Les principales idées dans mon premier article, publié le 20 mai 2019, étaient autour de l’approche holistique de l’éducation, celle qui :
- Fait une distinction claire entre l’instruction d’un curriculum et l’éducation d’une personne.
- Favorise la formation humaine et intégrale de l’élève.
- Enseigne la conscience et la vraie connaissance de soi et celle des autres, au-delà des étiquettes.
- Intègre l’hémisphère gauche du cerveau, rationnel et l’hémisphère droit, capable de vivre des émotions.
- Permet que l’éducation soit un agent de changement de la société plutôt qu’une victime de la société.
Ce quatrième et dernier numéro sera dédié au développement du cinquième point ci-dessus.
Notre 21e siècle est actuellement victime de son plus grand conflit global, celui de l’opposition entre un mouvement conservateur et un autre libéral. C’est ce qui divise, tant les professionnels de l’éducation que le reste du monde. Cette polarité oppose, entre autres et en général, orient et occident, religion et laïcité, modernité et tradition, socialisme et capitalisme, masculin et féminin, dictature et démocratie et beaucoup d’autres dipôles.
Actuellement, cette polarité est conflictuelle, ce qui fournit une terre fertile à la croissance de l’égo individuel et collectif et renforce toute forme d’identité basée sur les étiquettes.
Et, si la question de l’extrémisme est le « méchant loup » de notre époque, c’est justement parce le système éducatif polarisé, transmet à la jeunesse, à travers des adultes polarisés une vision d’un monde piégé dans un conflit sans issue. De cette manière, l’éducation reste la victime d’un monde conflictuel.
Face à cette réalité, les législateurs de la profession enseignante demandent à ses joueurs de ne pas dépasser une certaine limite dans leurs discussions, entre eux ou avec les jeunes, de tout ce qui est controversé pour éviter le mécontentement des parents, la confusion des élèves et pour assurer la paix sociale « artificielle ». La crainte a pour origine qu’un groupe de l’extrême gauche entre en conflit « non contrôlé » avec un autre groupe de l’extrême droite qui finiront par s’accuser mutuellement d’extrémistes.
Alors, est-ce que la « vrai éducation » peut offrir une « issue de secours »? La réponse est : « je pense que oui ». La clé repose sur deux enseignements et apprentissages de nature holistique qui, pour le moment, ne se retrouvent pas au cœur des systèmes éducatifs à travers le monde.
- L’éducation à la profondeur (aller au-delà des étiquettes)
- L’éducation à la liberté intérieure (la vrai liberté)
En l’absence de ces deux enseignements, tout système qualifié d’éducatif est une forme rétrograde d’une mission éducative qui devrait donc se qualifier de « système d’instruction pour initier l’apprenant à un rôle dans la machine économique. »
- Comment donc est-ce que l’éducation à la profondeur pourrait-elle fournir une « issue de secours » à ce qui nous divise?
La physique expérimentale nous donne une première réponse à cette question et nous amène à s’en poser une autre. Deux pôles de nature contraire s’attirent (positif et négatif en électricité / nord et sud en magnétisme). Qu’est-ce que la nature nous enseigne par ce phénomène? C’est très simple : les deux reconnaissent que chacun porte une partie de ce qui les unit, ce que nous pouvons oser appeler la Vérité. Cette leçon de physique nous enseigne que ce qui nous paraît conflictuel en surface serait, en profondeur, une source de collaboration pour cheminer vers ce qui est Vrai.
Faisons maintenant le parallèle entre la physique expérimentale et les sciences humaines. Je me suis toujours posé la question pourquoi les populations mondiales doivent finalement être politiquement polarisées entre une approche conservatrice et une autre libérale? Pourquoi faut-il être le partisan des racines de l’arbre (approche conservatrice) ou des branches du même arbre (approche libérale)? Y a-t-il moyen de vivre une approche holistique et de prendre soin de l’arbre en entier?
