Qu’ils pratiquent à l’école secondaire, au collégial, en pratique privée ou en employabilité, les professionnels de l’orientation reçoivent de plus en plus de demandes de clients autistes. Cela est un phénomène incontournable : environ 1 % de la population est autiste et de plus en plus de personnes obtiennent un diagnostic qu’elles ne cherchaient pas ou n’arrivaient pas à obtenir auparavant. L’accès à des mesures d’accommodement leur permet d’obtenir des diplômes de tous les cycles d’études et d’aspirer à un avenir professionnel épanouissant. Plusieurs professionnels se sentent déroutés lorsqu’ils interviennent auprès d’une clientèle atypique sur le plan des relations humaines et de la communication. Quelques adaptations peuvent toutefois faire la différence pour un accompagnement réussi.
Cela prendra plus de temps
Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental présent dès la naissance. Selon le Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM- 5), ce trouble se caractérise principalement par des difficultés de communication verbale et non verbale, ainsi que des difficultés à interagir adéquatement avec les autres. On remarque également la présence d’intérêts restreints et du besoin d’une routine qui encadre les activités.
Tout d’abord, le TSA affecte souvent le traitement de l’information verbale et non verbale. Les échanges verbaux nécessiteront plus de temps. Ensuite, l’autisme est un trouble du développement. Les clients autistes ne développent pas leur autonomie au même rythme que les autres de leur âge. Il est de mise de clarifier très explicitement les attentes du client et de se donner le droit d’avoir des objectifs plus modestes, mais plus réalistes. Une démarche d’orientation réussie ne sera pas forcément une démarche qui débouche sur un choix professionnel ou un choix de programme d’études, mais davantage sur le développement de la personne dans sa compréhension de soi et du monde du travail.
Tous les professionnels ne bénéficient pas des mêmes conditions de travail, mais il faut idéalement accorder une dizaine de rencontres à un client autiste pour qu’il puisse vivre les étapes nécessaires à la connaissance de soi et du monde du travail. Ces rencontres ne devraient pas non plus s’échelonner sur dix semaines, mais être entrecoupées de moments de pause pour permettre à la personne de donner du sens aux expériences vécues.
La connaissance de soi : miser sur les forces
Un autre élément important à considérer c’est d’accompagner le client pour qu’il identifie ses forces plutôt que ses intérêts. Si les intérêts sont le point de départ logique de toute démarche d’orientation, trop s’y attarder avec une personne autiste comporte des risques. Plusieurs personnes autistes ont des passions particulières qui consomment beaucoup de leur temps éveillé et nombreuses sont celles qui sont très enthousiastes à en parler. Cette passion est une très bonne chose, car elle les rend heureuses et leur permet d’apprendre, mais toutes les passions ne sont pas forcément transférables en emploi. Aussi, plusieurs personnes autistes entretiennent une passion pour un domaine dans lequel les employeurs auront des attentes qui ne correspondent pas à leurs forces. Le passionné d’histoire qui se voit enseigner l’histoire devra développer des habiletés relationnelles accrues. Le passionné de lecture qui se voit travailler à la bibliothèque devra développer ses aptitudes en service à la clientèle et en animation de groupe. Le passionné de musique qui se voit devenir compositeur devra accepter de « créer sur demande », dans un style artistique qui ne lui plaît peut-être pas… Dans ces cas-là, il vaut mieux investiguer les forces, les aptitudes et les talents que la personne a développés à travers ces heures investies dans la passion particulière et l’aider à trouver des emplois qui nécessitent ces talents. Le passionné d’histoire a développé une excellente aptitude à faire de la recherche documentaire et à classifier l’information. Le passionné de lecture maîtrise la langue française à la perfection et détecte les fautes mieux que ne le ferait un logiciel de correction. Le passionné de musique a appris par lui-même les gammes et les modes musicaux et est capable d’apprendre le langage informatique sans effort. Ainsi, le premier pourra envisager un emploi de recherchiste, le second de réviseur linguistique et le dernier comme programmeur en informatique… Il est gagnant de prendre un recul par rapport à ce qui semble « évident » et d’analyser l’adéquation entre les forces du client et les conditions de travail qui lui permettront de les manifester.
L’exploration professionnelle : vivre des expériences concrètes
S’il est facile de décrire en mots des exemples de démarche d’orientation, il sera plus difficile pour le client autiste de s’approprier sa connaissance de soi par des mots. La majorité des personnes autistes doivent accorder beaucoup de temps et d’énergie aux informations verbales. Elles sont plus nombreuses à appréhender le monde de manière visuelle, logique et concrète. Les informations visuelles et l’expérience concrète leur donnent des repères dans notre monde social souvent ambigu et contradictoire. Pour permettre au passionné d’histoire de comprendre qu’il est bon en recherche documentaire, il sera plus utile de lui faire vivre une telle expérience, plutôt que de lui dire. Cela est certes plus énergivore et prend plus de temps, mais le professionnel de l’orientation sera plus gagnant en accompagnant son client à s’inscrire à des activités « Élève d’un jour», à aller aux soirées « portes ouvertes» d’établissements d’enseignement et à se trouver des stages d’un jour. Cela accroîtra la confiance en soi du client, élément essentiel au passage à l’action dans un choix scolaire et professionnel.
Article publié pour la première fois le 1er avril 2019.