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Traiter et réguler : les dynamiques internes du counseling de carrière

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Les personnes engagées dans un processus de counseling de carrière, qu’il s’agisse d’orientation, de réorientation, d’insertion, de réinsertion, d’adaptation ou de réadaptation, doivent composer avec une réalité complexe (Savard et Lecompte, 2020). Elles sont amenées à analyser et organiser l’information, réguler leurs émotions, ajuster leurs comportements, interagir avec leur environnement social et mobiliser leurs capacités mentales supérieures. Ces dimensions se déploient simultanément et de manière interdépendante dans l’exploration de soi et du monde, la clarification des options, la concrétisation des choix et la mobilisation vers l’action.

À partir de 14 articles scientifiques publiés entre 1999 et 2025 sur le traitement d’information et la régulation d’expérience en counseling de carrière, une analyse ciblée, bien que non exhaustive, a permis d’élaborer une typologie d’opérations : cognitives (analyser, organiser, décider), affectives (ressentir, gérer, ajuster), comportementales (agir, persévérer, s’adapter), fonctions exécutives (planifier, maintenir l’attention, mobiliser la mémoire de travail) et relationnelles (échanger, consulter, coopérer). Le tableau 1 présente cette typologie, conçue à des fins d’enseignement et de formation, pour enrichir la compréhension des processus impliqués.

 

Tableau 1. Catégories et types de traitement d’information et de régulation d’expérience impliquées dans un processus de counseling de carrière

Dimension cognitive
  • Actualiser ses connaissances sur le marché du travail ou ses préférences pour clarifier ses aspirations (Sampson et al., 1999).
  • Croiser et hiérarchiser l’information sur soi et le monde, de façon détaillée et globale (Kvasková et Almenara, 2021).
  • Structurer ses options en regroupements ou hiérarchies pour réduire la surcharge informationnelle (Gati et al., 2010).
  • Observer et interpréter son fonctionnement cognitif pour soutenir l’adaptation au travail (Bergdolt et al., 2022).
  • Relier des notions conceptuelles et pratiques à son expérience de soi et du monde (Sampson et al., 2000).
  • Examiner la relation entre connaissances de soi et options pour éclairer un choix en contexte d’incertitude (Rezaiee et Kareshki, 2024).
  • Explorer ses enjeux décisionnels à travers divers outils, activités ou moments d’entretien (Sampson et al., 2000).
  • Adapter son traitement de l’information décisionnelle pour accroître l’autonomie et la qualité des choix (Gati et al., 2010).
Dimension affective
  • Reconnaître ses signes d’instabilité, de vulnérabilité, d’anxiété, de sensibilité ou d’inquiétude (Aydemir Dev et Bayram Arli, 2025).
  • Identifier ses processus affectifs liés à la satisfaction ou à l’insatisfaction au travail (Blustein, 2011).
  • Apaiser le stress, l’anxiété et les émotions négatives nuisant à une décision éclairée (Lent et Brown, 2013).
  • Composer avec l’incertitude, le manque de motivation et d’initiative, ainsi que l’anxiété dans les dilemmes décisionnels (Kelly et Lee, 2002).
  • Réguler les émotions liées à l’incertitude ou à la performance (Blustein, 2011).
  • Soutenir sa motivation pour maintenir l’engagement décisionnel (Sampson et al., 1999).
Dimension comportementale
  • Initier des actions concrètes comme la recherche d’information ou le réseautage (Hirschi et Koen, 2021).
  • Réviser ses stratégies et plans d’action selon les rétroactions ou nouvelles informations (Sampson et al., 2000).
  • Adopter une attitude proactive en renforçant ses compétences et en s’impliquant dans des activités (Hirschi et Koen, 2021).
  • Investir temps et efforts dans la décision, en limitant la procrastination et l’impulsivité (Gati et al., 2010).
  • S’ajuster aux imprévus et transitions pour maintenir une orientation professionnelle durable (Rezaiee et Kareshki, 2024).
Dimension des fonctions exécutives
  • Mobiliser planification, organisation, attention, inhibition, mémoire de travail et vitesse de traitement pour s’adapter aux exigences professionnelles (Bergdolt et al., 2022).
  • Gestion de l’autorégulation des pensées, des émotions et des comportements en regard d’un but et des contextes (Rezaiee et Kareshki, 2024).
Dimension relationnelle
  • Consulter de façon ciblée et autonome des personnes à des moments stratégiques (Gati et al., 2010; Motulsky, 2010).
  • Gérer les relations d’influence pouvant faciliter ou entraver ses attentes professionnelles (Blustein, 2011).
  • Intégrer la compréhension de soi à partir des liens et réseaux relationnels (Kenny et al., 2018).
  • Relier ses dynamiques familiales et communautaires à l’exploration de soi et des options (Miles et Naidoo, 2017).
  • Utiliser des outils explorant les représentations internes et leurs influences relationnelles, surtout en contexte d’incertitude (Motulsky, 2010).

