ET SI LES TROUBLES DU SPECTRE DE L’AUTISME (TSA) ÉTAIENT DES STYLES ET DES TROUBLES DE LA PERSONNALITÉ
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Et si les troubles du spectre de l’autisme (TSA) étaient des styles et des troubles de la personnalité. Le TSA du point de vue de la perspective biopsychologique du comportement.

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Chaque personne a tendance à privilégier comme stratégie d’adaptation une réaction spécifique, c’est sa personnalité, c’est-à-dire sa façon de se comporter, son individualité, sa singularité. C’est ce qui lui donne sa couleur exclusive. Même si chaque personne est unique, il est possible de regrouper les différents comportements autour de quinze émotions et quinze styles de la personnalité à partir de cinq circuits neuronaux. Le schéma suivant illustre les cinq circuits neurohormonaux. On peut y voir un bonhomme allumette dont les deux pieds, les deux mains et la tête correspondent aux structures (matière grise, neurotransmetteurs et hormones) des cinq circuits neurohormonaux qui sous-tendent les émotions de base telles qu’illustrées au Tableau 1.

Tableau 1

Tandis que les deux jambes, les deux bras et le cou correspondent à la myélinisation (matière blanche) des cinq circuits neuronaux qui sous-tendent les personnalités de base telles qu’illustrées au Tableau 2.

Tableau 2

Trois facteurs sous-tendent le développement du comportement. Le premier est l’épigénétique qui, dès la conception, peut être à l’origine de troubles neurodéveloppementaux. Le deuxième facteur est le développement neuronal lui-même qui peut être défectueux à différents stades de développement. Le troisième est l’apprentissage qui va en résulter. Les recherches en neurosciences n’ont pas encore démontré avec précisions comment ces trois facteurs s’influencent et comment se produisent certaines anomalies à des périodes critiques du développement neuronal et particulièrement au niveau de la myélinisation qui est le mécanisme principal sous-tendant le développement de la personnalité. Cette myélinisation est pratiquement complète vers l’âge de 25-30 ans (Fields, 2008), c’est ce qui explique la stabilité de la personnalité après la fin vingtaine.

Ce que nous savons, c’est que le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental (Beaulne, 2017, Courchesne et Pierce, 2005) qui ne se modifie pas après 25-30 ans tout comme la personnalité. De plus, le TSA ne se traite pas avec une médication. Ce qui amène l’hypothèse d’un trouble de la personnalité plutôt qu’un trouble clinique. Cependant, ce ne sont pas toutes les personnes avec un TSA qui ont un trouble de la personnalité. Certains ont un fonctionnement adéquat. Donc, pour ces personnes, cela serait plus normal de parler de style de la personnalité.

La description selon le DSM-5 du trouble de la personnalité Schizoïde est la suivante :

« A. Mode général de détachement par rapport aux relations sociales et de restriction de la variété des expressions émotionnelles dans les rapports avec autrui, qui est présent au début de l’âge adulte dans des contextes divers, comme en témoignent au moins 4 des manifestations suivantes :

La personne…

    1. ne recherche, ni n’apprécie, les relations proches y compris les relations intrafamiliales
    2. choisit presque toujours des activités solitaires
    3. n’a que peu ou pas d’intérêt pour les relations sexuelles avec d’autres personnes
    4. n’éprouve du plaisir que dans de rares activités, sinon dans aucune
    5. n’a pas d’amis proches ou de confidents, en dehors de ses parents du premier degré
    6. semble indifférente aux éloges et à la critique d’autrui
    7. fait preuve de froideur, de détachement, ou d’émoussement de l’affectivité. (Psychomédia)».

Nous pouvons constater qu’il y a plusieurs ressemblances avec les caractéristiques du TSA nécessitant un soutien très important (niveau 3):

« Communication sociale : De graves déficits au niveau des compétences de communication sociale verbale et non verbale, provoquant des déficiences graves dans le fonctionnement. Initiation très limitée des interactions sociales et une réponse minimale aux avances sociales des autres.

Comportements répétitifs et restreints : Manque de souplesse des comportements, difficulté extrême à faire face au changement ou d’autres comportements restreints / répétitifs interférant nettement avec le fonctionnement dans tous les domaines et grande détresse / difficulté à changer d’orientation ou d’action. (Psychomédia) »

Pour les personnes ayant un TSA de niveau 1, il devient évident qu’elles n’ont pas toutes un trouble de la personnalité. C’est dommage qu’elles soient identifiées comme ayant un trouble. Nous devrions plutôt parler de style de la personnalité. Certes, certaines d’entre elles auront besoin de soutien durant l’enfance et l’adolescence pour les aider à développer leur plein potentiel, mais elles n’en auront pas nécessairement besoin par la suite. Certaines de ces personnes diagnostiquées TSA de niveau 1 se sont développées sans aide et se sont intégrées dans la société bien avant d’avoir reçu leur diagnostic. Alors que pour les personnes ayant un TSA de niveau 1 avec un trouble de la personnalité le soutien sera nécessaire périodiquement tout au long de leur vie comme pour toutes les autres personnes qui ont un diagnostic de trouble de la personnalité. Ce que les personnes ayant un TSA de niveau 1, 2 et 3 ont en commun, c’est qu’elles ont peu accès aux circuits de l’affectivité et de la réflexivité (Larbán Vera, 2016, Baron-Cohen, 2000), ce qui limite beaucoup leur capacité de relation et de mentalisation (ou théorie de l’esprit).

