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Ce cinquième article d’une série de cinq qui présente des contenus qui proviennent d’un ouvrage collectif, L’accompagnement visant l’intégration des personnes réfugiées faiblement scolarisées. Rédigé par un comité composé de trois professeures (Bengaly M., Goyer L., Dionne P.) et deux c.o. candidates au doctorat (Gourde A., Morissette J.), le projet à l’origine de cet ouvrage a été financé par le CERIC (ci-après nommé «le guide»)
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Pour commencer, une petite histoire :
Claudia est conseillère d’orientation et elle accompagne des adultes ayant des questionnements par rapport à leur carrière et ayant besoin d’aide pour se trouver un emploi. Dernièrement, elle a aidé Mourad, un jeune homme nouvellement arrivé au Québec, dans ses démarches de recherche d’emploi. C’est une première pour elle. Claudia est déstabilisée et un peu perdue, car certaines façons de travailler habituellement efficaces ne semblent pas fonctionner avec Mourad. Cette situation peut vous arriver en tant que conseiller ou conseillère intervenant en développement de carrière ou en orientation.
Comme il a été mentionné dans les quatre articles précédents, l’intervention auprès des personnes réfugiées faiblement scolarisées demande de revoir sa manière d’intervenir, de comprendre certains aspects des autres cultures, mais également la réalité et les défis auxquels font face ces personnes trouvant refuge dans notre pays.
Les ajustements proposés se font autant dans notre vision et notre compréhension de la culture de l’autre que dans les interventions auprès de cette clientèle. Le consentement libre et éclairé est un élément qui suscite des incompréhensions, particulièrement chez les personnes réfugiées faiblement scolarisées, car cette manière de procéder est souvent absente dans leur pays d’origine (Morissette et al., 2024). La conception de l’orientation se réalisant tout au long de la vie est un concept qui peut également leur être étranger. Ainsi, le consentement libre et éclairé renferme plusieurs concepts qui s’avèrent difficiles à comprendre pour ces personnes. Diverses adaptations possibles du formulaire de consentement peuvent être faites afin de les aider à mieux comprendre ce qu’il contient. Premièrement, pour donner un sens au consentement, il devient essentiel d’expliquer le contexte et les raisons de son application, la signification dans la relation, les valeurs qui le soutiennent. Il est possible de recourir à des interprètes afin de donner des explications dans la langue maternelle de la personne. De même, la traduction dans plusieurs langues de ce consentement pourrait être un élément intéressant à envisager (Morissette et al., 2024). Le fait d’opter pour un consentement oral et évolutif, c’est-à-dire qui évolue tout au long de la démarche en fonction des explications données par le conseiller ou la conseillère est également une autre stratégie intéressante pour aider à la compréhension de cet élément déontologique essentiel dans la pratique des conseillers et conseillères d’orientation au Québec. D’ailleurs, il faut être doublement attentif avec cette clientèle, car des incompréhensions peuvent demeurer même si la personne prétend le contraire. « Le consentement devient, dès lors, une activité d’initiation à la culture de la société d’accueil, à l’importance que les personnes consentent en toute connaissance de cause aux services qui leur sont offerts dans le cadre de relations professionnelles » (Morissette et al., 2024, p.94).
L’utilisation de l’information sur le marché du travail (IMT) peut également représenter certains défis dans l’intervention auprès des personnes réfugiées faiblement scolarisées. En orientation et en développement de carrière, l’IMT fait partie intégrante du travail des conseillers et conseillères afin d’aider les personnes qui consultent dans leur démarche d’orientation et de recherche d’emploi. Toutefois, pour les personnes réfugiées faiblement scolarisées, comprendre cette information peut représenter un défi, entre autres en raison du fait que cette information nécessite de bien comprendre la langue française et de pouvoir naviguer sur Internet (Morissette et al., 2024). Il est important pour les personnes conseillères de « ne pas tenir pour acquis que l’IMT transmise est comprise » (Morissette et al., 2024, p.101). Comme le mentionne certains auteurs, l’IMT peut créer de la confusion et les personnes réfugiées peuvent préférer discuter avec le conseiller ou la conseillère plutôt que consulter des sites Internet (Savard, et al., 2007; Supeno et al., 2020). Il est donc important de privilégier la transmission d’information « en relation » et de prendre le temps d’accompagner ces personnes et de donner des explications complètes et détaillées afin de pouvoir les aider à comprendre la réalité du marché du travail et de la formation.
