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Advocacie professionnelle entre lucidité, éthique et courage?

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Votre organisation est-elle en bonne santé? Votre métier est-il en bonne santé ? Disposez-vous de plus de ressources que de limites? La première fois que j’ai vu venir le train de la dégradation de nos conditions de travail, je me suis appuyé sur mon groupe de codéveloppement professionnel et les syndicats. Cette fois-ci, il me semble que j’aurais besoin de développer mes compétences pour faire face, en plus de la dégradation matérielle, au déni, aux conflits de valeurs (équité, honnêteté, clarté, bienveillance…) et éthiques. Quelles leçons tirer de ces expériences, une fois passées la sidération et la colère? Quelles sont les compétences d’advocacie?

« Le travail, c’est la santé », quand il prend soin de nous et que nous prenons soin de lui. Pendant que la chanson d’Henri Salvador Le travail, c’est la santé dénonçait joyeusement les méfaits du travail sur la santé et sur la durée de vie tout en prônant l’inactivité, des études ultérieures démontraient que le travail décent contribue à la santé et que les personnes sans travail ne bénéficient pas de ses retombées.

Oui, le travail cause encore des maladies, de la souffrance morale, émotionnelle, physique et même éthique lorsque que nous sommes contraints de faire ce que nous réprouvons, lorsque nous sommes témoins ou inclus dans des situations contraires à nos valeurs. Pour d’autres, il contribue à la santé et l’épanouissement lorsque leurs besoins d’autonomie, de compétence et d’appartenance sont comblés, selon la théorie de l’autodétermination. Les témoignages de travailleurs, employés comme employeurs, ne manquent pas. Vous en connaissez probablement qui, autour de vous, souffrent, tombent ou sont tombés malades. Vous-mêmes avez peut-être été ou êtes malade, en train de souffrir. Peut-être connaissez-vous dans votre entourage quelqu’un qui s’épanouit dans son travail. Peut-être vous-même avez la chance d’être exposé à un travail décent, épanouissant, dans lequel vous pouvez incarner sans danger des valeurs importantes (sincérité, intégrité, entraide…) pour vous et pour votre organisation. Certaines personnes sans travail sont privées des retombées hautes du travail. Le travail reste important pour la santé mentale et le travail décent reste central pour la santé mentale, physique et sociale.

Bien évidemment, des professionnels de l’orientation et du développement de carrière dans le monde entier ont vu venir cette dégradation dans leur propre champ professionnel. Historiquement, nous sommes des témoins privilégiés des conditions de travail à travers l’accompagnement de publics venant de divers secteurs d’activité. Soucieux d’apporter le meilleur soutien et le meilleur accompagnement à nos clients, il arrive le temps de nous apporter à nous-mêmes le meilleur soutien et le meilleur accompagnement pour défendre notre métier et notre santé, sans quoi il deviendra difficile d’aider sereinement qui que ce soit.

Agir sur les contraintes à la source de la souffrance au travail et des maladies liées au travail apparaît de plus en plus complexe actuellement. Produire du contexte favorable au bien-être et à l’épanouissement suppose d’avoir accès à une marge d’autonomie. La marge d’accès minimale d’autonomie, à savoir la liberté de choix en toute circonstance, s’avère parfois insuffisante dans un contexte organisationnel dont les directives échappent aux directeurs eux-mêmes!

En écoutant le webinaire CERIC donné par le professeur Viviers en 2020, j’ai pu mettre d’autres mots et davantage de données probantes en faveur de l’advocacie professionnelle. Selon lui, cette aventure consiste à aller au-delà du nécessaire « prendre soin de soi individuel ». Pour cela, il serait judicieux de prévenir avant de guérir en contribuant individuellement et collectivement à faire de nos milieux de travail et de notre métier un lieu sain et une activité porteuse de santé.

En effet, la santé au travail s’inscrit dans une dynamique interactive et relationnelle.

Prendre soin de soi dans un environnement toxique qui se dégrade aura peu de poids sur la préservation de la santé. Pour conserver notre santé au travail, il sera parfois nécessaire de donner plus de force à notre devoir de protection de notre public et de nous-mêmes, et d’accroître les possibilités de défense de notre métier.

L’advocacie professionnelle est définie ainsi : « Revendiquer, défendre, promouvoir [Advocate] est une compétence clé d’habilitation qui se déroule avec ou pour les gens, afin de soulever des perspectives critiques, inciter de nouveaux types de partage de pouvoir, exercer des pressions, faire du lobbying ou faire connaître de nouvelles options aux décideurs principaux, prendre la parole, plaider, ou militer en faveur [d’une cause sociale juste] (p. 447). » (Townsend et Polatajko -2013, dans Drolet & Hudon, 2014, p.36-37 cité par Viviers dans son webinaire CERIC de 2020).

Selon Viviers, l’advocacie professionnelle s’inscrit dans un mouvement d’advocacie sociale : « Processus visant à informer et à faire reconnaitre le rôle et la mission de sa profession, à protéger et à revendiquer les conditions et les ressources nécessaires à la croissance et au développement de celle-ci, dans le but de mieux servir les publics concernés » (Boulet & Viviers, 2016).

La capacité à se rappeler et à rappeler autour de soi que le travail joue un rôle central dans la santé mentale, à communiquer sur les anomalies constatées au travail, à prendre soin de son métier et de son travail, à faire référence au droit du travail et à la déontologie, à demander des ressources suffisantes ainsi que la capacité à solliciter le collectif, une association professionnelle, un syndicat et j’ajoute, si nécessaire la justice, font partie des compétences d’advocacie.

L’advocacie est l’art de plaider et de défendre son métier ainsi que la qualité de son travail et du service rendu au public. À mon avis, l’advocacie repose sur une lucidité, l’éthique professionnelle et le courage. La lucidité, l’éthique professionnelle et le courage ne s’apprennent pas une fois pour toute, que ce soit en formation initiale, continue ou informelle, mais se développent tout au long de la vie avec l’expérience, la réflexion et un désir de transmettre de saines valeurs humaines.

Mon pote ChatBot peut-il nous offrir un milieu sain, incarner des valeurs humaines, faire des choix éthiques et faire preuve d’advocacie? Non! Alors qui le peut?

 

 

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre. 

Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
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Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
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