 

tableau 3

Comme mentionné plus haut, les personnes avec un TSA de niveau 3, se retrouveraient dans le trouble de la personnalité Schizoïde. Ces personnes, en plus d’avoir peu accès à l’affectivité et à la réflexivité, ont aussi peu accès à la cognitivité, ce qui les empêche de développer pleinement leur capacité intellectuelle.

 

 

 

Tableau 4

Pour les TSA, niveau 2, ils se retrouveraient dans le style Fonceur et le trouble Asocial tel que présenté au Tableau 4. Ces personnes ont aussi besoin d’un soutien important durant l’enfance et l’adolescence pour les aider à compenser pour leurs difficultés relationnelles et de mentalisation et les aider à mieux gérer leur impulsivité en bas âge. Comme elles ont accès à la cognitivité, elles sont capables d’apprentissage intellectuelle, d’où des capacités spéciales pour certaines d’entre elles.

 

Tableau 5

Pour les TSA, niveau 1, ils se retrouveraient dans le style Rationnel et le trouble Passif-agressif, tel que présenté au tableau 5. Ce sont les personnes qui semblent avoir le plus de facilité à développer des capacités spéciales, car elles ont la capacité de motivation de la cognitivité et celle de l’attention de la sensitivité, ce qui leur permet une meilleure performance. Avec un soutien à l’enfance et à l’adolescence, ces personnes ont toutes les possibilités de bien s’intégrer dans la société.

Évidemment, comme pour toutes les personnes avec un trouble de la personnalité, un certain pourcentage auront besoin d’un soutien plus important par périodes tout au long de leur vie.

 

À partir de ce constat et des recherches en neurosciences (Silberman, 2015), il devient plus évident que plusieurs de ces personnes diagnostiquées avec un TSA n’ont effectivement pas un trouble de la personnalité, mais bien un style de la personnalité, différent et particulier, qui leur permet de prendre leur place dans la société. Ce n’est qu’une partie des personnes avec un diagnostic TSA qui ont un trouble de la personnalité. La plupart des TSA des niveaux 1 et 2, avec un soutien à l’enfance et à l’adolescence, peuvent obtenir un diplôme, car le fonctionnement différent de leur cerveau apporte certaines restrictions au niveau relationnel et de mentalisation mais n’en apporte pas au niveau intellectuel. Il ne serait pas utile de revenir au diagnostic de la condition du spectre de l’Asperger comme le demande un groupe de parents (Lacoursière, 2019). Il existe déjà des troubles de la personnalité qui pourraient bien décrire la réalité du TSA.

 

Pour plus informations : http://www.psycho-ressources.com/psychologue/quebec/benoit-poisson.html

Vous pouvez envoyer vos commentaires à b.poisson@institutdebiopsychologie.com

 

Références

Beaulne, S., 2017. L’autisme selon la théorie neurodéveloppementale.  JoDD, v.           15 n.2, p. 45 – 62.

Courchesne, E., et Pierce, K., (2005). Brain overgrowth in autism during a critical time in development: implications for frontal pyramidal neuron and interneuron development and connectivity. International Journal of Developmental Neuroscience, 23, 153–170.

Fields, R. D., (2008). White Matter. Scientific American, 54-61.

Lacoursière, A. (2019). Plaidoyer pour le retour du diagnostic du syndrome d’Asperger. La Presse, 12 novembre 2019.

Poisson, B. & Poisson, M. (2018). Des premières émotions à la construction de la personnalité : quel impact sur les conflits ? In Breugnot, J., Dudreuilh, T.    & Schlemminger, G. (2018). Communication, tensions et conflits (pp 37-51). Paris : Éditions des archives contemporaines.

Poisson, B., (2015). Perspective biopsychologique systémique des émotions de base. Santé mentale au Québec. 40(3), 159-180.

Silberman, S., (2015). NeuroTribes: The Legacy of Autism and the Future of Neurodiversity. New York, NY: Avery.

Baron-Cohen, S. (2000). Theory of mind and autism: A review. International Review of Research in Mental Retardation. V 23, p. 169-184.

Larbán Vera, J. (2016). L’autisme et la théorie de l’esprit. Dans Vivre avec   l’autisme, une expérience relationnelle.

Dr Benoît Poisson, psychologue clinicien pendant une quarantaine d’années auprès d’enfants, d’adolescents et d’adultes ayant des troubles de santé mentale dans différents milieux cliniques, professeur de clinique pendant quatorze ans, auteur du questionnaire ISCAR et des articles Inventaire biopsychologique de Poisson, fidélité et validité, Perspective biopsychologique systémique des émotions de base et Des premières émotions à la construction de la personnalité : quel impact sur les conflits ?

Pour plus d’informations, consultez le site web ci-dessous ou Didacte : https://institut-de-biopsychologie.didacte.com 

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Dr Benoît Poisson, psychologue clinicien pendant une quarantaine d’années auprès d’enfants, d’adolescents et d’adultes ayant des troubles de santé mentale dans différents milieux cliniques, professeur de clinique pendant quatorze ans, auteur du questionnaire ISCAR et des articles Inventaire biopsychologique de Poisson, fidélité et validité, Perspective biopsychologique systémique des émotions de base et Des premières émotions à la construction de la personnalité : quel impact sur les conflits ?

Pour plus d’informations, consultez le site web ci-dessous ou Didacte : https://institut-de-biopsychologie.didacte.com