La chaise du professionnel en développement de carrière est un endroit de prédilection pour assister au phénomène du changement. Le counseling de carrière est un contexte où, après tout, se discute le changement. Il en existe des plus ambivalents que d’autres. Certains qui requièrent parfois une redéfinition du sens de la vie, de soi-même ou de certaines façons de penser. Plus l’ambivalence est forte, moins le dilemme est confortable. Le désir du changement ne rime donc pas toujours avec changement.
Parmi tous les facteurs aboutissant à la réflexion d’un changement, il serait difficile d’en ignorer l’étincelle : le désir. Il s’agit essentiellement de ce que souhaite la personne pour elle-même, l’espoir qu’elle porte en elle en vue d’une amélioration de sa situation. En comprenant ce à quoi la personne attache de la valeur, il devient plus simple de savoir ce qui la motive. De percevoir consciemment l’écart entre une situation souhaitée et une situation actuelle peut faire émerger un désir de changement important. Mais encore, l’inconfort d’une dissonance cognitive peut être un acteur du changement comme il peut mener à des cognitions telles que « le statu quo n’est pas si mal » ou encore « qu’on ne puisse rien y faire ». Néanmoins, cette prise de conscience ou ce vécu de divergence entre ses valeurs ou besoins et ses comportements ou situation actuelle peut au moins amener la personne à contempler un changement. Par ses valeurs et besoins peut naître un portrait de ce que la personne se souhaite. Une matrice de l’ACT peut similairement amener un tel constat.
Se rapprocher de ce portrait est cependant plus souvent plus facile à dire qu’à faire. Devant l’incertitude de l’avenir, le changement peut être perçu comme étant parsemé de risques. Des risques, qui d’ailleurs, sont souvent une question de perception. À chaque personne son contexte et à chaque contexte ses risques perçus. La peur du regret, de l’échec, de la honte ou de décevoir, par exemple, peut prendre racine au travers différentes histoires développementales individuelles. Elles peuvent habiter l’ambivalence autant que le ressenti de ses valeurs et ses besoins. Considérer un versant de l’ambivalence amène à reconsidérer pareillement l’autre versant. C’est ici que le statu quo peut perdurer : les risques inquiètent, bien que la personne que l’on aimerait être agirait différemment face aux risques. Tout cela peut venir influer sur le niveau de confiance et de conviction personnelle face au changement.
Un changement considéré important et perçu hors de sa portée ne risque pas de résulter en une mise en action. Pour l’entretien motivationnel, la confiance ou l’espoir est essentiellement la croyance de la personne à pouvoir réaliser le changement.
À l’inverse, un changement perçu comme étant atteignable, mais qui laisse indifférent ne risque pas de résulter en une mise en action non plus. La conviction pour l’entretien motivationnel revient à la conclusion pour la personne que le changement lui sera bénéfique malgré les risques.
Le désir, les risques, la confiance et la conviction deviennent des acteurs principaux du discours de la personne. Un « discours-changement » chevauche un « discours-maintien », où, dans une même phrase, il est possible à la fois d’entendre le désir et la crainte du changement. La personne se retrouve à osciller entre la régulation et la protection face au changement, sans qu’il n’y ait de bonnes réponses. Il n’y a qu’une personne qui vit notre vie, c’est soi-même. Le respect des risques perçus ou de nos besoins et valeurs nous revient. Et de la tension entre le désir et les risques peut naître les compromis. Tout n’est pas toujours si blanc ou noir.
Bien sûr, la personne doit aussi être disposée au changement. Par exemple, dans certains contextes, elle doit géographiquement être présente et disponible, ou encore l’engagement financier doit être réaliste.
Ces quatre éléments (désir, risques, confiance et conviction) sont également des leviers sur lesquels il est possible d’amener la personne à prendre position. Dans la perspective de l’entretien motivationnel, c’est en s’entendant parler que la personne entend ce qu’elle croit.
Si une personne est plus susceptible de se convaincre par elle-même que d’être convaincue par quelqu’un d’autre, la confrontation à soi-même devient un outil judicieux.
L’évocation de ses valeurs, besoins ou de la divergence vécue par le reflet tout comme l’usage de la question ouverte peut permettre, en autres, cette prise de position.
Ce qui place l’intervenant, dans un certain sens, comme étant lui-même un facteur d’influence au changement. Tout en souhaitant conserver sa neutralité, il demeure biaisé par sa subjectivité et les interventions priorisées. Le choix de l’intervention peut venir, entre autres, influer sur l’émergence d’un discours à connotation davantage « changement » ou « maintien ». Si les gens s’attachent à ce qu’ils défendent, comme le soutient l’entretien motivationnel, le choix de l’intervention peut donc représenter un facteur d’influence. Par cette incidence, le potentiel d’aider les gens à dénouer des impasses en contexte d’ambivalence est bien présent. Néanmoins, cela pose un regard éthique sur ses biais en contexte d’intervention.
Pour en savoir plus, voir l’entretien motivationnel.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.