Redéfinir l’éducation en Ontario du 21e siècle, pionnier du monde?
ÉducationRessources et formations

Redéfinir l’éducation en Ontario du 21e siècle, pionnier du monde?

Temps de lecture : 4 minutes

Il serait probablement temps de songer à repenser la mission de l’éducation, ainsi que les carrières qui en découlent. Le contenu de ce « point de vue » ira, et j’en suis parfaitement conscient, dans un sens vers lequel un lecteur s’attend le moins, même si la question de la santé mentale est à la mode en Ontario.  

J’ai fait une recherche Google « Mission du ministère de l’Éducation de l’Ontario ». Et, certes, j’ai trouvé des résultats qui pourraient être considérés comme des missions ou des visions. Si je fais la même recherche pour bien des conseils scolaires ou des écoles en Ontario, là je peux facilement trouver des intentions explicitement décrites comme Mission ou Vision. Mais, toute intention peut perdre son statut de mission dans la mesure où la question du « pourquoi » se pose ou, autrement dit, si on gratte pour aller plus en profondeur. 

Nous vivons aujourd’hui dans un monde de la technique et de la technologie. Les services offerts dans la société sont efficaces dans la mesure où :

  • Ils prennent moins de temps et obéissent au principe du « Quick Fix ». 
  • L’élément humain est derrière les coulisses (j’ai intentionnellement évité de dire l’Être humain). 
  • Les relations humaines sont trop bien définies pour assurer l’hyper structuration du système, qui à son tour requiert l’hyper spécialisation des intervenants. 
  • Les relations humaines sont au service de la machine économique et non l’inverse. 
  • L’autonomie et l’indépendance sont encouragés à un point où il y a un grand danger que l’individu se renferme dans une vie trop privée qui souvent finit par devenir toxique.  
  • L’identité d’une personne devient, à long terme, une prison causée par une forte pression exercée par la société pour se faire identifier avec une étiquette qui servirait au fonctionnement du système juridico-légal. Un exemple serait la question des « minorités visibles ». 
  • La question du légal et de l’illégal devient trop confondue avec l’éthique, les valeurs, la religion, la spiritualité et les chemins entrepris pour l’épanouissement personnel. 
  • La liste peut s’allonger…. 

Il est important de signaler que malgré le caractère négatif exprimé dans certains points, la domination du monde de la technique et de la technologie, fruit de l’hyperfonctionnement de l’hémisphère gauche du cerveau, a des côtés brillants et alléchants quant aux réalisations extraordinaires qui feraient certainement la fierté de notre civilisation. Personne ne peut nier la splendeur de l’exploration de l’espace ni celle de l’intelligence artificielle ultra moderne.  

Il est aussi nécessaire de réaliser que le choix de laisser dominer l’hémisphère gauche du cerveau ne peut pas se faire sans compromettre son hémisphère droit : les relations humaines saines, la compassion, le sentiment d’appartenance, la solidaritél’amour, la paix et la justice sociale qui nécessite une vraie connaissance de soi-même et de l’autre. Une connaissance qui va au-delà des étiquettesdes identifications et du fruit permis et du fruit défendu. Avons-nous déjà fait un choix conscient de laisser dominer l’hémisphère gauche du cerveau humain? Si oui, ça ne sert à rien de se lamenter sur l’état de santé mentale de nos jeunes dans les écoles ou de chercher des stratégies impossibles et inefficacesPour qu’elles soient possibles et efficaces, la première condition est celle d’accepter de payer le prix : compromettre la domination de l’hémisphère gauche du cerveau et toutes les conséquences qui en découlent. 

Se connaître à sa propre valeurc’est être capable d’identifier autant ses richesses que ses pauvretés tant au niveau individuel que collectif, tant au niveau du technique que de l’humain. Une société qui n’est pas capable d’investir son humilité à côté de sa fierté ou qui confond l’humilité avec la faible estime de soi est en danger. Alors, posons-nous la question : sommes-nous déjà comblés par notre technologie ultra moderne? Si la réponse est non, alors la suite de cet article serait utile. 

L’éducation, à mon avis, devrait être l’éclaireur, le moteur du changement de la société et non une victime de la société.

