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Une réalité cachée de la santé mentale en milieu académique

Temps de lecture : 4 minutes

Le gouvernement tant provincial que fédéral adopte la définition de la santé mentale de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), soit comme une composante essentielle de la santé. Il est alors question d’un état de bien-être, de réalisation de soi, de résistance au stress, mais aussi de contribution à la vie en communauté. Selon cette définition, être en bonne santé mentale ne consiste donc pas uniquement à ne pas présenter de trouble mental. 

Le trouble mental, quant à lui, consiste en un état de santé qui se définit par des changements qui affectent la pensée, l’humeur ou le comportement d’une personne, ce qui perturbe son fonctionnement et engendre de la détresse. La bonne santé mentale n’exclut donc pas la présence de troubles mentaux. 

L’environnement particulièrement dynamique a redéfini la vision standard de l’étudiant fréquentant un établissement collégial ou universitaire. Cette trajectoire établie où l’étudiant termine son secondaire, se dirige soit sur le marché du travail ou poursuit son parcours scolaire. Une éclosion des outils technologiques, la mondialisation, le manques de personnel, les départs massifs à la retraite et le « clash » générationnel ont mis en relief un phénomène de moins en moins marginal, soit le retour sur les bancs d’école d’adultes en quête de nouveaux apprentissages, de développement personnel ou de formation continue. Le stress de cet environnement peut être particulièrement sévère pour les acteurs de ces milieux. Bien que la pandémie ait accentué la présence de stress et de troubles mentaux chez la population en général, il est question ici de bien comprendre la notion et l’angle du mot handicap et non d’un trouble temporaire.  

Il existe peu de statistiques, voire d’informations, sur les individus fréquentant un établissement scolaire en situation de handicap dû à des troubles mentaux.
Il est question ici de la chronicité du niveau de persistance d’une maladie chronique ou d’une pathologie. Dans ce cas, il s’agit d’une maladie qui est considérée comme permanente une fois diagnostiquée ou qui se veut intermittente. En outre, l’individu touché se retrouve souvent en présence de maladies ou d’affections chroniques qui coexistent ou s’ajoutent à une maladie ou à une affection préalablement définie. Ainsi, selon le milieu dans lequel une personne évolue ou en fonction de facteurs personnels, elle pourrait voir la qualité de sa participation sociale s’améliorer ou se dégrader dans un contexte spatio-temporel. Le handicap devrait toujours être défini comme étant une situation d’inégalité. La perception dichotomique qui mène à définir un handicap comme une réalité complètement séparée du développement humain permet de distinguer encore trop fréquemment les personnes « handicapées » (ayant des anormalités) des personnes « valides » (communément catégorisées comme normales). 

Le Réseau international sur le Processus de production du handicap (RIPPH) qui se veut un organisme à but non lucratif œuvrant dans le domaine du handicap et de la réadaptation, dont les activités sont basées sur le Modèle de développement humain – Processus de production du handicap (MDH-PPH). Ce dernier est un modèle dédié à la compréhension et l’amélioration de la qualité de vie des personnes ayant des déficiences ou des incapacités. Ce modèle met en relief qu’une situation de handicap se définit par une réduction de la réalisation ou à l’incapacité à réaliser des habitudes de vie, résultant de l’interaction entre les facteurs personnels (les déficiences, les incapacités et les autres caractéristiques personnelles) et les facteurs environnementaux (les facilitateurs et les obstacles). Le tout reposant sur l’interaction entre trois domaines conceptuels : les facteurs personnels, les facteurs environnementaux et les habitudes de vie. 

