Est-ce qu'on sait vraiment ce qui nous rend heureux?
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Est-ce qu’on sait vraiment ce qui nous rend heureux?

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Depuis les 20 dernières années, les publications sur le bonheur ont littéralement explosé. Après une recherche rapide sur Google Scholar, on apprend qu’il y a eu environ 3 400 000 publications sur le bien-être entre 2000 et 2020. Comme j’ai utilisé Google Scholar, ce nombre ne tient pas compte des livres de psychologie populaires, des articles de blogues ou des podcasts. On peut donc facilement imaginer que le nombre de publications totales est encore plus élevé.  

En plus d’être des sujets d’actualité, le bonheur, le bien-être et la promotion de la santé sous toutes ses formes sont également devenus une entreprise à part entière qui génère plusieurs milliards de dollars par année. D’après Callaghan, Lösch, Pione et Teichner (2021), le marché du bien-être représente plus de 1,5 trillion de dollars avec une augmentation annuelle de 5 % à 10 %.  

Êtes-vous surpris par ces chiffres?  

Si l’on considère l’argent investi comme une indication de la préoccupation de la population envers un sujet, on peut facilement conclure que le bien-être semble au cœur des intérêts des gens. Je serais toutefois curieuse de savoir à quel point 20 années de publications sur le sujet ont vraiment contribué à améliorer l’état général de bien-être. 

Évidemment, je n’apporterai pas la solution miracle (une de plus!) qui vous permettrait d’améliorer significativement votre bien-être dans cet article (toutes mes excuses pour les déceptions). J’ai plutôt envie de proposer une réflexion alternative sur nos attentes envers le bien-être. 

Lorsque nous réfléchissons à ce que représente le bonheur, nous pouvons facilement imaginer vivre le plus d’émotions positives possible, le moins d’émotions négatives possible et nous sentir satisfaits de notre vie. Le monde de la psychologie se réfère à cette vision du bonheur sous l’appellation de bien-être subjectif. C’est probablement la branche des études sur le bien-être qui a fait couler le plus d’encre… et les résultats des recherches sont parfois surprenants! 

Même si nous sommes tous assez d’accord sur le résultat final (pour être bien, on veut surtout des émotions positives et un sentiment de satisfaction envers sa vie), il semble que nous ne sommes pas toujours très bons lorsque vient le temps de faire des actions ou prendre des décisions qui mènent à ce résultat. 

En effet, il semble que le fameux : « Je serai plus heureux quand… [insérez ici votre préoccupation ou aspiration actuelle] » représente généralement une prédiction assez mauvaise de ce qui nous rendra heureux. 

Que ce soit l’argent, la santé, les enfants, le couple, la maison, à part sous certaines conditions dont je ne parlerai pas ici, mais que je serai heureuse de discuter avec vous dans les commentaires, il semble qu’aucun de ces éléments ne soit un réel prédicteur du bien-être. 

Pourquoi poursuit-on ces objectifs dans ce cas et pourquoi sommes-nous convaincus qu’ils contribueront à notre bonheur? 

Que ce soit l’argent, la santé, les enfants, le couple, la maison, à part sous certaines conditions (…), il semble qu’aucun de ces éléments ne soit un réel prédicteur du bien-être.
L’un des premiers éléments de réponse réside dans la comparaison sociale. Le fait de voir que les gens à qui nous nous identifions (quels que soient nos critères comme l’âge, la race, la profession) possèdent une certaine chose nous fait imaginer que nous devrions également la posséder. Avec l’arrivée des réseaux sociaux et des technologies qui nous mettent en contact avec les autres comme jamais auparavant, nous avons accès à cette comparaison beaucoup plus (trop!) facilement.  

Je vous disais au début de ce texte que l’industrie du bien-être a explosé dans les 20 dernières années. Cela correspond également à l’émergence et à l’augmentation des réseaux sociaux et de l’hyperconnectivité. Coïncidence? À vous de tirer vos conclusions. Mais une chose est certaine, l’accès à la comparaison sociale est beaucoup plus facile que lorsque nous étions limités aux gens de notre quartier pour nous comparer. Le principe du voisin gonflable peut maintenant s’appliquer autant à mon voisin de quartier qu’à un jeune adolescent au Japon que je suis sur Instagram! 

La comparaison n’a pas que de mauvais côtés, et mon but ici n’est pas de faire son procès. Ce que je veux illustrer, c’est que cette comparaison sociale vient faire du bruit dans notre façon de prédire ce qui nous rendra heureux. 

