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L’éducation à la connaissance de soi, des formations et des métiers a été officiellement lancée en France en 1996 avec deux circulaires ministérielles, une pour le collège et une pour le lycée. Cette éducation française à l’orientation ressemble-t-elle à l’éducation au choix initiée au Québec? Au niveau international, c’est le triangle Individu-Travail-Formation qui a été choisi en 1987 pour délimiter le champ d’expertise des conseillers d’orientation.
Le triangle choisi par l’Éducation nationale française fait essentiellement référence à la connaissance, c’est-à-dire à la notion d’ « information sur ». Il s’agit d’un point de vue très abstrait de ce que pourrait être l’éducation expérientielle à l’orientation. De plus, dans cette approche française très formelle, la connaissance du monde du travail ressemble à un cours d’économie, ce qui est très réducteur par rapport à ce qui se joue dans le monde du travail en termes de compétences, d’organisation du travail, de culture professionnelle, de valeurs affichées et de valeurs incarnées. D’un autre point de vue (à la fois constructiviste et systémique), on peut considérer que ce modèle français basé sur la connaissance serait utile s’il était connecté à la dynamique Individu-Travail-Formation. En effet, cette connaissance est de l’ordre de l’information, qu’elle soit sur soi, sur les études ou sur le monde du travail.
L’information sur les formations et sur les métiers est évidemment essentielle et doit être fiable.
Toutefois, l’information est à remettre dans un contexte plus global, plus vivant, plus complexe parce que la dynamique est interactionnelle. L’individu ne se construit pas seulement avec des « informations sur ». Une personne se construit dans une structure d’apprentissage ou de travail et surtout, en relation avec d’autres personnes, en relation avec des personnes dans des systèmes objectifs (formels ou informels ou les deux) de formation et dans un monde du travail objectif. L’Éducation nationale a sa structure propre avec ses informations, ses valeurs, ses principes. Il en est de même pour chaque système de formation et milieu de travail.
Si concrétiser une décision d’orientation nécessite une telle connaissance de soi, des formations et des métiers, elle s’inscrit surtout dans des structures objectives avec des valeurs qui correspondent ou pas à celles des individus. D’un point de vue interactionniste (Nuttin, Limoges), le monde de la formation et le monde du travail sont donc considérés comme des structures objectives, complexes et extérieures à la personne. Pour appréhender la complexité de l’individu, des structures Étude et Travail, il est utile d’avoir comme modèle la dynamique Individu-Étude-Travail.
Leur pratique est réglementée à plusieurs niveaux : un statut professionnel à double entrée (cinq années d’études universitaires et une inscription à l’OCCOQ, une liste des activités professionnelles autorisées, un champ d’expertise délimité par l’Ordre).
En France, le métier de conseiller d’orientation n’est pas réglementé. Il l’était au sein de l’Éducation nationale, mais ce statut a été supprimé en 2017. Parallèlement, la Loi Jospin de 1989 définit le conseil en orientation comme un droit. Et depuis 1996, deux circulaires ministérielles proposent d’introduire une approche éducative de l’orientation : l’éducation à l’orientation. Cette approche est fortement inspirée, pour ne pas dire transposée, de l’éducation au choix initiée au Québec. Cette approche est actuellement relancée avec le référentiel des compétences à s’orienter. Cependant, nous n’avons pas la même histoire ni les mêmes références sociales, culturelles et scientifiques. Les fondements théoriques de l’éducation au choix sont d’ordre psychopédagogique et influencés notamment par les travaux de Denis Pelletier. De plus, nos systèmes de formation diffèrent de par leur histoire.
L’approche française reprend la forme du triangle pour symboliser cette éducation à l’orientation : connaissance de soi-connaissance des formations-connaissances des métiers. En France, nous sommes donc passés, du moins dans les textes, d’une approche prescriptive dans laquelle seuls les adultes géraient les démarches, décisions et procédures à une approche éducative, du moins encore en théorie, dans laquelle la responsabilité est attribuée à certains élèves et à leur famille.
Le triangle Individu-Étude-Travail proposé par Jacques Limoges nous suggère une entrée différente. Cette entrée permet de faire le pont entre nos deux continents en respectant les références culturelles des deux côtés. D’abord les fondements théoriques de ce triangle s’appuient sur les travaux de l’école de Palo Alto, notamment ceux du psychologue belge Joseph Nuttin. Le triangle psychopédagogique repris en France traduit en termes scolaires une connaissance statique alors que cette connaissance devrait pouvoir aller au-delà de la simple connaissance, encore une fois trop scolaire, de soi, des formations et des métiers. Ainsi le triangle I-E-T met en avant la nature dynamique et interactionnelle des liens entre la personne et son environnement. Henri Wallon avait déjà mis en avant l’importance de l’interaction personne-environnement.
Pour ce qui concerne le champ d’expertise des professionnels de l’orientation tant au Québec qu’en France, et même en Europe, l’environnement se compose des deux angles Études et Travail. Ces deux angles représentent deux entités propres, des structures organiques à part entière qui interagissent continuellement. L’objet de la dynamique peut être intrapersonnel (de soi à soi), interpersonnel (de soi à l’autre et de l’autre à soi) et extra personnel (information liée à la formation et au travail).
Ainsi, la dynamique perpétuelle I-E-T fait apparaître la complexité de l’évaluation et de l’intervention au sein de notre champ d’expertise des deux côtés de l’Atlantique. Oui, ce champ d’expertise s’inscrit dans un contexte continuellement en mouvement. Par conséquent, tout élément du système, tout changement dans le triangle est susceptible de provoquer des prises de décision. Le moindre mouvement à l’angle Individu ou/et à l’angle Étude ou/et à l’angle Travail peut déclencher, ou pas, une occasion de type carriérologique (autre expression venue d’un Québécois), autrement dit, une occasion de décider reliée à la dynamique I-E-T. Le moindre mouvement dans la dynamique entre deux pôles peut susciter une occasion. Ces occasions de décider de son orientation et de son développement de carrière (encore une expression québécoise) sont au nombre de six.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.