Une fois la notion de handicap décortiquée, comment les institutions académiques favorisent-elles ou reconnaissent-elles cette réalité. Ces situations  guident vers le programme de prêts et bourses de l’Aide financière aux études (AFE), qui est un facilitateur en ce qui a trait à l’accessibilité aux étudiants québécois en leur offrant les ressources financières nécessaires pour poursuivre à temps plein des études postsecondaires. De ce fait, ce programme peut être un obstacle à la poursuite ou au retour aux études des personnes en situation de handicap en lien avec des troubles de santé mentale. En effet, l’AFE utilise une définition des déficiences fonctionnelles majeures reconnues, soit la déficience auditive grave, la déficience visuelle grave, la déficience motrice et la déficience organique. Ces deux dernières ne sont reconnues que lorsqu’elles entraînent des limitations significatives et persistantes. De ce fait, une fois reconnue, l’individu vivant avec ces déficiences fonctionnelles, qui sont diagnostiquées par un médecin à l’aide d’un formulaire, se voit offrir par l’AFE, une offre financière exclusivement sous forme de bourses. L’Association québécoise pour l’équité et l’inclusion au postsecondaire (AQEIPS) qui représente les étudiants en situation de handicap (ÉSH) du postsecondaire, soit au niveau des DEP, AEC, cégep et université, dénonce cette définition de handicap qui se veut trop restrictive et qui ne représente pas la définition et les enjeux reconnus de cette réalité. L’AFE, encadrée par le gouvernement provincial, ouvre la porte à une discrimination envers les ÉSH ayant un handicap dit « émergent ». Ceux-ci sont constitués du trouble déficitaire de l’attention, d’un trouble de santé mentale non épisodique, d’un trouble du spectre de l’autisme, d’une déficience intellectuelle ou d’un trouble d’apprentissage. Les mesures d’accommodement et d’accès à des bourses au lieu de prêts, auxquelles donne accès ce formulaire sont actuellement uniquement destinées aux ÉSH avec des handicaps physiques. Un phénomène d’iniquité se dessine pour les étudiants aux prises avec des handicaps dits mentaux. 

Dans un pays occidental riche, comme le Canada, principalement le Québec, l’enjeu est particulier. Comment se fait-il qu’un programme gouvernemental ne reconnaisse pas l’existence des troubles mentaux chroniques ou récurrents? Cette réalité peut restreindre l’accessibilité à l’éducation de nombreux étudiants qui vivent avec une maladie dite « invisible ».  

Bien que les écoles secondaires, les cégeps et les universités offrent du support avec des spécialistes et des mesures d’accommodements, l’accès universel à l’éducation voit son étoile pâlir lorsque l’on creuse un peu et que l’on prend connaissance de la vision de l’Aide financière aux études qui, bien qu’elle soit une unité autonome de service, relève tout de même du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Celui-ci étant chargé de la gestion et de la prestation de service des programmes d’aide financière offerts aux étudiants par le gouvernement québécois. La question se pose : « Comment uniformiser la définition de déficiences fonctionnelles majeures reconnues avec la notion de handicaps mentaux, reconnus par des spécialistes, afin de favoriser un accès juste et équitable à l’éducation? » 

 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.  

Étudiante au doctorat en technologie éducative à l’Université Laval, Emilie est titulaire d’un MBA en gestion des affaires numériques, d’un certificat d’excellence pour le programme court de 2e cycle en gestion contemporaine de la TÉLUQ et d’un baccalauréat en administration concentration ressources humaines. Elle est également membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés depuis 2015. Elle cherche toujours à apprendre, à contester les silos des milieux académiques, puis de travail, et à maximiser l’utilisation des technologies. Elle s’intéresse principalement au Métavers, à la réalité virtuelle, augmentée, voire hybride. Ses recherches ont une tendance féministe, afin d’offrir des formations favorisant l’équité d’accès aux formations et aux conditions de travail. Pour toute info : emiliebeauchampsstonge@outlook.com
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Étudiante au doctorat en technologie éducative à l’Université Laval, Emilie est titulaire d’un MBA en gestion des affaires numériques, d’un certificat d’excellence pour le programme court de 2e cycle en gestion contemporaine de la TÉLUQ et d’un baccalauréat en administration concentration ressources humaines. Elle est également membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés depuis 2015. Elle cherche toujours à apprendre, à contester les silos des milieux académiques, puis de travail, et à maximiser l’utilisation des technologies. Elle s’intéresse principalement au Métavers, à la réalité virtuelle, augmentée, voire hybride. Ses recherches ont une tendance féministe, afin d’offrir des formations favorisant l’équité d’accès aux formations et aux conditions de travail. Pour toute info : emiliebeauchampsstonge@outlook.com
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