En France, en raison de notre statut de psychologue de l’éducation nationale et de notre position intérieure/extérieure au sein de l’éducation nationale, nous sommes des interlocuteurs particulièrement bien placés pour contribuer au mieux-être des élèves. Le conseil en orientation scolaire et professionnelle participe à la réussite et au développement des élèves, mais aussi de tous les publics accueillis au CIO¹. Et peut-être n’en sommes-nous encore qu’aux balbutiements pour ce qui concerne l’accompagnement à la réussite et à l’épanouissement de nos publics.
La santé mentale n’est pas encore explicitement mentionnée dans les missions des « PsyEN ». La prévention et la protection de la santé mentale des mineurs, élèves ou pas, sont pourtant devenues des dimensions transnationales depuis les années 1960 (Traité international de La Haye et Convention internationale des droits de l’enfant signée le 20 novembre 1989 et ratifiée par 274 pays). Plus récemment, la prévention et la protection de la santé mentale des salariés sont également devenues transnationales (OCDE, 2001, 2011). Elles s’imposent aussi en France.
Le Conseil en orientation peut-il contribuer à la prévention et à la protection de la santé mentale des élèves, des étudiants, des salariés et des autres publics que nous recevons dans les CIO?
Les sciences de l’orientation ne peuvent ni prédire avec précision (et heureusement) les décisions d’orientation ni les choix de carrière de tous les individus. Les sciences sociales ne le peuvent pas davantage (et encore une fois, heureusement!). Et ce n’est pas faute d’avoir essayé!
Cette « impasse créative » de la recherche en psychologie et en sociologie n’est pas due au fait que les sciences sont inexactes. Cet « échec positif » est relatif à la liberté inhérente et inaliénable des êtres humains. L’être humain est parfois imprévisible lorsqu’il fait usage de sa liberté de pensée, de choix et d’action. Pourquoi reste-t-il encore imprévisible, alors que les sciences ont fait tant de progrès? Nous sommes parfois imprévisibles parce que nous, êtres humains, sommes fondamentalement libres. La liberté est dans notre nature.
Le degré de liberté individuelle n’est pas incompatible avec la théorie de John Holland, qui a démontré sa pertinence dans l’aide au choix de carrière. Un choix conforme à notre profil RIASEC est significativement plus stable et apporte davantage de satisfaction professionnelle qu’un choix d’orientation scolaire ou professionnelle qui ne tient pas compte de notre profil.
Quant aux travaux de Deci, de Ryan et d’autres chercheurs associés au courant de l’autodétermination, ils ont apporté les preuves que la motivation autonome engendre plus de bien-être et de sens que la régulation externe. Mais la réalité n’est pas tout à fait aussi simple que l’approche binaire (intrinsèque/extrinsèque) initiale pouvait le laisser entendre. À l’image du vivant et plus encore de l’être humain, la réalité est complexe, mouvante et insaisissable. Des travaux récents ont introduit de la complexité au sein de la théorie de l’autodétermination.
La combinaison RIASEC et TAD appliquée à l’orientation et à la gestion de carrière apporte non seulement une relative stabilité et satisfaction des choix d’orientation, mais surtout elle contribue aussi à la construction de sens, au maintien de la motivation et à l’augmentation du bien-être.
La TAD éclaire d’un jour nouveau les travaux de John Holland et la part de responsabilité associée à la liberté des individus, mais aussi à la responsabilité des organisations.
Quant au courant de la psychologie humaniste, il continue de placer au centre de l’expérience humaine la conscience et le libre arbitre individuel. Si Maslow a rejeté la recherche de preuves scientifiques à grande échelle, Rogers a, quant à lui, initié une approche empirique s’appuyant à la fois sur l’expérience et sur des études rigoureuses. La psychologie existentielle en fait tout autant, en se basant sur une approche philosophique. Alors que les sciences dures, incluant les neurosciences et les nouvelles technologies, poursuivent leur tentative de mainmise sur la conscience humaine et la liberté de chacun, cette 3e force de la psychologie continue silencieusement de parier sur un avenir à la fois « positivement déterminé » et sur la liberté de choix des individus et des organisations, autrement dit sur l’autonomie individuelle et collective.
De quelles ressources, du côté de la psychologie humaniste, disposons-nous en tant que psychologues pour contribuer à la réduction du mal-être des individus? Sur quelles ressources probantes pouvons-nous nous appuyer pour contribuer aussi au bien-être, à la réussite, au développement, au conseil en orientation et à la motivation tant à l’École qu’au Travail? Par rapport aux contraintes et à la puissance des nouvelles pressions sociales, comment pouvons-nous augmenter nos chances de préserver notre liberté, celle de nos publics et de nos organisations?
¹CIO = Centre d’information et d’orientation (c’est un service public national d’information et de conseil en orientation scolaire et professionnelle, gratuit et ouvert à tout public). Il existe environ 400 CIO en France. Après avoir été initialement rattachés au Ministère du travail, ils dépendent actuellement du Ministère de l’éducation nationale. Des personnels administratifs et, depuis 2017, des psychologues de l’éducation nationale spécialisés en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle sont employés dans les CIO.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.