Est-ce qu’il vous arrive d’imaginer un milieu de travail idéal, où la pression et le stress sont l’exception plutôt que la règle? Un environnement où l’on valorise le bien-être au-delà de la performance? Certes, l’entreprise a une visée centrale : la rentabilité. Toutefois, avec la dépression au premier rang mondial des causes d’incapacité, il apparaît nécessaire de se pencher sur des avenues novatrices pour en favoriser la prévention et le rétablissement.
Et si embaucher une personne atteinte de dépression pouvait soutenir la rentabilité des entreprises?
Je vous l’accorde, embaucher un travailleur au fonctionnement ralenti peut sembler peu intuitif. Toujours en est-il, s’adapter aux besoins d’un individu qui traverse un épisode dépressif permet de mettre en place des pratiques de gestion pouvant réduire le roulement de personnel et les arrêts de travail pour cause de maladie. Sans aucun doute, une entreprise capable de garder à l’emploi un travailleur vulnérabilisé saura se démarquer à plusieurs niveaux auprès des chercheurs d’emploi.
Attraction et rétention
Tout comme les nouvelles générations qui font leur entrée sur le marché du travail, les personnes aux prises avec un état dépressif ont besoin d’un milieu de travail harmonieux où la flexibilité et la qualité de vie font partie intégrante des conditions. En effet, les jeunes travailleurs valorisent l’équilibre entre le travail et la vie personnelle, au-delà de la rémunération. En parallèle, se rétablir d’un épisode dépressif nécessite de trouver un équilibre entre l’action et le repos. Pour ce faire, les travailleurs atteints ont besoin d’une grande conciliation de la part de leur employeur afin de moduler leur horaire de travail de façon cohérente avec leur processus de rétablissement.
De plus, assurer l’intégration et la formation d’une personne vivant une période d’anxiété amplifiée et ayant un niveau de concentration limité demande un accueil en douceur. Souvent expéditif, l’accueil des nouveaux employés ne leur permet pas toujours de bien s’intégrer à l’équipe et de saisir pleinement leurs tâches en début de mandat, ce qui peut résulter en un départ rapide.
Autrement dit, s’adapter à un travailleur ayant besoin de plus de congés permet d’instaurer des mesures au service de l’attraction et de la rétention de personnel, de même qu’offrir une période d’intégration et de formation personnalisée.
Développement des pratiques de gestion
Que ce soit une grande créativité pour adapter provisoirement les opérations aux capacités de l’employé ou un talent pour l’écoute active afin de cibler ses besoins réels, encadrer un travailleur vivant des manifestations dépressives demande de solides habiletés de gestion. Sans contredit, plusieurs personnes se retrouvent marginalisées du marché du travail parce qu’elles ont des besoins particuliers ou encore, parce qu’elles sont peu expérimentées. Apprendre à optimiser et à adapter les pratiques d’encadrement et de gestion sur le terrain permet aux entreprises d’élargir leur bassin de candidats pour pourvoir leurs postes vacants.
Par ailleurs, les gestionnaires ne peuvent plus se permettre de hausser le ton ou d’imposer des exigences rigides, au risque de perdre des employés. Ces pratiques de gestion trop autoritaires sont désormais reconnues comme des facteurs de risques psychosociaux du travail, pouvant occasionner des manifestations dépressives. Que ce soit une charge de travail trop élevée ou un manque de soutien entre les membres de l’équipe, le travail a un impact important sur la santé psychologique de chaque travailleur. Ainsi, adapter son mode de gestion à une personne fragilisée permet de développer de meilleures habiletés de communication et d’entretenir des relations positives ayant un effet protecteur sur l’ensemble de l’équipe. Au final, le développement des pratiques de gestion devient une nécessité pour les employeurs qui souhaitent réduire les risques psychosociaux dans leurs milieux et favoriser le bien-être de l’ensemble de leurs employés.
Réduction des arrêts pour maladie
Manifestement, la dépression apparaît de façon insidieuse. Tout de même, le début d’un épisode n’est pas pour autant indétectable par un œil bien informé. En ce sens, un gestionnaire éduqué sur la dépression, combiné à un collègue ayant déjà traversé une telle problématique, sauront repérer tôt les signes précurseurs chez un travailleur. Certainement, un allié peut plus aisément refléter une difficulté vécue par un collègue et faciliter la conversation avec son employeur pour éviter que le travail ne précipite davantage l’épisode de crise.
Environnement optimal
Être frappé par la dépression ce n’est pas un choix, mais surtout, ce n’est pas une finalité. Se rétablir d’un tel épisode et reprendre ses pleines capacités professionnelles, c’est non seulement possible, mais cela permet d’être un travailleur mieux outillé pour éviter les pièges psychologiques du monde du travail. Sans oublier qu’offrir des conditions de travail optimales, ça ne peut qu’être bénéfique pour tous.
Et si on imaginait un milieu de travail qui offre un environnement propice pour que chaque individu y développe son plein potentiel, tout en préservant son bien-être?
Élizabeth Gailloux animera l’atelier “Dépression, inactivité sociale et employabilité chez les jeunes adultes” au congrès canadien Cannexus24 du CERIC, qui aura lieu en mode hybride (en virtuel et en présentiel) et ce, à Ottawa du 29 au 31 janvier 2024. Pour en savoir davantage et/ou pour vous inscrire : cannexus.ceric.ca
Références :
INSPQ (2022). Risques psychosociaux du travail. Récupéré le 14 août 2023. ://www.inspq.qc.ca/risques-psychosociaux-du-travail-et-promotion-de-la-sante-des-travailleurs/risques-psychosociaux-du-travail
Leruse, L., Di Martino, I., Malaise, N., Firket, P., Jaminon, V. et Paradowski, M. (2004). « Le stress au travail, facteurs de risque, prévention, évaluation ». Dans SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, Belgique, p. 15 à 30. Récupéré le 13 juillet 2010. http://www.deparisnet.be/PSY/Publication/le%20stress%20au%20travail.pdf
Organisation mondiale de la santé (2017). La dépression, parlons-en. Récupéré le 9 octobre 2023. https://www.who.int/fr/news/item/30-03-2017–depression-let-s-talk-says-who-as-depression-tops-list-of-causes-of-ill-health
Ranstad (2023). Embaucher la génération Z: ce qu’il faut savoir pour les recruter. Récupéré le 9 octobre 2023. https://www.randstad.ca/fr/employeurs/tendances-employeur/gestion-des-talents/ce-quil-faut-savoir-sur-les-travailleurs-de-la-generation-z/
Élizabeth Gailloux, formatrice et fondatrice
Formation santé mentale & emploi
www.formationsantementale.ca
