L’orientation de carrière auprès d’une clientèle internationale
Ressources et formations

L’orientation de carrière auprès d’une clientèle internationale

Dès leur enfance, les jeunes canadiens sont encouragés à entamer une réflexion portant sur leur cheminement scolaire et professionnel. Ainsi, leur processus de choix de carrière est un continuum ponctué de ressources stimulantes, comme l’accès à des services d’orientation dans les écoles primaires, ou encore des activités de réflexion et de découverte de soi.

Mais qu’en est-il de l’orientation de carrière chez les étudiants internationaux qui saisissent la possibilité d’étudier au Canada?
Pour mieux comprendre les composantes de leur réalité et les défis d’accompagnement qu’elles peuvent engendrer chez les professionnels du cheminement vie-carrière, deux conseillères d’orientation en milieu collégial au Nouveau-Brunswick ont voulu découvrir d’autres cultures en allant à la rencontre d’étudiants natifs de pays africains. Le présent texte – qui n’est pas une recherche exhaustive en soi – se veut un regard visant à mener les professionnels vers des pistes de réflexion pour mieux guider leurs interventions auprès d’une clientèle internationale.

DES CHOIX SURPRENANTS : DES MOTIVATIONS DIFFÉRENTES

Une première évidence qui est ressortie des discussions est que, pour les étudiants internationaux, l’expérience du processus de choix de carrière diffère énormément de celle des étudiants canadiens. Contrairement à ce que nous promouvons habituellement dans une démarche d’orientation de carrière, les notions de préférences, de compétences et d’exploration ne semblent pas faire partie de leurs priorités.

De façon générale, ils rapportent être davantage influencés par le contexte économique, la signification culturelle du travail ainsi que l’implication parentale dans le choix de carrière.

En effet, il n’est pas rare de croiser des étudiants qui arrivent au Canada dans un programme sélectionné par la famille ou les parents. Il est donc essentiel pour les professionnels de prendre le temps d’ajuster leurs interventions afin de bien comprendre cette réalité, tout en évitant de porter un jugement de valeur ou d’imposer leur vision du processus vécu par ces étudiants.

LE PROJET DE VIE : AU CŒUR DE LEUR DÉMARCHE

Un autre élément central est que la notion de projet de vie se trouve au cœur de la démarche des étudiants internationaux. En effet, le fait de garder le cap sur leur objectif est encore plus observé chez ceux-ci que chez les étudiants canadiens. Les notions de sacrifice et de compromis, le respect parental (voire le prestige familial), le respect de l’autorité et la quête d’un statut social sont des considérations principalement mises en valeur dans leurs choix professionnels.

Par exemple, dans le cas de plusieurs étudiants internationaux rencontrés, bien que leur projet de vie fût très clair, ils ont accepté de suivre un chemin différent pour répondre aux attentes de leurs parents, ou encore ils ont opté pour une formation de courte durée afin d’assurer un retour financier auprès de leur famille le plus rapidement possible.

Dans ce genre de situation, il est primordial pour les intervenants d’avoir le réflexe d’enfiler leurs « lunettes culturelles ».

Peut-être que le premier réflexe serait de penser que leurs préférences ont été mises de côté… Mais est-il possible qu’ils fassent plutôt preuve d’adaptabilité et de persévérance afin d’atteindre leur objectif final, tout en acceptant de faire des détours?

Bref, connaissant l’importance particulière que les étudiants internationaux accordent à leur projet de vie, prendre le temps d’échanger à ce sujet avec eux s’avère essentiel afin de mieux les comprendre et de les accompagner adéquatement dans leur processus du choix de carrière.

LES PROFESSIONNELS EN ORIENTATION : QUESTIONS ET RÉFLEXIONS

Ces rencontres, riches en échanges et en partages, ont suscité une réflexion en ce qui a trait aux approches et pratiques habituellement privilégiées par les conseillers d’orientation. Cela a permis de mettre en relief quelques questions et pistes d’introspection professionnelle visant à offrir un accompagnement plus adapté à la réalité et aux besoins des étudiants internationaux :

  • Quelle est l’influence du contexte socioculturel sur leur processus de décision dans leur orientation de vie-carrière ?
  • Quels sont le rôle et la place de la famille dans leur processus de décision de carrière? Le rang familial a-t-il un impact sur leur choix vocationnel?
  • Quel a été l’ordre des priorités dans leur choix de carrière (salaire, champ d’intérêt, satisfaction personnelle, possibilités d’emploi, fierté de la famille, etc.)?
  • En quoi la perception de l’éducation et du cheminement de carrière a-t-elle un impact sur leurs études et sur leur expérience de formation en sol canadien?
  • Comment définissent-ils la notion de performance dans leurs études?
  • Pour les étudiants en difficulté, un changement de programme est-il envisageable ou est-il perçu comme étant un double échec?