 

Ce tableau illustre la diversité et l’articulation des opérations mobilisées en counseling de carrière. Sur le plan cognitif, la personne analyse, organise et relie l’information pour éclairer ses choix. Sur le plan affectif, elle apprend à reconnaître, réguler et mobiliser ses émotions afin de maintenir sa motivation. Les dimensions comportementales se traduisent par des actions concrètes, des ajustements stratégiques et un engagement durable. Les fonctions exécutives rappellent l’importance des capacités attentionnelles, mnésiques et stratégiques pour répondre aux exigences professionnelles. Enfin, la dimension relationnelle met en lumière le rôle central des interactions sociales et des influences comme appuis ou leviers décisionnels.

Cette démarche ne constitue pas une recension exhaustive, mais une analyse ciblée d’écrits pertinents sur le traitement d’information et la régulation d’expérience en counseling de carrière. Elle vise à identifier et classer des processus cognitifs, affectifs, comportementaux, exécutifs et relationnels, afin de saisir leur articulation dans les parcours d’orientation, de réorientation, d’insertion, de réinsertion, d’adaptation ou de réadaptation. Cette typologie est avant tout un outil pédagogique et formatif, invitant à considérer le counseling comme un processus global, intégrant la cognition, les émotions, les comportements, les ressources mentales supérieures et les interactions sociales. Il est à noter qu’aucun écrit recensé n’aborde spécifiquement l’expérience corporelle, une dimension pourtant essentielle qui ouvre la voie à de futures recherches et interventions.

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre

 

Références

Aydemir Dev, M., et Bayram Arlı, N. (2025). The role of personality traits and decision-making styles in career decision-making difficulties. Behavioral Sciences, 15(2), 159. https://doi.org/10.3390/bs15020159

Bergdolt, J., Sellin, P., Driessen, M., Beblo, T., et Dehn, L. B. (2022). Neuropsychological predictors of vocational rehabilitation outcomes in individuals with major depression: A scoping review. Frontiers in Psychiatry13. https://doi.org/10.3389/fpsyt.2022.942161

Blustein, D. L. (2011). A relational theory of working. Journal of Vocational Behavior79(1), 1–17. https://doi.org/10.1016/j.jvb.2010.10.004

Gati, I., Landman, S., Davidovitch, S., Asulin-Peretz, L., et Gadassi, R. (2010). From career decision-making styles to career decision-making profiles: A multidimensional approach. Journal of Vocational Behavior76(2), 277–291. https://doi.org/10.1016/j.jvb.2009.11.001

Hirschi, A., et Koen, J. (2021). Contemporary career orientations and career self-management: A review and integration. Journal of Vocational Behavior126. https://doi.org/10.1016/j.jvb.2020.103505

Kelly, K., et Lee, W.-C. (2002). Mapping the Domain of Career Decision Problems. Journal of Vocational Behavior61(2), 302–326. https://doi.org/10.1006/jvbe.2001.1858

