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Une prise de décision d’orientation peut résulter d’une intuition ou d’une réflexion.
L’intuition peut être fulgurante. Aussi fulgurante soit-elle, elle s’appuie sur une expérience de vie et sur un processus de développement principalement inconscient, selon Jung. Une intuition peut précéder ou faire suite à une réflexion.
Comment définir le non-moi? Le non-moi s’est construit sur un « faux-self », tel que défini par Winnicott. Il est également constitué de l’ensemble des apprentissages (assimilation/accommodation) et de l’ensemble des conditionnements sociaux. D’un point de vue systémique, le non-moi permet à la personne d’exercer ses fonctions adaptatives dans un environnement et un temps donnés. Du point de vue de la théorie de l’autodétermination, le non-moi vise à maintenir une sécurité, mais bien illusoire ainsi qu’une appartenance sociale, mais en niant sa motivation autonome.
Le principal inconvénient psychologique du non-moi réside dans le fait qu’il ne respecte pas les besoins psychologiques fondamentaux, notamment d’autonomie.
Le counseling d’orientation et de carrière se donne parfois pour objectif de discerner le moi du non-moi afin que le client prenne des décisions d’orientation éclairées.
Actuellement, il est de bon ton de « devenir soi-même », voire comme l’expriment certains jeunes en entrevue, de « devenir la meilleure version de moi-même ».
Pour ma part, je ne vois pas d’inconvénient à aider un jeune à être lui-même pour qu’il puisse réaliser des choix d’orientation à partir de ce lieu dit soi-même (qui reste à définir). Je n’y vois pas d’inconvénient à condition qu’il n’y ait pas trop de névroses invalidantes ou dommageables pour lui et pour autrui, voire de psychopathie !
En entrevue, lorsqu’un jeune demande explicitement (ce qui est rare) de l’aide pour trouver son vrai moi, savoir qui il est et ce qu’il veut, je lui propose une évaluation et une intervention tout à fait classiques d’exploration de soi et de son environnement.
De mon point de vue, mon travail consiste à clarifier sa demande et son projet, puis à l’aider à mobiliser plus de ressources qu’il ne rencontre de limites et de freins. Mon idéal (qui n’est pas forcément le sien) serait qu’il soit conscient de celui qui choisit, son moi ou son non-moi, ou bien une combinaison de ses deux dimensions identitaires.
Selon moi, être soi-même confère de la liberté. Mais un paradoxe surgit avec l’injonction sociale d’être soi-même. Si être soi-même rend libre, être contraint d’être soi-même s’oppose à la liberté, non ? Le client serait-il conscient de ce paradoxe?
Un counseling de carrière idéal permettrait au client d’être soi-même ou pas.
Il permettrait au client de se dire : « voilà ce qui est à moi et voilà ce qui n’est pas à moi » et « voilà ce que je souhaite garder et voilà ce que je ne souhaite pas garder dans mon identité vocationnelle ». Ce travail s’accomplit dans l’exploration et la hiérarchisation de ses intérêts, valeurs, aptitudes, croyances… vous connaissez.
Mais le processus d’orientation et de développement de carrière devient complexe lorsque des mécanismes de défense font leur apparition et font obstacle au processus.
Le client peut prendre conscience de ses mécanismes de défense ou les nier. Il peut décider de les verbaliser et de les intégrer avec conscience pour élargir son espace de choix. L’accompagnement devient encore plus complexe lorsque les mécanismes de défense sont immatures (déni, projection…) et nécessitent une thérapie en parallèle. Il n’en reste pas moins que les mécanismes de défense (Vaillant; Zhang et Guo), qu’ils soient immatures ou matures (humour, anticipation…), adaptés ou inadaptés, remplissent une fonction protectrice dans un milieu stressant ou toxique.
Les mécanismes de défense matures (Vaillant) sont généralement choisis par le client, alors que les mécanismes de défense immatures sont généralement subis.
Dans les deux cas, ces mécanismes assurent une fonction protectrice de l’identité vocationnelle du client et un maintien de sa cohésion interne (Lecomte et Savard).
Dans l’accompagnement d’un tel processus d’orientation et de développement de carrière, il arrive inévitablement un moment d’évitement ou de confrontation avec son moi et son « faux-self » se met à résister. Le client, quel que soit son âge, se voit alors opposer des forces qui font barrage et tentent d’empêcher tout changement.
C’est pourquoi certains clients, quel que soit leur âge et l’étape de développement, où ils sont rendus ont besoin de soutien pour surmonter, dépasser, traverser ou faire face aux obstacles qui se présentent à postériori dans leur cheminement de carrière.
Le lieu de contrôle (interne ou externe; moi ou non-moi, ou une combinaison des deux) à partir duquel un client prend ses décisions d’orientation et de développement de carrière n’est pas toujours si simple ou binaire. Ce lieu de contrôle s’inscrit dans un récit de vie. Ce récit de vie permet au client de justifier sa façon de choisir et de lui attribuer un sens très personnel. Par exemple, « mon père m’a appris à réparer les motos et j’aimais ça. Alors, moi aussi je veux transmettre ». Cette décision de transmettre est-elle si simple et si consciente? Je pense par exemple à ces étudiants en droit qui choisissent leurs études à partir de leur non-moi afin de se protéger des réactions familiales. Ils ont le droit de protéger leur moi en construction. Certains de ces étudiants font leur choix en fonction du prestige des études et du prestige escompté à l’issue de ces études de droit.
Du point de vue de la théorie de l’autodétermination, le choix de ces étudiants ne repose pas sur une motivation autonome. Cela convient à certains, mais pas à d’autres. En entrevue vient un moment émotivement fort et crucial en termes de changement lorsque les parents (s’ils sont présents) réalisent que leur enfant souffre d’avoir fait un choix par rapport à eux et que leur enfant souffre terriblement de ne pas arriver à combler leurs attentes. À ce moment-là, les parents prennent conscience de son besoin d’autonomie. Ils sont soulagés de pouvoir privilégier son autonomie. Parfois, parents et étudiants voient les choses sous un nouveau jour lorsqu’ils découvrent que leur décision d’orientation est réversible.
* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.