Résumé : Un grand nombre de jeunes ne réussissent pas à formuler un choix de carrière stable et cohérent avant le milieu de la vingtaine, alors qu’ils devraient déjà avoir commencé la carrière choisie. Ce « décalage » ne peut pas être considéré normal.
Sans remettre en question les approches et outils déjà utilisés, d’autres qui peuvent réduire cette crise doivent être considérés. Or, les jeunes désirent que leur futur emploi participe au bien–être de la collectivité, qu’il ait un impact positif sur la vie des autres. Une approche de l’orientation peut donc consister à permettre aux jeunes d’identifier un besoin social et comment leurs propres talents participent à le combler.
Là où vos talents et les besoins du monde se rencontrent, là est votre vocation. Aristote
La crise
Nos adolescents ont beaucoup de difficulté à formuler un choix de carrière. Ceci est un constat partout dans le monde occidental. Entre autres, les résultats de l’Enquête sur les jeunes en transition (EJET) montrent que, chez les jeunes Canadiens, choisir une formation ou une carrière est un processus qui s’étend non seulement sur toute l’adolescence, mais qui occupe aussi une partie de l’âge adulte. Après avoir suivi une cohorte importante de jeunes de 2000 à 2010, l’EJET a permis de constater que les aspirations professionnelles se cristallisent pour la plupart vers l’âge de 25 ans. Moins de 40 % des jeunes avaient formulé un projet d’orientation cohérent et stable durant l’adolescence.
Il s’agit là d’une situation préoccupante. À 25 ans, la période scolaire, pendant laquelle les jeunes se préparent à l’emploi et à la vie active, est le plus souvent terminée. Cela veut donc dire que les jeunes identifient l’emploi qu’ils désirent occuper au moment même où on s’attendrait à ce qu’ils commencent à occuper cet emploi.
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce « décalage ». La plus commune est que les adolescents ne reçoivent pas l’aide dont ils ont besoin au moment critique, considérant la rareté des services d’orientation. Une autre explication est que ces adolescents ne sont pas en mesure de formuler ce choix, qu’ils n’y sont pas encore prêts sur le plan développemental. Encore une autre explication est que ces mêmes adolescents, qui ont fréquenté l’école toute leur vie et ont donc été isolés du marché du travail, le connaissent trop mal pour choisir leur futur carrière. Finalement, il faut bien dire que la complexification de ce marché au cours des trois dernières décennies a rendu ce choix des plus difficile.
Toutes ces explications correspondent à la réalité de certains jeunes et peuvent donc guider la réflexion et l’action des intervenants. Néanmoins, elles ne peuvent pas servir de justification à un certain immobilisme. Des intervenants en orientation les utilisent parfois pour « normaliser » la crise de l’indécision et la présentent comme inévitable. Ils ne cherchent donc pas à modifier leurs interventions pour favoriser une orientation plus prompte.
La rencontre
Puisqu’on ne peut répéter les mêmes gestes et espérer des résultats différents, toute nouvelle méthode d’intervention qui cherche à réduire l’indécision mérite considération. Il ne faut pas pour autant mettre de côté les méthodes et les outils utilisés aujourd’hui, car tous ont leur utilité. Il s’agit plutôt d’introduire de nouveaux angles d’approche, d’autres portes d’entrée, d’autres façons d’initier la démarche du choix de carrière, afin de faciliter l’orientation du plus grand nombre.
Comme c’est souvent le cas, la clientèle possède déjà une solution. En effet, la génération des jeunes milléniaux est connue pour son désir d’un emploi qui fasse plus que payer les factures. Lorsqu’interrogés, ils affirment souvent désirer un emploi significatif, soit un emploi qui participe à changer notre société, qui produit un impact social. Voici des exemples de leurs objectifs professionnels : enseigner aux jeunes comment gérer leurs dettes, inspirer les jeunes filles à étudier les sciences, favoriser l’agriculture urbaine et l’autonomie alimentaire, aider les entreprises à réduire leur empreinte carbone.
Pour identifier leur « vocation », il s’agit ensuite de reconnaître leurs talents naturels et de comprendre comment ceux-ci participent à rencontrer ce « besoin du monde ». Imaginons Natalie, qui a de la facilité en mathématiques et en sciences et qui est devenue convaincue de l’importance de l’agriculture urbaine. Elle décide d’étudier les sciences de l’agriculture à l’université dans le but de chercher de nouvelles méthodes qui augmenteront l’autonomie alimentaire en ville. Julien, un communicateur naturel qui partage la même conviction et excelle en langue française, deviendra quant à lui blogueur afin de promouvoir et de partager les méthodes déjà connues.
Conclusion
En orientation, l’accent a toujours été placé sur le choix de formation ou le choix d’une carrière identifiable sur le marché du travail. Cette approche-ci déplace cet accent du marché du travail vers le monde social et politique. Le choix à poser est différent. Au lieu de répondre à la question, « Quelle formation vais-je choisir? » ou « À quel emploi vais-je me préparer? », la question centrale devient
« Quel problème ou besoin social vais-je participer à résoudre ou à combler? »
Cette approche ne convient pas nécessairement à tous les jeunes, mais conviendra parfaitement à ceux qui cherchent à s’engager, qui désirent faire une différence dans le monde. Plusieurs jeunes sont déjà sensibles aux problèmes liés au réchauffement climatique, à l’inégalité des revenus, aux relations inter-ethniques et à bien d’autres.
L’orientation a donc tout à gagner de l’augmentation de la conscience sociale parmi tous les jeunes. La conscience des enjeux auxquels notre société fait face est une porte d’entrée efficace pour la planification de son propre cheminement.
Pour continuer sa réflexion …
Adam Smiley Poswolsky. 4 Tips To Help Millennials Find Meaningful Work. Fast Company, 04.16.14 Tiré de https://www.fastcompany.com/3029111/4-tips-to-help-millennials-find-meaningful-work le 02 février 2015
Conselling Fondation of Canada. Un nouveau sondage révèle la diversité des valeurs sociales de la génération Y au Canada. Tiré de https://www.newswire.ca/news-releases/un-nouveau-sondage-revele-la-diversite-des-valeurs-sociales-de-la-generation-y-au-canada-613786633.html le 22 février 2017
Article publié pour la première fois le 15 avril 2019.