Calibration des concepts décisionnels, une étape fondamentale dans un processus d’orientation
Marché du travail

Calibration des concepts décisionnels, une étape fondamentale dans un processus d’orientation

Temps de lecture : 4 minutes

L’un des principaux obstacles durant un processus décisionnel repose sur le manque de méthode. Ayant peu appris sur les engagements liés à une démarche réflexive, un initié pourrait entretenir de l’indécision à un tel point qu’il pourrait la percevoir comme la principale problématique, tandis qu’elle s’avère indispensable. Elle permet d’éveiller le questionnement, prévient les choix impulsifs, donne l’occasion de découvrir son potentiel, d’expérimenter plusieurs avenues, forge la personnalité et développe l’autonomie ainsi que son sens critique. Pour le professionnel en orientation, cette divergence de perception s’explique par des concepts parfois trop généraux comme les biais cognitifs, l’acharnement vocationnel, la pensée magique ou même le sentiment d’efficacité personnel. Ces concepts difficiles à définir précipitent souvent des conclusions hâtives en dépit de la complexité des mécanismes décisionnels. En ne couvrant pas suffisamment ces divergences sur l’indécision, plusieurs resteraient perplexes quant à la qualité des services d’orientation, puisqu’ils ne sauraient gérer l’incertitude résiduelle, et ce, même à la fin d’un accompagnement élaboré. Parfois éclipsées par l’atteinte d’un plan de carrière bien détaillé, qu’en est-il des perceptions liées au choix de carrière, la structure de la pensée, la relation avec l’indécision d’un jeune décideur? Comment interprétons-nous le questionnement du point de vue de celui-ci? 

Plusieurs dualités de perception existent face à des obstacles décisionnels.
Plusieurs dualités de perception existent face à des obstacles décisionnels. Par exemple, l’embûche serait-elle une collecte d’information insuffisante ou bien serait-ce une disparité entre les attentes et la réalité du marché du travail? L’étudiant qui aspire à un projet de carrière risqué surestime-t-il ses compétences ou sous-estimerait-il les exigences du milieu? La santé mentale agirait-elle comme un filtre en renforçant et réconfortant le décideur dans ses propres concepts ou l’information non questionnée pourrait-elle à son tour être dangereusement extrapolée? En se contentant d’expliquer ces embûches uniquement à l’aide d’idées générales (pensée magique, acharnement ou sentiment d’efficacité personnel), les perceptions inchangées maintiendront l’individu avec ses mêmes stratégies. Le défi suppose de favoriser l’intégration de nouveaux concepts décisionnels. Cependant, les ressources d’accompagnement dédiées en orientation s’avèrent souvent limitées. Nous souhaitons idéalement qu’il puisse poursuivre du mieux son propre développement vocationnel. Alors, comment léguer des compétences fondamentales qui alimenteront un regard critique sur ses réflexions? 

Un incontournable consiste à valider les concepts décisionnels avant d’entreprendre d’autres étapes liées au processus d’orientation.

La notion de concept décisionnel représente une combinaison de caractéristiques arbitraires qu’un individu s’imaginerait sur le choix de carrière. 

Ces caractéristiques varient d’une personne à une autre et certaines d’entre elles seraient favorables ou limitatrices dans la compréhension de soi et du monde professionnel. Par exemple, l’impression qu’une carrière nous est prédestinée laisserait croire qu’il n’y aurait qu’une bonne option et la moindre trace de doute serait interprétée comme une impasse écartant ainsi plusieurs avenues professionnelles prospères. Il en est de même pour les personnes trop convaincues. En quoi serait-il pertinent de questionner une aspiration étant donné que leur voie serait déjà tracée! Cette idée de prédestination serait renforcée parce que plusieurs des pairs exprimeraient aussi l’impression d’être décidés. Dans ces deux cas de figures, l’indécision représenterait une impasse dans laquelle il faut se tirer le plus rapidement plutôt qu’être accueillie. 

Selon le type d’adversité éprouvé en contexte d’indécision, plusieurs pistes de réflexion aideraient l’étudiant à varier ses aspirations professionnelles avec ouverture et souplesse. Parmi chaque exemple, il importe d’en dégager le principe et d’adapter vos propres interventions selon la complexité du cas tout en faisant appel à votre jugement professionnel.  

Exemples de cas  Pistes de réflexion 
Nombreux sont les étudiants indécis s’imaginant qu’il suffit d’éplucher toutes les professions existantes ou bien de passer un questionnaire psychométrique pour trouver leur voie.  Expliquer qu’un choix ne se résume pas qu’avec son niveau de compatibilité avec une profession donnée. 

Montrer l’importance de la diversité des gens (compétences, personnalité…) au sein d’une même profession. 

Exposer les risques liés à une telle pratique. 

