Getting your Trinity Audio player ready...
|
Pourquoi je continue de choisir la dynamique Individu-Étude-Travail pour décrire notre champ d’expertise?
Voici mes sept raisons :
Une première raison
D’abord, ce triangle me permet de délimiter mon champ d’expertise et de percevoir des limites dynamiques : l’individu dans son rapport avec l’apprentissage et avec le travail, mais aussi le pôle Étude dans son rapport avec l’individu ainsi que le pôle Travail dans son rapport avec l’individu tout en intégrant la relation entre Études et Travail. Cette relation influe sur l’individu.
Ainsi, le choix de ce triangle pour décrire et comprendre notre champ d’expertise me permet d’adopter une vision dynamique, de donner une place à mon identité professionnelle et de prendre ma place dans notre société.
Une deuxième raison
Ce triangle me permet de donner un cadre et un sens à mes évaluations et à mes interventions.
1. Ma pratique peut être analysée au regard de sa signification suivant chaque pôle et chaque interaction : qu’est-ce que ma pratique signifie du point de vue de tel individu? Qu’est-ce qu’elle signifie du point de vue de tel milieu de formation? Qu’est-ce qu’elle signifie du point de vue de tel milieu de travail, de telle interaction entre deux pôles?
2. Ma pratique peut être interrogée par rapport à la direction qu’elle induit, l’intention choisie, l’objectif qu’elle poursuit, mon style d’intervention par rapport à chaque pôle et par rapport à la dynamique de l’ensemble du triangle. Les mêmes questions se posent pour les moyens et les méthodes utilisés.
Quel est le sens de ma pratique pour chaque pôle? Mon style d’intervention est-il adapté, efficace, décent? En quoi ma pratique (objectifs, moyens, style, philosophie, approches, techniques) est-elle dynamisante, ou non? Si oui, sur quel(s) pôle(s)? Si non, sur quel(s) pôle(s)? Pourquoi? Que puis-je faire pour être un cordonnier mieux (pas trop mal) chaussé?
Une troisième raison
Ce triangle me permet d’intégrer dans mes évaluations et mes interventions les différents modèles et cadres pour l’orientation, différents styles d’intervention (à condition d’en être conscient) et tous les courants du counseling, de la psychologie ainsi que toutes les approches du counseling de carrière, de la psychologie de l’orientation.
Ainsi, je peux adopter une approche intégrative et flexible (parfois plus axée sur une approche spécifique) en fonction des besoins résultant de la dynamique de ce triangle. Cette raison me permet, si besoin, de cocréer une intervention.
Une quatrième raison
L’espace entre les pôles me permet de situer mes évaluations et mes interventions en estimant leur distance donc leur proximité ou leur éloignement vis-à-vis de chaque pôle et d’éviter de me laisser enfermer par un seul pôle.
Ainsi, je peux ajuster mes évaluations en prenant du recul, en réintroduisant de l’interaction, de la dynamique, du lien avec un autre pôle ou en réévaluant mon style d’évaluateur ou le cadre (modèle, philosophie, approche, courant) et leur sens (signification et direction pour chaque pôle). Je peux faire de même pour mes interventions.
Je peux prendre du recul ou les ajuster selon le cadre, le sens et le pôle privilégié.
Si je donne la priorité au pôle Individu, je peux choisir d’ajuster ou pas mes évaluations et interventions en fonction de la demande et de son contexte selon un fonctionnement psychologique, un intérêt, une valeur, aptitude, croyance, intention, histoire…
Une cinquième raison
Cette façon de décrire, comprendre et analyser notre champ d’expertise me permet de questionner les différents pôles, leurs relations et de me poser des questions qui me poussent à prendre du recul et améliorer ma pratique.
Quel sens peut avoir un apprentissage (formel ou informel) déconnecté des réalités professionnelles? Quelles conséquences sur l’individu et sur le milieu professionnel aurait un système de formation professionnelle trop à l’écart du monde du travail? À l’autre bout de cette dynamique, que serait un monde du travail ignorant totalement, pour ne pas dire phagocytant, un milieu de formation? Quelles en seraient les conséquences sur les milieux de formation et sur les individus? Bien entendu, cette vision de notre champ d’expertise ne me dispense pas d’interroger, voire de remettre en question, les moyens alloués à un pôle, les conditions d’études, les conditions de travail, la situation sociale d’un individu. Les conditions d’études sont-elles décentes? Les conditions de travail sont-elles décentes? Évidemment, il n’y a qu’un pas à faire pour transférer ces questions à propos des moyens et conditions de travail des professionnels de l’orientation et du développement de carrière. Du constat des ressources à l’advocacie professionnelle, autrement dit au pouvoir d’agir des professionnels et futurs professionnels, il peut y avoir un chemin professionnel, syndical, extra professionnel, personnel et social lui aussi formel ou informel, continu ou discontinu qui implique des choix.
Une sixième raison
Ce triangle me donne la possibilité de résumer ma vision du conseil en orientation et mon diagnostic au bénéficiaire, quel que soit son âge, à l’aide d’un schéma très simple et parlant, car s’il vient consulter un conseiller d’orientation, c’est parce que son triangle est soit incomplet ou déformé. Alors, je pourrais lui proposer de travailler ensemble pour rendre ce triangle équilatéral. Avec l’accord du jeune, je pourrais aussi utiliser ce schéma avec ses parents et ses enseignants pour leur expliquer ma démarche. Mais, jusqu’à présent j’ai réalisé ce travail de façon implicite, car je n’ai pas encore donné de réalité à ma sixième raison. Néanmoins, je la garde dans un coin de ma tête en cas de besoin, où il serait utile d’expliciter ma vision.
Une septième raison
Une vision systémique de notre champ d’expertise me permet d’entrevoir les liens d’interdépendance qui régissent les différents pôles et donc toute la complexité de notre métier, mais aussi son importance et son sens. Cette vision systémique rétablit la dynamique intra-pôle et inter-pôles. Au final, cette vision insuffle de la vie. Elle laisse penser ou, espérons, au moins supposer que chaque pôle détient plus de pouvoir qu’il ne le croit.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.