Si ce qui se passe dans la société se répète à l’école sans que les éducateurs n’aient leur mot à dire parce qu’ils n’ont ni le temps ni l’occasion de développer la pensée critique, si les enseignants deviennent hyperspécialisés et ont un principal et unique mandat tellement bien défini et cadré autour de l’apprentissage scolaire pour que chaque jeune devienne un engrenage dans la machine économique, si les enseignants sont eux aussi victimes de divisions politiques, idéologiques et cherchent l’unité dans la conformité plutôt que l’unité dans la diversité, alors il serait plus approprié de le nommer ministère de l’Enseignement et de l’Apprentissage plutôt que ministère de l’Éducation. 

Une vraie éducation devrait :

  • Prendre en charge la formation humaine totale et intégrale de l’élève. 
  • Mettre l’apprentissage au service de la santé mentale et non l’inverse.  
  • Éduquer la conscience* de l’élève : Ce que je vais choisir de faire avec ce que j’ai appris est plus important que ce que j’ai appris. 

 (* En anglais, « consciousness » et non pas « conscience » / loin du concept du bien et du mal) 

Bref, pour que l’éducation ne soit pas réduite à l’instruction, ne serait-il pas nécessaire de réviser l’ordre des priorités? 

La question de la santé mentale est devenue à la mode en Ontario ces jours-ci lorsque les intervenants ont réalisé que les élèves en ont besoin pour réussir à l’école ou pour assurer leur sécurité et celle de leur environnement. Lorsqu’une personne est dans ce type de souffrance, la cause principale est justement parce qu’en profondeur, elle se sent « utilisée » pour une cause, peu importe la noblesse de cette cause. L’école d’aujourd’hui ne devrait-elle pas avoir les outils et les ressources pour combler les lacunes des familles et celles de la société, y compris les besoins socio-affectifs de l’élève? L’hémisphère gauche du cerveau réagira : « Qui est responsable de quoi? Comment assurer la redevabilité des individus dans le système? », celle de l’hémisphère droit serait : « Un besoin humain est devant moi, je répondrai à ce besoin en tant qu’humain avant d’être un spécialiste ». Ferons-nous un équilibre? 

Nous ne pouvons certainement pas demander à des membres de la famille d’un élève qui eux-mêmes se retrouvent en situation de besoin d’aide de fournir au jeune ce qu’elle n’est pas capable de s’offrir à elle-même. Alors, qui va faire le changement de ce cercle vicieux si ce n’est l’école? Comment pouvons-nous assurer une démocratie et une justice sociale sans l’éducation de la personne plutôt que l’instruction d’un curriculum? Il est temps de trouver une mission de l’éducation qui nous aide à cheminer vers une humanité où les guerres, les injustices, les prisons et les atrocités ne sont plus les moteurs de l’économie. L’être humain a cru un jour qu’il pouvait conquérir l’espace. Eh voilà, il l’a réalisé. Si on croit qu’un monde juste et en paix est possible, si on croit en une économie dont le moteur principal n’est pas l’industrie et le commerce des armes, alors, nous devrions commencer à explorer l’éducation humaine qui intègre tout le reste et avec cela, de nouvelles carrières qui construiront cette nouvelle humanité prendront naissance par la jeunesse éduquée.  

Emad Awadalla Author
Émad Zaki Awadalla, 25 ans d’expérience en éducation, citoyen canadien d’origine égyptienne est actuellement conseiller en orientation et enseignant de chimie et de biologie. En plus de son intérêt aux sciences, Émad est trilingue, il s’intéresse surtout à l’approche holistique de l’éducation et de la santé physique et mentale.
×
Emad Awadalla Author
Émad Zaki Awadalla, 25 ans d’expérience en éducation, citoyen canadien d’origine égyptienne est actuellement conseiller en orientation et enseignant de chimie et de biologie. En plus de son intérêt aux sciences, Émad est trilingue, il s’intéresse surtout à l’approche holistique de l’éducation et de la santé physique et mentale.
Latest Posts
  • Connaissance de soi, santé mentale et voix des élèves
  • Inclusion, intimidation et identité dans les écoles
  • Redéfinir l’éducation en Ontario du 21e siècle, pionnier du monde?