épuisement professionnel et un climat de travail toxique;
- fuir l’ennui;
- devenir travailleur autonome ou entrepreneur.
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Parmi toutes les raisons énumérées plus haut, le besoin de trouver du sens à son travail représente certainement une des raisons principales. Dans le champ de la psychologie, ce qui traduit du sens « est associé à une expérience empreinte de cohérence, de consistance, d’équilibre, voire de complétude. Cette notion est aussi associée à la raison d’être et de vivre. Dans cette perspective, le sens du travail serait tributaire de la cohérence entre la personne et le travail qu’elle accomplit, ses attentes, ses valeurs et les gestes qu’elle pose quotidiennement dans son milieu » (MORIN, Estelle. « Sens du travail, santé mentale au travail et engagement organisationnel », Rapport R-543, IRSST, 62 pages).
Se lancer dans une réorientation de carrière est à prendre au sérieux
S’engager dans une réorientation de carrière réussie au Québec n’est cependant pas une démarche aisée ni à prendre à la légère. En effet, le terme réorientation traduit une rupture, une discontinuité avec l’emploi occupé et le parcours professionnel précédent. Le préfixe
« ré » lui-même marque cet arrêt et renvoie généralement à une insatisfaction, un sentiment d’échec, de manque (souvent de sens) ou à une perte en lien avec les études ou le travail (Gagné-Bisson, JS, 2017).
L’importance d’être guidé dans sa réorientation de carrière
Tandis que 60 % des personnes sondées déclarent avoir eu recours à une aide extérieure dans le cadre de leur réorientation de carrière (enquête réalisée par France compétences en 2021), on peut évoquer ici les services d’un conseiller orientation dont le métier consiste précisément à aider les personnes à effectuer des choix personnels et professionnels tout au long de la vie (OCCOQ, 2010).
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.