Malgré un processus élaboré en orientation, la fragilité décisionnelle pourrait rapidement chavirer les plans scolaires et professionnels des collégiens surtout lorsqu’il s’agit de leur premier vrai bond vers l’autonomie. Que ce soit le manque d’expérience, une maturité limitée ou des concepts décisionnels inadéquats, le même questionnement revient. Est-ce que le projet dans lequel je m’engage en vaut la peine? Aurais-je minimalement atteint les résultats escomptés? Je nommerai cette inquiétude incertitude résiduelle. Souvent mal comprise et perçue comme de l’indécision chronique, elle est pourtant nécessaire pour rester à l’affût des opportunités tout en maintenant une réflexion constructive. Quelles sont les pistes d’intervention pour apprivoiser l’indécision résiduelle plutôt que la combattre puisqu’elle est notre alliée tout au long de notre vie?
Contrairement aux croyances populaires, l’orientation ne se limite pas qu’à clarifier des options professionnelles, mais aussi à se doter de compétences favorisant l’autonomie à prendre des décisions consciencieuses.
Comme des outils, ces compétences requièrent de la pratique afin de les intégrer. En étant mieux outillé, l’inquiétude liée à l’incertitude résiduelle devient plutôt une ressource pour mieux affronter les imprévus. L’impression d’avoir fait un mauvais choix pourrait plutôt être perçue comme une expérience enrichissante, une épreuve nécessitant de la débrouillardise ou même une occasion d’accroître sa capacité de résilience. Cependant, c’est difficilement imaginable d’arriver à une telle perception en seulement quelques rencontres d’orientation. Dans cette optique, comment pouvons-nous leur laisser une palette de réflexions qui favoriseront les jeunes adultes à se doter par eux-mêmes des compétences nécessaires?
Nombreuses sont ces réflexions favorisant le développement de l’autonomie décisionnelle. L’une d’entre elles aborde le concept des valeurs. Ce concept abstrait est difficilement compréhensible ou explicable surtout auprès des gens qui s’attendent simplement à définir leur choix de carrière en concordant intérêts et professions. En d’autres mots, c’est de les aider à comprendre la complexité d’un choix en y intégrant des valeurs. En soulignant plusieurs parallèles avec leur parcours scolaire, ils ont probablement éprouvé différents niveaux de motivation pour la même matière. Par exemple, la motivation en sciences a probablement varié d’une année scolaire à une autre. En leur demandant de vous expliquer pourquoi, ils vont sûrement mentionner que ces variations dépendaient de l’enseignant. À partir de ce constat, le jeune adulte pourra comparer et dégager des caractéristiques comme le type de pédagogie, les méthodes de travail privilégiées et même l’ambiance durant le cours. Avec quelques reflets, il devient facile d’établir le pont entre ces caractéristiques et les valeurs. Il sera de plus en plus facile d’inclure le concept des valeurs à travers les réflexions en orientation. Ce type d’exercice se fait aussi avec les emplois d’été et les loisirs. Comme trouver les dénominateurs communs en mathématiques, il pourra comprendre et repérer les mêmes conditions motivantes ou valeurs à travers différents corps d’emplois.
Quasi incontournable, le plan d’action couvre l’ensemble des options retenues, mais qu’en est-il du plan de réflexion dans lequel nous incluons les valeurs? Même si notre itinéraire sur la route est tracé, ça ne veut pas dire qu’il faut se fermer les yeux pendant la conduite ou se contenter d’une destination décevante. En revenant sur les questions initiales, si ça en vaut la peine ou s’il y a les résultats escomptés, le jeune comprendra qu’il devra davantage se référer à ses valeurs lorsque vient le temps de faire un choix. Cet exercice s’insère dans le plan de réflexion qui à son tour s’avérera pertinente au moment de trouver un emploi. La mission de l’entreprise correspond-elle aux valeurs précédemment déterminées? Le jugement professionnel pèse-t-il dans les décisions administratives? Quel est le style de gestion privilégié? Qu’en est-il du climat organisationnel? D’ailleurs, comment sensibiliser ces jeunes à se doter d’outils supplémentaires pour évaluer la santé organisationnelle?
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- Une réduction de la qualité des services ou des produits présagerait une certaine négligence quant à la satisfaction des clients.
- En lien avec le premier élément, cette réduction pourrait laisser croire à une administration trop avide de profits pouvant entraîner une répercussion sur les conditions de travail et la pression sur les employés.
- Une mauvaise gestion des priorités : la présence de secteurs accessoires au détriment des secteurs essentiels, et ce, au sein d’une même gestion.
- Deux organigrammes d’employés dans la même organisation : l’organigramme fonctionnel et l’organigramme des privilèges. L’existence de ce dernier mettrait en évidence un favoritisme d’influence et un manque d’impartialité.
- Du personnel s’acquittant de tâches pour lesquelles il ne serait pas qualifié. Serait-ce un milieu qui ne reconnaît pas la complexité du professionnalisme ou un milieu peu soucieux des risques avec lesquels il expose les clients et le personnel?
- À l’occasion d’une crise, quelle serait la première préoccupation de l’organisation? Cherchera-t-elle des solutions efficaces ou tentera-t-elle d’abord de préserver son image?
- Donner son opinion, ou repérer des incohérences, serait perçu négativement malgré la motivation de vouloir s’investir dans l’entreprise ou par souci de contribuer à la vraie mission de l’organisation. Dans ce cas, la diversité d’opinion pourrait être interprétée comme une perturbation et même entrainée des représailles.
- Avoir l’impression que la docilité est recherchée chez les employés signifierait un type de gestion contrôlant.
Dans cet ordre d’idées, le jeune pourra aiguiser ses sens pour observer les symptômes issus d’une mauvaise hygiène organisationnelle. Plus sa vigilance sera exercée, plus son incertitude résiduelle deviendra son alliée pour prendre des décisions consciencieuses. Dans le cas où une organisation présente trop de facteurs alarmants, les actions entreprises seront justifiées (ne pas postuler, sensibiliser ses collègues, voir le milieu comme un tremplin ou un passage temporaire, quitter).
En général, l’orientation ne se limite pas à un agencement des intérêts avec les tâches d’une profession, mais aide à comprendre que même si le projet d’avenir est clarifié, les réflexions ne sont qu’amorcées. Elles pourront s’avérer avantageuses à long terme même dans les choix de vie. Mieux outillés, ces gens sensibiliseront d’autres personnes concernées à leur tour. D’autres sujets méritent une plus grande attention en orientation, puisqu’ils gravitent autour des valeurs organisationnelles : les modes de recrutement et de rétention des employés, les styles de gestion et leurs impacts, les motivations qui amènent des gens à opter pour une carrière en gestion ou même la sincérité vocationnelle. Malheureusement, plusieurs écarts se creusent entre les employés, les cadres et les politiques.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.