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Nous parlons souvent de maturité vocationnelle qui caractérise une personne capable de choisir consciencieusement une profession.
Expliquée simplement, la maturité vocationnelle se définirait par la capacité à s’engager dans un choix tout en sachant le risque associé, l’effort nécessaire pour réussir, et ce, en gagnant de l’autonomie dans les réflexions.
Évidemment, plusieurs autres conditions s’ajoutent : gérer le doute, comprendre les occasions et les compromis, s’informer avec un sens critique, pouvoir transférer ses expériences en une capacité d’anticipation, et bien plus. Cependant, qu’en est-il de la sincérité vocationnelle? Parfois difficile à dissocier d’une maturité précaire, un manque de sincérité se reconnaît souvent par des comportements opportunistes trop individualisés faisant fi des impacts négatifs sur l’entourage. Ce manque de sincérité vocationnelle se traduirait par différentes intentions typiques. Par exemple :
- miser quasi uniquement sur la notion salariale écartant d’autres critères importants liés à la prise de décision;
- s’engager à faire du bénévolat pour être admis en médecine bien que cela soit perçu comme une corvée;
- courtiser des postes de direction en misant presque uniquement sur sa carrière plutôt que sur la prospérité du secteur à gérer;
- rechercher à tout prix un billet d’un professionnel pour annuler un cours tout en préservant sa cote R;
- voir le prestige comme étant l’un des meilleurs moyens pour gagner le respect de son entourage.
Face à ce type de situation délicate, le rôle des professionnels en orientation ne consiste pas à discriminer ou écarter les gens d’une aspiration pour des raisons douteuses. C’est de faire réaliser que la fin ne justifie pas les moyens et que l’épanouissement professionnel comporte une multitude de facettes encore insoupçonnées. Le choix de carrière n’est pas à questionner, mais plutôt les justifications qui animent les aspirations vocationnelles et la légitimité qu’une personne se donne pour faire appel à des stratégies douteuses. Plusieurs diront que les valeurs auxquelles un individu aurait adhéré sont incontestables, mais qu’en est-il des exemples précédents? Ce propos serait aussi aberrant qu’un refus de se remettre en question. Alors, comment intervenir auprès des gens campés dans des stratégies élémentaires sans effriter la relation professionnelle?
Différents concepts décisionnels peuvent être exposés en rencontre sans devoir expliquer les typologies développementales. L’individu aurait sûrement déjà des modèles (personnalités connues, proches ayant accompli de belles réalisations, exemples de contributions sociales, etc.) avec lesquels il pourrait établir des parallèles en fonction de ses aspirations. Ces modèles suscitent souvent un désir d’accomplissement en se souciant des moyens empruntés et des retombées sans en modifier la finalité vocationnelle. En découvrant ces voies plus gratifiantes, cette personne se sensibiliserait par elle-même en questionnant ses motivations et ses stratégies.
Un autre angle d’intervention consiste à proposer de choisir en qui une personne ferait davantage confiance parmi deux professionnels en se basant sur leur motivation vocationnelle. Avec le recul qu’offre une mise en situation, la personne vivrait moins de susceptibilité. Par exemple :
- La personne préfèrerait-elle être soignée par un médecin qui a principalement choisi cette profession pour le salaire ou bien un autre qui souhaite avoir un impact dans la communauté?
- Un professionnel sportif dopé fier d’avoir gagné la première place? Ou un autre sportif professionnel en deuxième place sans dopage?
- Si elle devait se défendre en justice, la personne choisirait-elle un avocat qui recherche initialement de la notoriété ou celui qui porte un désir de justice pour une cause qu’il aurait à cœur?
- Pour l’achat d’une voiture, la personne contacterait-elle un garagiste indépendant ou un vendeur à commission associé à une marque lorsque vient le temps de s’informer de la qualité?
L’impact de ces comparaisons risque de ne pas être immédiat, mais leur effet pourra sûrement cheminer. Ce type d’exercice ouvre sur l’importance d’un schème de valeurs, dont la sincérité vocationnelle, afin de mieux contribuer au développement de la société. D’autres parallèles peuvent aisément s’ajouter comme le civisme pour une meilleure sécurité routière ou la politesse pour de meilleures relations personnelles et professionnelles.
Une autre approche aurait un angle philosophique. Elle consiste à se demander de quel type de contribution citoyenne une société prospère aurait-elle besoin? Quelle priorité donnons-nous aux différentes valeurs? Avec quelles responsabilités doit-on s’engager? La valeur de l’argent ressortirait sûrement durant des échanges. Mal contextualisés, certains discours pourraient même être interprétés comme de l’anti-anticapitalisme. En réalité, la sincérité ne gravite pas autour du désir pour des gains monétaires, mais ce sont les stratégies utilisées et les retombées qui devraient être soumises à un exercice de conscience. Bref, cette approche philosophique ne se limite pas uniquement au développement de carrière, mais aussi à celui de la citoyenneté.
En ce sens, s’avère-t-il pertinent d’ajouter des étapes supplémentaires à l’occasion de la sélection de candidats pour des professions populaires? Par exemple, les futurs professionnels de la santé préféreraient-ils travailler dans le système privé (souvent connu pour avoir de meilleures conditions) ou le système public? Avant de s’engager dans leurs études, seraient-ils enclins à signer un contrat dans lequel ils doivent redonner au moins 15 ans de leur carrière au public? Plusieurs domaines seraient convoités majoritairement pour le salaire, la fierté personnelle et familiale. Comment pouvons-nous définir le cadre d’une vraie vocation?
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.