Bibliothèque sous une chute
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Un ours n’est pas un enfant de chœur

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En 1976, après trois ans comme professeur adjoint, l’Université de Sherbrooke (UdS) m’offre un congé sabbatique afin que j’obtienne un doctorat. En ces temps-là, les sciences humaines du monde occidental avaient les yeux tournés vers la Californie, berceau de toutes les nouveautés d’inspiration orientale, en cette ère du Verseau avec, entre autres, les Rogers, Perls et Watzlawick. Je profitai alors d’un séjour à Los Angeles pour explorer les divers programmes de doctorat offerts et la première université consultée (par erreur, car croyant que Rogers y enseignait) fut Southern California (USC).


D’abord le doc.

Même sans rendez-vous, le directeur du département de psychologie accepta avec amabilité de me rencontrer et éventuellement de survoler mon dossier académique faisant, entre autres, mention de l’obtention du prix ARLIE-ADKINS de la Société canadienne d’orientation et de consultation 1 pour la meilleure dissertation de maitrise en 1975 ainsi que d’une admission « honorifique », donc assurée, à l’Université d’Alberta à Edmonton. En me remettant mon dossier, il précisa qu’ici à l’USC on ne reconnaissait qu’une seule maitrise, soit la leur! En clair, cela voulait dire que je devrais refaire une maitrise, ce qui hypothéquerait grandement mon congé de perfectionnement. Alors qu’il m’accompagnait vers la sortie, il me dit avec un brin d’humour qu’il se faisait de très bonnes choses dans mon pays. À preuve, dit-il, alors que tous les regards sont rivés sur la Californie, le livre obligatoire2 pour leurs cours sur les théories du développement humain était celui de Guy R. Lefrançois, un franco-albertain…

À cette époque, j’amorçais une relation affective avec Denise Paul, une professeure en sciences infirmières à l’Université de Montréal (UM), qui décida alors de faire elle aussi un 3e cycle. Nous convînmes alors de présenter nos demandes dans les mêmes universités et de retenir celle qui nous accepterait tous les deux. Or, son université fétiche était Boston. Alors j’y soumis personnellement une lettre de motivation accompagnée d’un résumé de mon mémoire de maitrise, et cette fois cette pièce « maitresse » m’ouvrit toutes grandes les portes d’un programme hypercontingenté et il en fut ainsi peu après pour Denise.

Je garde un excellent souvenir de cette institution et de cette ville; bref de ces trois années.


L’après doc

Quelques années après mon retour à l’UdS, je fus contacté par Gilles Deshaies de l’Université Laval (UL), mandaté par l’Association canadienne d’orientation et de counseling, pour constituer un comité scientifique pour le congrès de 1985, ce rendez-vous pancanadien se tenant pour la seconde fois au Québec3, mais la première fois dans cette ville homonyme. Charles Bujold (UL) et Gertrude Poupart, directrice des services d’orientation et de psychologie à l’UM complétèrent cette instance. Sous le thème Autrement maintenant, ledit comité souhaitait attirer de grandes pointures.

Alors je proposai de contacter Guy R. Lefrancois.

Mon interurbain se fit partiellement en français ce qui le toucha grandement. Il m’avoua cependant que, de la fin de son primaire jusqu’à son doctorat, toutes ses études furent en anglais ce qui faisait que son français se limitait au « Child talk » et que du coup, même s’il souhaitait depuis longtemps venir au Québec, il n’oserait pas s’aventurer à prononcer, même partiellement, une conférence dans la langue de Molière. Finalement nos conférenciers vedettes furent Jean Houston4 et Placide Gaboury.


Guy R Lefrancois
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Aujourd’hui à 85 ans, il est professeur émérite au Department of Educational psychology de l’Université d’Alberta. Il a publié plus de 50 livres, surtout des manuels internationalement acclamés tant par les étudiants que par les professeurs, même encore aujourd’hui! Ces livres sont truffés d’exemples, de caricatures et surtout de métaphores énigmatiques et percutantes comme le sous-titre de Psychology of Learning – son « meilleur vendeur » qui est à 7e édition (2019) – servant d’entête à ce billet6.

Par exemple, au sujet de Théories of humain Learning, la critique dit : « Le style très divertissant de l’auteur clarifie les concepts, met l’accent sur les applications pratiques et propose un commentaire stimulant, basé sur la narration. La parole est donnée à Mme Gribbin et à son chat courageux7, qui allègent le texte et fournissent des détails indispensables. Ces deux auteurs explorent l’importance de la technologie pour simuler les processus cognitifs humains et explorent les modèles actuels de la mémoire. Ils étudient les développements et les applications de la recherche sur le cerveau et se plongent dans les modèles de la théorie de la motivation, pour ne citer que quelques-unes des aventures qu’ils entreprennent dans ce manuel ».

 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre

 

Références

[1] SCOC devenue par la suite l’Association canadienne d’orientation et de consultation (ACOC) et maintenant l’Association canadienne de counseling et de psychothérapie (ACCP).

[2] Comme manuel, textbook en anglais.

[3] La première fois à Montréal en 1977, l’un des conférenciers majeurs étant Viktor FRABKL. Je crois que Rollo MAY y était également.

[4] Toujours engagée dans la promotion de la libération du potentiel humain. D’ailleurs, lors de leur présidence, les CLINTON l’ont consultée un certain nombre de fois.

[5] Un modèle à suivre dans la rédaction à succès de manuels.

[6] Autre exemple. Le sous-titre de Psychology of teaching est : « Un ours fait toujours (mot rayé) habituellement face vers l’avant » et la caricature qu’il l’accompagne montre un ours sur des échasses avec à leur bout des chaussures pointant en direction opposée!

[7] Belle façon n’est-ce pas d’interpeller le cerveau droit dans un ouvrage où domine logique et cohérence, donc le cerveau gauche?

 

 

 

 

 

Professeur au Département d’Orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke durant plus de 25 ans, le pédagogue a brillé d’originalité pour former ses étudiants, souhaitant non pas les cloner, mais bien les mettre au monde en tant que conseillers. Sa différence est devenue référence, comme en témoignent les prix qu’il a remportés, la vingtaine d’ouvrages qu’il a publiés et les ateliers de formation qu’il a animés sur le counseling de groupe et sur l’insertion professionnelle. Depuis 2001, il n’a de retraité que le nom puisqu’il demeure très actif comme professeur associé. De plus, le prolifique auteur n’a pas rangé sa plume et le réputé conférencier manie toujours le verbe avec autant de verve et d’à-propos.
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Professeur au Département d’Orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke durant plus de 25 ans, le pédagogue a brillé d’originalité pour former ses étudiants, souhaitant non pas les cloner, mais bien les mettre au monde en tant que conseillers. Sa différence est devenue référence, comme en témoignent les prix qu’il a remportés, la vingtaine d’ouvrages qu’il a publiés et les ateliers de formation qu’il a animés sur le counseling de groupe et sur l’insertion professionnelle. Depuis 2001, il n’a de retraité que le nom puisqu’il demeure très actif comme professeur associé. De plus, le prolifique auteur n’a pas rangé sa plume et le réputé conférencier manie toujours le verbe avec autant de verve et d’à-propos.