L’alliance de travail se développe dans toutes relations d’aide. Elle implique à la fois une considération des buts, des tâches et du lien émotionnel, lequel se construit à travers l’intervention (Bordin, 1979). Plus cette alliance est forte entre la personne conseillère et la personne qui la consulte et plus la satisfaction par rapport à la démarche d’orientation sera grande (Massoudi et al., 2008; Milot-Lapointe et al., 2021). Pour établir une alliance forte avec la personne réfugiée faiblement scolarisée, les compétences liées à l’intervention interculturelle sont essentielles. Plusieurs gestes peuvent être posés pour faciliter cette alliance; par exemple, prendre le temps d’accueillir la personne, prendre des nouvelles de son entourage, sa famille, s’intéresser sincèrement à son histoire, à ses coutumes, etc.
On doit également porter attention à créer une alliance avec la famille de la personne réfugiée qui sera possiblement impliquée dans la prise de décision au cours de la démarche, surtout quand il s’agit de gens provenant d’une culture collectiviste (Agodzo, 2014; Hofstede, 1994). La famille de la personne réfugiée occupe une place importante parce que ses membres valorisent la transmission intergénérationnelle et le partage de connaissances (Vatz Laaroussi et al., 2012). Des alliances avec des partenaires externes sont également à développer par le conseiller ou la conseillère afin d’aider les personnes réfugiées à mieux composer avec ceux-ci selon ses besoins. Il peut s’agir du milieu de l’éducation, des organismes communautaires et d’aide à l’emploi, des entreprises et des responsables des ressources humaines, des entreprises d’insertion et des organisations d’aide à l’intégration citoyenne des personnes immigrantes (Morissette et al., 2024).
À la lumière de ces éléments, Claudia pourra ajuster certaines de ses interventions et développer ses compétences interculturelles.
Dans le guide ayant pour titre L’accompagnement visant l’intégration des personnes réfugiées faiblement scolarisées : une perspective interculturelle en orientation (Morissette et al., 2024), il est proposé une démarche d’accompagnement à l’orientation et l’insertion sociale et professionnelle avec les personnes réfugiées faiblement scolarisées. Pour en savoir plus : https://ceric.ca/fr/publications/laccompagnement-visant-lintegration-des-personnes-refugiees-faiblement-scolarisees-une-perspective-interculturelle-en-orientation/
Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.
Bibliographie
Agodzo, D. (2014). Six Approaches to Understanding National Cultures: An Overview of Hofstede’s Dimensional Paradigm. Université Spring Arbor.
Bordin, E. S. (1979). « The generalizability of the psychoanalytic concept of the working alliance ». Psychotherapy: Theorie, research and practice, 16(3), 252-260.
Hofstede, G. (1994). « The business of international business is culture ». International Business Review, 3(1), 1-14.
Massoudi, K., Masdonati, J., Clot-Siegrist, E., Franz, S., & Rossier, J. (2008). « Évaluation des effets du counseling d’orientation : influence de l’alliance de travail et des caractéristiques individuelles ». Pratiques Psychologiques, 14(2), 117-136. https://doi.org/10.1016/j.prps.2007.11.010
Milot-Lapointe, F., Le Corff, Y. et Arifoulline, N. (2021). « A meta-analytic investigation of the association between working alliance and outcomes of individual career counseling ». Journal of career assessment, 29(3), 486-501. Doi: 10.1177/1069072720985037
Morissette, J., Gourde, A., Goyer, L., Dionne, P. et Bengaly, M. (2024). L’accompagnement visant l’intégration des personnes réfugiées faiblement scolarisées : une perspective interculturelle en orientation. CERIC. https://ceric.ca/fr/publications/laccompagnement-visant-lintegration-des-personnes-refugiees-faiblement-scolarisees-une-perspective-interculturelle-en-orientation/
Savard, R., Michaud, G., Bilodeau, C., et Arseneau, S. (2007). « L’effet de l’information sur le marché du travail dans le processus décisionnel relatif au choix de carrière ». Canadian Journal of Counselling and Psychotherapy, 41(3). https://cjc-rcc.ucalgary.ca/article/view/58817
Supeno, E., Dionne, P., Viviers, S. et Rivard, L. (2020). « L’advocacie sociale et professionnelle dans les professions en santé mentale et relations humaines : un tour d’horizon » (1re partie). L’Orientation, 10(1), 28-34.
