Aujourd’hui, il est rare d’ouvrir un journal, une revue ou de regarder un bulletin de nouvelles sans que ces sujets ne soient abordés. Changements climatiques, mondialisation et pénuries de main-d’œuvre sont trois phénomènes dont nous entendons beaucoup parler ces jours-ci, mais sont-ils reliés? Je le crois. Non pas que la solution de l’un implique la solution des deux autres, mais surtout, ils sont reliés dans la façon dont nous les abordons et dans notre approche pour les solutionner.
Une première constatation : ils ne sont pas nouveaux. Le réchauffement de la planète, les inondations ou la destruction de la couche d’ozone ne datent pas de cette année.
En 1980, pendant un voyage dans l’Ouest canadien, je suis arrêté visiter « Angel Glacier ». Vingt ans plus tard, j’y suis retourné avec ma famille. Entretemps, les gens qui vivent près d’Angel Glacier avaient pris l’habitude de placer une affiche indiquant l’année en cours, là où le glacier était rendu. J’ai pu constater de mes propres yeux le recul du glacier entre 1980 et 2000. Je n’en revenais pas, c’était plus qu’un terrain de football!
L’historien Paul André Linteau1 nous parle de l’inondation de 1886 à Montréal, qui « atteint le plus haut niveau enregistré dans l’histoire de Montréal et marque profondément les esprits » (p. 172). En passant, à cette époque, la ville de Montréal qui contenait au-delà de 300 000 habitants déversait encore ses égouts directement dans le fleuve. Mais toujours est-il que les inondations ne sont pas des phénomènes nouveaux.
Les scientifiques nous disent que les changements climatiques s’aggravent et sont permanents. Certaines personnes et, malheureusement, certains gouvernements continuent à le nier. À la télévision, j’ai vu une affiche écrite par un jeune homme pendant une manifestation « ne changeons pas l’environnement, changeons le système! ». Bien dit, ce qui est requis est un changement d’attitudes.
Notre pays le Canada a été construit à partir d’immigration. Mis à part les premières nations, tous les autres Canadiens sont venus d’ailleurs que ce soit pour se développer ici (pénurie de main-d’œuvre) ou pour fuir un conflit, une persécution ou un désastre climatique (sécheresse, récoltes détruites). Et cette mobilité a toujours existé, que ce soit à l’intérieur du pays ou vers la France, l’Angleterre, les États-Unis ou autres pays, la main–d’œuvre se déplace mondialement.
De la même façon, les capitaux et les marchandises ont toujours voyagé mondialement. La déportation des Acadiens en 1755 et la conquête de la Nouvelle-France par l’Angleterre en 1760 étaient avant tout en lien avec des questions marchandes. Le Traité de Paris était avant tout un contrat d’échanges de marchandises (on prend vos terres du nord et on vous donne des îles aux Antilles).
D’accord, ces phénomènes ne sont pas nouveaux, mais qu’est-ce qui a changé pour qu’on en parle tellement?
D’abord, la rapidité d’évolution des phénomènes et de la circulation de l’information. Grâce aux nouveaux moyens de communication, l’information circule à une vitesse telle que dès qu’un phénomène se produit à un endroit quelconque sur la planète, on en est informé partout. Bon, c’est connu, mais cette vitesse des communications fait également en sorte que le siège social d’une entreprise peut-être n’importe où dans le monde tout en gérant les exploitations, les manufactures ou les bureaux installés à des milliers de kilomètres de là. Ceci permet de réduire le nombre d’employés et d’avoir accès à des lieux de travail un peu partout dans le monde.
Les marchandises voyagent également plus facilement. Pour ne prendre qu’un exemple, chaque jour, pendant la saison de la pêche aux homards, un Boeing 737 fait la navette entre Moncton et la Chine, rempli de homards frais, vivants (ils voyagent en première classe). Si le homard est transformé ici, ce travail est effectué dans des manufactures qui appartiennent de plus en plus à des investisseurs d’autres pays, par des employés immigrants temporaires provenant d’autres pays.
Pensons également au commerce en ligne qui change le paysage. De plus en plus de gens font leurs achats en ligne. Les prix sont meilleurs et la livraison est rapide, mais cela entraîne la fermeture des commerces locaux et la centralisation de la fabrication. Même phénomène pour les bureaux de services en ligne.
Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il est différent. Présentement, la pénurie de main-d’œuvre est occasionnée par le vieillissement de la population, les « boomers » qui quittent le marché du travail. Nous avons toujours eu, dans un secteur ou un autre, des pénuries qui se résolvaient à l’intérieur de quelques années. Maintenant, la différence est qu’il n’y a personne pour prendre la relève et que les pénuries se font sentir dans tous les domaines en même temps. Ce n’est donc pas la population locale qui comblera les besoins. Notons en passant que le ministre Jean Bienvenue du Québec avait prédit cette pénurie, mais personne n’a écouté.
Aujourd’hui, nous devrions parler de pénurie de population plutôt que de pénurie de main-d’œuvre.
Ce n’est pas tant que nous ne pouvons pas attirer des candidats compétents que le fait qu’il n’y a personne pour postuler.
Le phénomène est particulièrement évident dans les régions rurales. Les entreprises en pénurie dans les villes attirent les candidats des campagnes. Celles-ci se vident, ou pour certaines, se remplissent de personnes retraitées, ce qui change les besoins en main-d’œuvre.
Une solution qui est préconisée est l’immigration. Je suis tout à fait d’accord. Mais si nous voulons que l’immigration solutionne en partie la pénurie de population, nous devons voir à l’intégration des arrivants. Nous devons être disposés à accepter les différences et être ouverts à la nouveauté.
Que l’on parle de changements climatiques, de mondialisation ou de pénuries de main-d’œuvre, la solution doit débuter par un changement d’attitudes. Plus spécifiquement, en ce qui concerne le marché de l’emploi et la carrière, nous devons changer l’attitude envers le travail. Pourquoi travaillons-nous? Il est certain qu’assurer une qualité de vie demeurera fondamental, mais il faut regarder plus loin, le succès de l’entreprise, l’atteinte de ses objectifs, doit devenir l’objectif de chacun. Employeurs et employés, syndicats, gouvernements et même le système scolaire doivent collaborer pour le succès de l’entreprise, la réussite de chacun en dépend.
Les conseillers d’orientation ont un rôle important à jouer dans ces changements d’attitudes.
D’abord en changeant nos propres attitudes, ensuite en collaborant directement avec les acteurs du monde du travail pour que le travail soit plus qu’un moyen d’assurer un style de vie, qu’il soit un lieu de réalisation de soi. Devenons de véritables agents de changement!
Selon moi, le point de départ est de comprendre la situation actuelle. Pourquoi certains employés ont l’impression que leur employeur cherche seulement à les exploiter? Pourquoi certains employeurs ont l’impression que les employés veulent en faire le moins possible pour le meilleur salaire possible? Pourquoi certains employés saisonniers préfèrent dépendre de l’assurance emploi plutôt que d’accepter un nouvel emploi? Pourquoi certains employeurs mettent si peu d’efforts à améliorer les conditions de travail? Et finalement, comment se développent et se maintiennent ces attitudes? Comment pouvons-nous les changer?