Ainsi, afin de mieux accompagner les étudiants internationaux, les conseillers d’orientation devraient avoir une bonne compréhension du rôle que jouent les croyances, les valeurs, les normes, les règles et les pratiques culturelles dans leur prise de décision en lien avec leur projet de vie-carrière. En effet, l’exclusion des particularités culturelles des étudiants dans l’accompagnement offert risque de mener à une interprétation erronée de certaines situations, basée sur des valeurs et des schèmes de référence différents de ceux de ces étudiants. En étant alertes devant le risque d’entrer dans une dynamique qui oppose leur culture à toutes les autres, les professionnels pourront adapter leurs interventions et leurs outils en conséquence, offrant de ce fait un accompagnement mieux adapté à la réalité des étudiants.

Toujours dans une perspective de prise en compte des particularités propres à chaque culture, il est primordial de s’assurer que le sens des mots employés permet de créer un discours commun. Par exemple, un étudiant international pourrait nommer le statut et le prestige comme des facteurs premiers de choix de carrière. Pour le professionnel canadien, ces notions auront déjà un certain sens, et la conception qu’il s’en fera sera naturellement teintée par sa propre culture. Afin d’éviter que des écarts culturels créent des écrans dans la communication, plusieurs stratégies comme apprendre à lire entre les lignes, analyser et questionner davantage pour clarifier le sens des mots ainsi que les objectifs sous-entendus, et valider le sens du message tel qu’il a été perçu sont des pratiques gagnantes pour favoriser une communication efficace, tout en clarifiant le contexte. Ces pratiques gagnantes permettront d’aller au-delà des perceptions et de ce qui est tenu pour acquis.

Finalement, il importe de souligner que, pour plusieurs raisons différentes, le fait de demander de l’aide peut être considéré comme un signe de faiblesse dans certaines cultures. Leurs croyances et la représentation qu’ont les étudiants internationaux des services de soutien

– incluant les services d’orientation – peuvent donc avoir un impact sur leur capacité à accepter l’aide offerte. La méconnaissance du rôle des conseillers d’orientation peut donc devenir une barrière à l’accès et à l’utilisation de ce type de service. C’est pourquoi la première rencontre d’accueil est particulièrement importante : elle permet de rassurer l’étudiant et de favoriser un lien de confiance, ce qui permettra ensuite d’amorcer le processus de réflexion tout en prenant en considération son bagage culturel.

ÉCOUTE, OUVERTURE ET RESPECT, GAGES D’UN DIALOGUE RÉUSSI

Ces discussions fécondes avec des étudiants internationaux ont mis en relief l’importance capitale d’acquérir certaines connaissances de différentes cultures. Et en tant que professionnels de l’orientation, il importe de tirer profit de ses expériences et de ses rencontres avec la clientèle internationale afin de découvrir comment leur réalité culturelle façonne leur cheminement vie-carrière. Ainsi, cela pavera la voie vers un dialogue empreint d’ouverture d’esprit et de respect, dans une perspective d’apprentissage et d’enrichissement mutuel.

En terminant, les deux conseillères d’orientation souhaitent remercier sincèrement les étudiants internationaux du CCNB qui ont gentiment accepté de répondre à leurs questions.

Détentrice d’un baccalauréat en travail social et d’une maîtrise en orientation de l’Université de Moncton, Marie-France Breau œuvre depuis plus de 12 ans dans le secteur de l’éducation postsecondaire. Elle accompagne les étudiantes et les étudiants dans le développement de méthodes de travail et d’études, la recherche d’emploi active et leur cheminement vie-carrière. Depuis septembre 2019, elle occupe le poste de conseillère d’orientation au Collège Communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB), campus de Bathurst. Titulaire de la maîtrise en sciences de l’orientation de l’Université Laval, Isabelle Morneau œuvre depuis plus de 20 ans dans le domaine de l’insertion socioprofessionnelle et de l’orientation de carrière auprès d’une clientèle diverse. Depuis les 5 dernières années, elle occupe le poste de conseillère d’orientation au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB), campus d’Edmundston.
×
Détentrice d’un baccalauréat en travail social et d’une maîtrise en orientation de l’Université de Moncton, Marie-France Breau œuvre depuis plus de 12 ans dans le secteur de l’éducation postsecondaire. Elle accompagne les étudiantes et les étudiants dans le développement de méthodes de travail et d’études, la recherche d’emploi active et leur cheminement vie-carrière. Depuis septembre 2019, elle occupe le poste de conseillère d’orientation au Collège Communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB), campus de Bathurst. Titulaire de la maîtrise en sciences de l’orientation de l’Université Laval, Isabelle Morneau œuvre depuis plus de 20 ans dans le domaine de l’insertion socioprofessionnelle et de l’orientation de carrière auprès d’une clientèle diverse. Depuis les 5 dernières années, elle occupe le poste de conseillère d’orientation au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB), campus d’Edmundston.
Latest Posts
  • L’orientation de carrière auprès d’une clientèle internationale
  • L’expérience : au cœur du développement des compétences douces
  • La téléorientation, une réalité qui prend tout son sens en ce temps de pandémie