Éducation

Le rôle de la famille dans le parcours scolaire des collégiennes et des collégiens

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Plusieurs travaux en sociologie, des plus classiques aux plus contemporains, ont étudié l’influence du milieu social d’origine sur le parcours scolaire des jeunes et en particulier du rôle des parents. Avec Francis Charlebois et Sylvain Bourdon, nous avons publié un article dans la Revue canadienne de l’éducation en 2022 à ce sujet. Ce court texte vise à en faire le résumé.

L’implication parentale semble aller de soi au primaire, où l’enfant vit ses premiers pas dans le système scolaire, et au secondaire, car l’élève chemine vers son autonomie, mais nécessite néanmoins un encadrement et un soutien de ses parents.

Or, après le secondaire, les parents jouent encore un rôle important. Doray et ses collaborateurs (2009) montrent que les collégiens les identifient comme des acteurs significatifs dans leurs parcours, notamment pour l’approbation et les conseils qu’ils procurent. De leur côté, Roy et al. (2012) confirment un rôle de parent en tension avec une quête d’autonomie de la part des collégiens.

Les travaux de Bourdon et al. (2007) montrent que la plupart des collégiens (entre 16 et 19 ans) bénéficient d’un large éventail de soutien de la part de leurs amis et des ressources professionnelles du cégep, mais qu’ils reconnaissent toujours le soutien parental comme un facteur de persévérance qui revêt diverses formes. D’abord, le soutien matériel et financier échoit de manière presque exclusive à la famille, mais se décline après d’autres types de soutien que se partagent les amis et la famille. À cet effet, on constate que les parents se démarquent des amis en ce qui a trait aux encouragements, aux marques de confiance ou aux rétroactions reçus par les jeunes.

Ainsi, plusieurs travaux en sociologie montrent que la conception de la réussite scolaire ou les attentes parentales en matière de scolarisation n’apparaissent pas ex nihilo chez les collégiens. Elles se construisent socialement, à travers l’exemple, véhiculé notamment par le parcours scolaire des parents et le discours sur l’école entendu à la maison ou dans l’entourage des jeunes.

C’est pourquoi notre article vise à mieux comprendre le regard que portent les collégiens sur le rapport aux études et le parcours scolaire de leurs parents.

Pour atteindre ces objectifs, 96 étudiants des cégeps Lionel-Groulx, de Sherbrooke et du Vieux Montréal ont été recrutés (voir Bourdon et al. [2007] pour une description détaillée de l’échantillon et de la méthodologie de l’enquête). À partir des transcriptions originales issues des 96 entretiens de la vague 1 , une nouvelle analyse thématique (Paillé et Muchielli, 2021) du matériel a permis l’élaboration d’un nouvel arbre thématique grâce à une thématisation inductive qui partait du corpus pour générer des thèmes plutôt que d’hypothèses à vérifier de manière déductive.

Une typologie des types de rapports aux études des parents

L’analyse des entretiens a conduit à la désignation de quatre types de rapport aux études de la part des parents. Tout d’abord, à la manière d’une trame de fond commune, beaucoup plus répandue, voire consensuelle, les jeunes perçoivent un rapport utilitaire aux études de la part de leurs parents qui disent explicitement qu’étudier sert un objectif, une finalité. En raffinant l’analyse, on peut dégager trois autres types qui se superposent au rapport utilitaire. Il y a d’abord des parents qui expriment un rapport lucide aux études, le plus souvent après les avoir abandonnées et en prenant conscience, avec du recul, de leur valeur sur le marché de l’emploi. D’autres parents véhiculent un message protecteur associé aux études pour faire en sorte que leurs jeunes évitent des écueils en poursuivant leurs études. Finalement, il se dégage un rapport autoritaire aux études de la part de parents qui communiquent de manière explicite leurs attentes liées aux études universitaires. Ces trois types (lucide, protecteur et autoritaire) ne doivent pas se concevoir comme mutuellement exclusifs, mais plutôt en cohabitation ou en couches successives avec le rapport utilitaire comme dénominateur commun.