L’individu fermement déterminé vivrait un état de quiétude et serait réfractaire aux conseils des autres. Les mises en garde qui lui sont faites seraient perçues comme une dévalorisation de ses compétences ou même du sabotage pour ébranler ses ambitions parce qu’il ne se doute pas de la nécessité de se remettre en question.  Rappeler le rôle du professionnel: « Ni vendre, ni briser un rêve ». 

Minimiser l’aspect pédagogique et moral. 

Demander de bien élaborer le raisonnement derrière son choix de carrière. Il pourrait se rendre compte que ce choix a été fondé sur une réflexion insuffisante, puisque ses arguments ne sont pas aussi élaborés qu’ils pourraient l’être. 

L’étudiant qui écarte ses propres ambitions en faisant référence trop souvent à des facteurs externes.  Demander de déterminer le poids des critères décisionnels aiderait l’étudiant à réaliser les influences qui lui sont inhérentes telles que l’opinion de ses parents, de ses amis, les réseaux sociaux, les modèles médiatisés, etc. 
La personne indécise qui aurait peu d’expérience en lien avec la prise de décision.  Discuter du choix lui-même : c’est quoi choisir? Ce n’est pas limité à la capacité à planifier avec exactitude. C’est aussi s’engager malgré les risques, se tromper, s’adapter, découvrir, changer d’idée, être déçu. 

Choisir s’apprend et se pratique. Demander à la personne si elle avait déjà fait de mauvais choix auparavant (p. ex : mauvais achats en ligne, se tromper de chemin en prenant un raccourci, choix d’activité déplaisante, etc.) pour qu’elle puisse exercer un regard critique sur ses stratégies décisionnelles. Qu’aurait-elle fait de différent pour ne pas reproduire les mêmes erreurs? Comment pourrait-elle transposer ses apprentissages en lien avec son choix de carrière. 

Un individu exprimant l’impression qu’une carrière nous est prédestinée.  Demander à l’individu d’observer des professions aléatoirement en lui posant une série de questions : 

-La profession te plaît-elle? Oui, non, peut-être et pourquoi? 

– Pendant combien de temps la pratiquerais-tu? 

– Qu’apporterais-tu de différent ou de novateur dans le milieu? 

– Si une profession ne te plaît pas trop, que manquerait-il pour qu’elle soit agréable? 

Ce questionnement exercerait la souplesse cognitive pour favoriser la diversification des aspirations professionnelles. 

Face à une personne qui tente de tout prévoir et de tout clarifier avant de s’engager dans un projet professionnel.  Il n’y a pas uniquement les tâches et le poste occupé qui déterminent le sentiment de réalisation; l’environnement de travail, les relations interprofessionnelles, le climat organisationnel ou le style de gestion sont tous des variables à considérer, mais elles sont aussi imprévisibles. Demander à la personne comment peut-elle être aussi certaine de son choix avec toute cette imprévisibilité confronterait sa perception. Ce type de questionnement serait aussi une avenue pour apprivoiser l’indécision. 

Nos interprétations en tant que professionnel en orientation gagnent aussi à être questionnées. Nos propres conceptions du choix de carrière biaiseraient notre pratique, d’où l’importance de voir et questionner l’impact de nos interventions. Comment pouvons-nous aiguiser cette capacité à se voir intervenir outre la formation et la supervision? Qu’en est-il de la rétroaction des personnes ayant eu recours à nos services, des notions complémentaires comme la philosophie ou la collaboration avec les autres domaines professionnels? 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.

Jean-François Jarry est conseiller d’orientation et conseiller à l’approche orientante au collégial. Il aborde ses étudiants avec une perspective psycho-développementale à partir de laquelle il a adapté une multitude d’outils et de réflexions qu’il n’hésite pas à partager. Il aime échanger sur plusieurs sujets dont les mécanismes liés à la prise de décision, l’acharnement vocationnel, l’orientation en contexte interculturel, la pédagogie orientante, la maturité vocationnelle ainsi que les parallèles avec le jeu vidéo et le développement des compétences. Il encourage les professionnels de l’orientation à continuer à varier leur pratique pour la partager à leur tour.
×
Jean-François Jarry est conseiller d’orientation et conseiller à l’approche orientante au collégial. Il aborde ses étudiants avec une perspective psycho-développementale à partir de laquelle il a adapté une multitude d’outils et de réflexions qu’il n’hésite pas à partager. Il aime échanger sur plusieurs sujets dont les mécanismes liés à la prise de décision, l’acharnement vocationnel, l’orientation en contexte interculturel, la pédagogie orientante, la maturité vocationnelle ainsi que les parallèles avec le jeu vidéo et le développement des compétences. Il encourage les professionnels de l’orientation à continuer à varier leur pratique pour la partager à leur tour.
Latest Posts
  • Calibration des concepts décisionnels, une étape fondamentale dans un processus d’orientation
  • Un plan de réflexion : de l’incertitude résiduelle aux valeurs organisationnelles
  • Défauts ou compétences?
  • L’orientation en contexte interculturel