Selon Dejours et Abdoucheli (1990), deux grands pionniers de l’approche psychodynamique du travail, celui-ci est vu comme étant un ensemble d’activités complexe, qui influent sur notre mental. Le travail aurait un impact sur l’équilibre mental des individus. L’approche de ces deux auteurs nous présente le travail d’une façon bien plus complexe qu’un simple levier financier. Le travail n’est plus seulement instrumental. Le travail est, en d’autres mots, un ensemble de production qui a un impact sur le monde. Le travail ne transforme pas seulement le monde, il nous transforme également. C’est un vecteur qui aiderait l’identité à se construire.
De fait, l’organisation est vue comme un lieu de socialisation entre collègues et patrons, et la définition de soi est directement liée à la reconnaissance sociale. Aussi, selon Dubar (1992), l’individu se donne un sens à travers la multiplicité des rapports sociaux et la reconnaissance par autrui au travail. D’une part, les individus veulent de la reconnaissance au travail, car celle-ci est primordiale pour s’intégrer au groupe professionnel et se sentir efficace dans leur milieu de travail. D’autre part, pour bénéficier de cette reconnaissance au travail, l’individu doit se conformer aux normes et aux valeurs que pourvoit l’entreprise. En bref, la situation de travail exerce une influence sur la construction identitaire professionnelle de la main-d’œuvre en promouvant une identification au contenu de travail et à l’environnement qui devient porteur de sens pour les gens.
Il est important de comprendre que la reconnaissance se divise en deux concepts bien distincts. Le premier se nomme le jugement de beauté. Cela consiste en un jugement positif octroyé par les pairs. Le jugement de beauté est donné par les pairs, les collègues de travail, les supérieurs, etc. Il est souvent perceptible grâce à des rétroactions qui prouvent au travailleur qu’il est unique et que son travail respecte bien les normes. Cela signifie que les autres apprécient la façon dont la personne a d’être unique dans son travail. Pour moi, cela réfère à un jugement de valeur du travail. Le second type de jugement est le jugement d’utilité. Il s’agit de l’utilité économique et sociale qu’a le travailleur. Ce type de jugement est souvent fait par les supérieurs. Ces deux types de jugements aident l’identité du travailleur à se consolider.
De plus, il est rare que les travailleurs atteignent des niveaux très performants quand ils n’ont pas de reconnaissance quelconque. Pour réellement toucher l’identité des gens, la reconnaissance doit toucher aux trois dimensions suivantes : le moi, le nous et les autres, selon Dubar (1992).
La reconnaissance permet aux travailleurs de donner du sens à leur travail et de se réaliser en tant qu’individus.
De ce fait, l’engagement professionnel est favorisé par une volonté intrinsèque de s’actualiser en tant qu’être humain. Nous voulons donner une signification valable à nos réalisations professionnelles et ainsi faire une réelle différence dans notre milieu. C’est notre besoin d’accomplissement de soi qui nous pousse à nous engager au travail. L’engagement professionnel est propulsé par nos valeurs et notre motivation intérieure. Notre profession est comme un tremplin pour l’expression de notre identité.
La santé mentale est donc un amalgame entre les normes sociales de son travail et son besoin d’accomplissement. À l’inverse, les situations de travail qui peuvent fragiliser la subjectivité et nuire à la construction de l’identité sont des situations où l’identité ne peut être rendue visible et où la reconnaissance est impossible. Concrètement, il peut s’agir d’un contexte de travail où les collègues et les membres d’une même équipe sont en compétition les uns contre les autres. Il peut également s’agir d’un contexte où les échanges sociaux et les rétroactions ne sont pas encouragés. Un contexte de travail où il est mieux de se taire que de participer. Il est important de prendre conscience des caractéristiques du milieu de travail dans lequel on baigne quotidiennement. Ce milieu peut avoir une grande influence sur notre confiance en nous et sur notre identité également. Comme notre profession est une sorte de tremplin pour l’expression de notre identité, une profession qui met en valeur nos forces naturelles peut être une réelle source d’accomplissement. À l’inverse, une profession empreinte d’un mauvais climat de travail peut être très destructrice pour la santé et le bien-être psychologique des individus qui y prennent part.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.
Bibliographie :
Dejours, C., & Abdoucheli, E. (1990). « Itinéraire théorique en psychopathologie du travail ». Revue prévenir, 20(1), 21-38.
Dejours, C. (1993). « Coopération et construction de l’identité en situation de travail ». Futur antérieur, 16(2), 41-52.
Delobbe, N. (2006). « Comment gérer les carrières aujourd’hui. RH, les apports de la psychologie du travail ». Management des Organisations, 151-174.
Dubar, C. (1992). « Formes identitaires et socialisation professionnelle ». Revue française de sociologie, 505-529.
Renault, E. (2007). « Reconnaissance et travail ». Travailler, (2), 119-135.
Sainsaulieu, Y. (1999). « SUD-PTT, un nouveau syndicalisme ‟politique”?» Relations industrielles/Industrial Relations, 54(4), 790-814.
Vézina, M. (2000). Le travail et ses malentendus: enquêtes en psychodynamique du travail au Québec. Presses Université Laval.
Cristyna Parent est conseillère d’orientation (c.o.) et psychothérapeute de formation. Elle a œuvré dans le secteur de la réadaptation et de l’invalidité dans la fonction publique du Québec, puis s’est dirigée comme c.o. organisationnelle et psychothérapeute au Ministère des Relations internationales du Québec. Elle a agi comme facilitatrice et formatrice auprès de son organisation sur des thématiques telles que le leadership transformationnel, la sécurité psychologique, l’intelligence collective, etc.
Parallèlement à sa carrière dans le secteur public, Cristyna a démarré sa pratique privée. Elle offre des services de consultations privées en orientation et en psychothérapie. Elle travaille au sein de la clinique multidisciplinaire Clinique Évolution et y a développé le service d’orientation scolaire et professionnelle. Elle s’intéresse à de nouvelles approches dans le domaine du counseling telles que l’écopsychothérapie ainsi que le co-coaching, une démarche intégrée de transformation individuelle et collective pour accompagner le changement organisationnel.
Cristyna Parent est conseillère d’orientation (c.o.) et psychothérapeute de formation. Elle a œuvré dans le secteur de la réadaptation et de l’invalidité dans la fonction publique du Québec, puis s’est dirigée comme c.o. organisationnelle et psychothérapeute au Ministère des Relations internationales du Québec. Elle a agi comme facilitatrice et formatrice auprès de son organisation sur des thématiques telles que le leadership transformationnel, la sécurité psychologique, l’intelligence collective, etc.
Parallèlement à sa carrière dans le secteur public, Cristyna a démarré sa pratique privée. Elle offre des services de consultations privées en orientation et en psychothérapie. Elle travaille au sein de la clinique multidisciplinaire Clinique Évolution et y a développé le service d’orientation scolaire et professionnelle. Elle s’intéresse à de nouvelles approches dans le domaine du counseling telles que l’écopsychothérapie ainsi que le co-coaching, une démarche intégrée de transformation individuelle et collective pour accompagner le changement organisationnel.