Ceci n’est pas un appel à la réconciliation, dans son sens limité, ni un appel à une paix sociale dont le but est le fonctionnement technique de la société. Elle est plutôt un appel à un éveil de la conscience, en anglais « consciousness / awareness ». Si l’éducation ne joue pas le rôle majeur dans cet éveil, qu’est-ce-qui changera le monde alors?
Allons encore plus en profondeur et posons-nous la question : « qu’est-ce qui nourrit nos divisions et nos conflits? Pourquoi en sommes-nous victimes? » Eh bien, la réponse est toute simple : tout conflit sert à nourrir un système économique basé sur la fabrication des armes et la promotion cachée de la guerre, qui, elle, est un reflet de la promotion de l’égo humain.
La vraie éducation a cette capacité d’initier à la transcendance de l’égo humain. Elle est capable de proposer à l’être humain la possibilité d’éviter la victimisation de ce qu’on appelle « la nature humaine » et de permettre à cette nature de cheminer vers sa dimension « supérieure ». Ce que nous offrons à notre jeunesse d’aujourd’hui est un système qui tend à prôner l’égo humain, incarné par une éducation au service de l’économie de guerre, plutôt que de la transcendance de la nature humaine. Cette nature reste donc prisonnière de son égo.
- Comment est-ce que l’éducation à la liberté intérieure pourrait-elle fournir une « issue de secours » à ce qui nous divise?
La liberté intérieure permet à une personne de servir tout ce qui est authentiquement intrinsèque (la loi intérieure) plutôt que tout ce qui est extrinsèque (la loi extérieure). Une personne ultimement libre est celle qui est capable de choisir entre le service de sa voix intérieure ou les voix qui lui sont extrinsèques. La voix intrinsèque, de nature non imposante, une fois retrouvée, prône l’unité de la diversité. Alors que les voix extérieures, imposantes, servent à promouvoir le pouvoir de contrôler les autres, ainsi que l’économie de guerre.
Un premier exemple de cela est illustré par les pratiques des organisations des droits de l’homme. Ces mouvements se veulent basés sur des principes de liberté intérieure. Mais, le moment où se présente la tentation de se conformer au service de l’économie de guerre, elles sont déjà achetées par celui qui paye plus.
Un deuxième exemple est celui des médias :
L’humanité a fait du chemin vers la séparation entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique. Cependant, tout ce qu’on a fait est que nous avons substitué le pouvoir « religieux » par le pouvoir « politique ».
Comme le pouvoir religieux avait son outil imposant, celui d’une fausse image de Dieu, le pouvoir politique a, lui aussi, son outil imposant, celui des médias achetés par celui qui paye plus.
Tant de jeunes aujourd’hui se sentent incapables de se référer à eux-mêmes face à des médias qui possèdent les moyens techniques et matériels de contrôler l’opinion publique.
Un troisième exemple est celui de la démocratie apparente :
Une enseignante de 1re année demande à ses élèves de voter entre « manger des sucreries » ou « manger des légumes ». En l’absence d’un processus éducatif en profondeur, celui qui va au-delà de la diabolisation d’un des deux choix, cette forme de « démocratie apparente » est destructive. Je me demande si demander à des individus de voter en faveur d’une personne ou d’un parti qui a une capabilité médiatique de contrôler leurs opinions est un processus constructif.
La vraie éducation est celle qui a pour but d’inviter et d’outiller l’apprenant à se connecter à sa motivation intrinsèque et authentique par le processus de discernement pour se sentir libre face à ses choix personnels et collectifs.
J’espère que des sages de la planète adopteront une « vraie éducation »: celle des profondeurs, et celle qui invite à une liberté intérieure. Ce cheminement vers une économie de paix prendra graduellement place, uniquement si l’éducation de l’intrinsèque prend le dessus sur l’instruction extrinsèque. Si c’est trop utopique ou imaginaire, il suffit de se rappeler qu’il y a à peine quelques dizaines d’années, faire voler un appareil de quelques centaines de tonnes dans les airs était également utopique.