En somme, les jeunes ressentent un rapport aux études utilitaire qui se rencontre autant chez les parents diplômés du postsecondaire que chez ceux qui ne le sont pas, dégageant une certaine uniformité à propos de la valeur des études. Les parents qui entretiennent un rapport lucide aux études présentent souvent un parcours scolaire sinueux, difficile et souvent interrompu en deçà de leurs attentes. Ces revers nourrissant une certaine forme d’insistance à valoriser les études universitaires, de la même manière que les parents diplômés universitaires qui s’appuient plutôt sur leur parcours pour en valoriser la reproduction.

Mais peu importe le rapport aux études du parent, on remarque une forme d’injonction au bonheur véhiculée de manière assez générale par les parents. Les jeunes reviennent souvent sur le fait que leurs parents souhaitent leur bonheur avant toute chose, comme en témoigne cet extrait :

« C’est que je sois heureux qui compte pour eux. Ce n’est pas [que] les études qui comptent […]. C’est sûr que les études, ça compte parce que sans études, bien tu ne peux pas gagner ta vie […]. Il faut que tu fasses quelque chose de ta vie. [Donc] c’est important pour eux. Mais ce qui est primordial, c’est plus que je sois heureux [et] que je fasse les bons choix pour moi. » – Samuel

Nos résultats montrent que les jeunes reconnaissent, à l’instar de leurs parents, la nécessité de la scolarisation postsecondaire. En effet, il semble bien clair pour les jeunes que l’obtention du diplôme d’études secondaires (DES) ne constitue plus un niveau de scolarité suffisant pour affronter le marché de l’emploi. Ce discours se remarque de manière répandue dans plusieurs milieux familiaux, à l’instar des travaux de Garneau (2017) et Cayouette-Remblière (2014).

En somme, on constate une volonté d’autonomie de la part des jeunes, qui veulent prendre des décisions de manière autonome pour se démarquer de leurs parents, mais on ne peut s’empêcher de remarquer, du même coup, une importante influence du milieu familial qui teinte leur regard et leur capacité à voir les possibilités qui s’offrent à eux.

 

Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.  

Références bibliographiques

Bourdon, S., Charbonneau, J., Cournoyer, L. et Lapostolle, L. (2007, mars). Famille, réseaux et persévérance au collégial : phase 1 [Rapport de recherche]. Équipe de recherche sur les transitions et l’apprentissage (ERTA). http://erta.ca/sites/default/files/2017-03/Bourdon-Charbonneau-Cournoyer-et-al_famille-reseau-perseverance-collegial-phase1_2007.pdf

Cayouette-Remblière, J. (2014). Les classes populaires face à l’impératif scolaire. Orienter les choix dans un contexte de scolarisation totale. Actes de la recherche en sciences sociales, 205(5), 58–71.

Doray, P., Picard, F., Trottier, C. et Groleau, A. (2009, avril). Les parcours éducatifs et scolaires; quelques balises conceptuelles. Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire. https://www.capres.ca/wp-content/uploads/2014/11/2009_Note3_finale.pdf

Garneau, S. (2017). La formation professionnelle en contexte de « scolarisation totale ». Désirs de réussite, normes scolaires et relations familiales. Jeunes et société, 2(1), 59–80. https://doi.org/10.7202/1075821ar

Roy, J., Bouchard, J. et Turcotte, M.-A. (2012). La construction identitaire des garçons et la réussite au cégep. Service social, 58(1), 55–67. https://doi.org/10.7202/1010439ar

 

 

 

 

Frédéric Deschenaux est professeur titulaire à l’unité départementale des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Rimouski, où il enseigne la sociologie de l’éducation et les méthodes de recherche depuis 2004. Ses recherches récentes portent sur la place des parents dans le parcours scolaire et professionnel de leurs enfants. Il travaille aussi sur les méthodologies d’enquête en sciences sociales et les techniques d’analyse des données qualitatives. Il est directeur de la revue Recherches qualitatives depuis juin 2018.
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Frédéric Deschenaux est professeur titulaire à l’unité départementale des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Rimouski, où il enseigne la sociologie de l’éducation et les méthodes de recherche depuis 2004. Ses recherches récentes portent sur la place des parents dans le parcours scolaire et professionnel de leurs enfants. Il travaille aussi sur les méthodologies d’enquête en sciences sociales et les techniques d’analyse des données qualitatives. Il est directeur de la revue Recherches qualitatives depuis juin 2018.
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