Vatz Laaroussi, M., Guilbert, L., Rachédi, L., Kanouté, F., Ansòn, L., Canales, T., León Correal, A., Presseau, A., Thiaw, M. L. et Zivanovic Sarenac, J. (2012). « De la transmission à la construction des savoirs et des pratiques dans les relations intergénérationnelles de femmes réfugiées au Québec ». Nouvelles pratiques sociales, 25(1), 136–156. https://doi.org/10.7202/1017387ar
Annie Gourde est conseillère d’orientation, chargée de cours, formatrice et doctorante en sciences de l’orientation, elle s’intéresse à la supervision et la formation des personnes professionnelles en plus d’avoir de l’expérience dans l’intervention avec une clientèle diversifiée. Elle a également une expérience dans le recrutement et le coaching de gestionnaire en transition de carrière. Impliquée, elle est active dans la profession et s’assure d’être à l’affut des nouveautés, particulièrement en matière de technologie. Elle a une excellente connaissance du marché du travail et des différents enjeux que doivent affronter les organisations et les différentes populations.
Julie Morissette est conseillère d’orientation et formatrice en employabilité dans le programme d’intégration socioprofessionnelle du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Depuis plus de 15 ans, elle travaille auprès des personnes réfugiées faiblement scolarisées en vue de les aider à intégrer le marché du travail. Au cours de ces années, elle s’est intéressée au développement de différentes méthodes d’animation de groupe pour les personnes réfugiées ayant un niveau de maîtrise de la langue française très variable. Elle a aussi défini des différents culturels du quotidien pour aider les personnes à mieux comprendre la culture du marché du travail québécois et à mieux vivre leur intégration au travail. Chargée de cours en counseling de carrière au baccalauréat en orientation professionnelle, superviseure en counseling auprès de personnes étudiantes, elle poursuit un doctorat professionnel en enseignement supérieur afin de former les personnes conseillères à l’intervention interculturelle.
Annie Gourde est conseillère d’orientation, chargée de cours, formatrice et doctorante en sciences de l’orientation, elle s’intéresse à la supervision et la formation des personnes professionnelles en plus d’avoir de l’expérience dans l’intervention avec une clientèle diversifiée. Elle a également une expérience dans le recrutement et le coaching de gestionnaire en transition de carrière. Impliquée, elle est active dans la profession et s’assure d’être à l’affut des nouveautés, particulièrement en matière de technologie. Elle a une excellente connaissance du marché du travail et des différents enjeux que doivent affronter les organisations et les différentes populations.
Julie Morissette est conseillère d’orientation et formatrice en employabilité dans le programme d’intégration socioprofessionnelle du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Depuis plus de 15 ans, elle travaille auprès des personnes réfugiées faiblement scolarisées en vue de les aider à intégrer le marché du travail. Au cours de ces années, elle s’est intéressée au développement de différentes méthodes d’animation de groupe pour les personnes réfugiées ayant un niveau de maîtrise de la langue française très variable. Elle a aussi défini des différents culturels du quotidien pour aider les personnes à mieux comprendre la culture du marché du travail québécois et à mieux vivre leur intégration au travail. Chargée de cours en counseling de carrière au baccalauréat en orientation professionnelle, superviseure en counseling auprès de personnes étudiantes, elle poursuit un doctorat professionnel en enseignement supérieur afin de former les personnes conseillères à l’intervention interculturelle.