Un autre élément à prendre en compte réside dans l’habituation. Le principe est simple : on s’habitue à tout ou presque! Généralement, lorsqu’on demande aux participants d’une étude de prédire comment ils se sentiraient un an après avoir perdu une jambe, les gens indiquent qu’ils seraient inconsolables et que leur vie serait particulièrement difficile. Dans les faits, les gens qui perdent vraiment l’usage d’une jambe (ou d’un autre membre) rapportent effectivement une baisse de leur bien-être peu après l’accident. Par contre, une année plus tard, leur niveau de bien-être est revenu à un niveau similaire à ce qu’il était avant l’accident.  

Appliqué à l’inverse, le phénomène semble aussi vrai. Par exemple, on s’attend à ce que gagner un important montant d’argent à la loterie augmente de beaucoup notre niveau de bien-être. Mais selon les études, après un an, le niveau de bien-être des gagnants à la loterie est similaire à celui de leur vie pré-gain. 

Est-ce donc à dire que rien ne peut nous rendre plus heureux? Absolument pas! À titre d’exemple, des études ont montré que la façon dont une personne dépense son argent est généralement plus associée à son niveau de bien-être que le montant dépensé.

Dépenser pour des expériences ou pour faire plaisir à d’autres personnes serait associé à une augmentation du bien-être qui dure plus longtemps que de consommer des biens matériels.  

Il y a donc plusieurs nuances à apporter dans ces recherches. Mais ce que j’en retiens, c’est que nous pouvons facilement être biaisés dans notre anticipation de ce qui nous rendra heureux.  

Je vous propose donc un exercice de réflexion pour vous aider à améliorer vos prédictions et faire des choix qui vous rendront plus heureux. 

Pensez aux trois moments où vous avez vécu le plus grand bonheur dans votre vie. Prenez le temps d’écrire ce que c’était, le contexte, les personnes qui étaient présentes. Quels étaient les ingrédients et les étapes de préparation pour réussir cette recette de bonheur? 

Pensez maintenant aux trois dépenses qui vous ont apporté le plus de bonheur. Qu’aviez-vous dépensé? Qu’est-ce qui fait que ces dépenses vous ont procuré autant de bonheur? 

De mon côté, certaines de mes dépenses préférées sont des biens matériels. Je pense notamment à mon bureau qui me permet de travailler debout, ce qui améliore considérablement mon expérience de rédaction au moment où j’écris ces lignes. Il n’y a rien de mal à aimer certaines de vos possessions matérielles, voire toutes vos possessions matérielles. L’idée est surtout de cibler ce qui vous rend heureux pour pouvoir mieux capitaliser là-dessus dans vos futures décisions.  

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre. 

  

Si le sujet de cet article vous intéresse, je vous recommande les livres suivants que j’ai utilisés pour construire ce texte :  

Lyubomirsky, S. (2013). The Myths of Happines : What Should Make You Happy but Doesn’t, What Shouldn’t Make You Happy, but Does. Éd. Penguin. 

Gilbert, D. (2006). Stumbling on Happiness. Éd. Vintage Canada. 

Les statistiques sur l’industrie du bien-être sont tirées du site suivant :  

Callaghan, S., Lösch, M., Pione, A., & Teichner, W. (2021). Feeling good: The future of the 1,5 trillion wellness market.

Ce qu’Annie aime par-dessus tout, ce sont les histoires! Naturellement intéressée par les gens et leur histoire, elle a complété un baccalauréat en psychologie pour finalement se diriger vers l’orientation de carrière. Elle a maintenant sa pratique privée en orientation qu’elle combine avec des charges de cours à l’université. Elle poursuit également ses études de doctorat en counseling et orientation sur le thème du bien-être. Depuis ses débuts comme conseillère d’orientation, elle a accompagné des centaines de personnes dans leur reconversion professionnelle.
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Ce qu’Annie aime par-dessus tout, ce sont les histoires! Naturellement intéressée par les gens et leur histoire, elle a complété un baccalauréat en psychologie pour finalement se diriger vers l’orientation de carrière. Elle a maintenant sa pratique privée en orientation qu’elle combine avec des charges de cours à l’université. Elle poursuit également ses études de doctorat en counseling et orientation sur le thème du bien-être. Depuis ses débuts comme conseillère d’orientation, elle a accompagné des centaines de personnes dans leur reconversion professionnelle.
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