Kenny, M. E., Blustein, D. L., et Meerkins, T. M. (2018). Integrating Relational Perspectives in Career Counseling Practice. The Career Development Quarterly66(2), 135–148. https://doi.org/10.1002/cdq.12128

Kvasková Lucia, et Almenara, C. A. (2021). Time Perspective and Career Decision-Making Self-Efficacy: A Longitudinal Examination Among Young Adult Students. Journal of Career Development48(3), 229–242. https://doi.org/10.1177/0894845319847292

Lent, R. W., et Brown, S. D. (2013). Social cognitive model of career self-management: Toward a unifying view of adaptive career behavior across the life span.Journal of Counseling Psychology, 60(4), 557–568. https://doi-org.proxy.bibliotheques.uqam.ca/10.1037/a0033446

Miles, J., et Naidoo, A. V. (2017). The impact of a career intervention programme on South African Grade 11 learners’ career decision-making self-efficacy. South African Journal of Psychology47(2), 209–221. https://doi.org/10.1177/0081246316654804

Motulsky, S. L. (2010). Relational processes in career transition : Extending theory, research, and practice. The Counseling Psychologist, 38(8), 1078‑1114. https://doi.org/10.1177/0011000010376415

Rezaiee, M., et Kareshki, H. (2024). Empowering career pathways: integrating self-regulation strategies with career counseling practices. Frontiers in Education9. https://doi.org/10.3389/feduc.2024.1422692

Sampson, J. P., Lenz, J. G., Reardon, R. C., et Peterson, G. W. (1999). A cognitive information processing approach to employment problem solving and decision making. The Career Development Quarterly, 48(1), 3‑18. https://doi.org/10.1002/j.2161-0045.1999.tb00271.x

Sampson, J. P., Peterson, G. W., Reardon, R. C., et Lenz, J. G. (2000). Using readiness assessment to improve career services: A cognitive information‐processing approach. The Career Development Quarterly, 49(2), 146‑174. https://doi.org/10.1002/j.2161-0045.2000.tb00556.x

Savard, R. et Lecomte, C. (2020). Le counseling de carrière et ses enjeux d’orientation, de réorientation, d’insertion, de réinsertion, d’adaptation et de réadaptation. Texte inédit. Université de Sherbrooke.

Louis Cournoyer est professeur titulaire à la section Counseling de carrière de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il occupe également les fonctions de directeur des programmes de premier cycle en développement de carrière. À ce titre, il enseigne au premier et au deuxième cycles des cours portant sur les théories du développement de carrière, la pratique et la supervision du counseling de carrière, ainsi que sur la santé mentale. Ses travaux de recherche s’articulent autour du modèle d’action décisionnelle adaptative, qui met en lumière le rôle des expériences de parcours de vie, des projets personnels, des contextes et de leurs forces, ainsi que des stratégies d’ajustement dans la satisfaction des besoins d’adaptation et de développement, tant sur le plan personnel que professionnel et de carrière. Elise Martinez est étudiante à la maîtrise en counseling de carrière à l’UQAM. Elle travaille comme auxiliaire de recherche et d’enseignement et a également travaillé en tant que conseillère en développement de carrière auprès de jeunes adultes.

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Louis Cournoyer est professeur titulaire à la section Counseling de carrière de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il occupe également les fonctions de directeur des programmes de premier cycle en développement de carrière. À ce titre, il enseigne au premier et au deuxième cycles des cours portant sur les théories du développement de carrière, la pratique et la supervision du counseling de carrière, ainsi que sur la santé mentale. Ses travaux de recherche s’articulent autour du modèle d’action décisionnelle adaptative, qui met en lumière le rôle des expériences de parcours de vie, des projets personnels, des contextes et de leurs forces, ainsi que des stratégies d’ajustement dans la satisfaction des besoins d’adaptation et de développement, tant sur le plan personnel que professionnel et de carrière. Elise Martinez est étudiante à la maîtrise en counseling de carrière à l’UQAM. Elle travaille comme auxiliaire de recherche et d’enseignement et a également travaillé en tant que conseillère en développement de carrière auprès de jeunes adultes.

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