Anxiété et temporalité
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Anxiété et temporalité

Anxiété et temporalité

À l’adolescence les questions existentielles me troublaient tellement – essentiellement, je voulais sauver le monde – que j’en perdis l’appétit, fis de l’insomnie et éventuellement développai des symptômes ulcéreux. Les directions de mes pensionnats d’alors m’amenèrent consulter deux médecins dont un interniste.

Celui-ci me tapota longuement le haut de l’abdomen et, une fois que je me fus rhabillé et que je retournai à ma chaise faisant face à son bureau, il me dit essentiellement quelque chose comme : « À ton âge, on ne se fait pas opérer pour un ulcère; on change sa manière de voir la vie et le monde ». Ce que j’ai retenu alors est : Vis ton âge! J’ai tenu compte de ce conseil jusqu’à ce jour, sauf pendant un court moment à la fin de la trentaine où un ulcère perforé vint rapidement me rappeler la pertinence et la sagesse de cet avis.

Aujourd’hui, je lis de plus en plus d’études et de publications, dont celle de Geneviève Pelletier1, démontrant une détresse psychologique voire une anxiété grandissante et généralisée, en particulier chez les élèves du 1er cycle du secondaire et même du primaire2. En 2020, ceux-ci vivraient tout particulièrement de l’écoanxiété. Cela veut dire que ces jeunes développeraient cette anxiété devant le piètre état de la planète Terre, situation qui selon eux menacerait sérieusement voire même annihilerait complètement leur avenir. Alors certains d’entre eux trouvent moins de pertinence dans la poursuite de leurs études ou d’un projet parental et d’autres veulent se substituer aux adultes pour sauver cette planète, élan sans aucun doute généreux et noble, mais qui ressemble drôlement, selon moi, à mon désir de vouloir sauver le monde!

Vis ton âge!

En clair, pour le développementaliste que je suis devenu, l’anxiété doit le moins possible faire partie de nos vies tout particulièrement à l’enfance et à l’adolescence. Chaque stade développemental implique des tâches à accomplir et, pour un enfant ou un jeune adolescent, apprendre à gérer une anxiété diffuse et persistante ne fait pas partie de ses tâches.

À ces âges, Donald Super (Eh oui, les théories vocationnelles peuvent servir à ça également), place un sous-stade fantaisiste fait de rêves, de curiosité, d’imaginaire, de créativité et de jeux des rôles adultes (docteur, enseignant) pour les enfants (± 11 ans et moins) et associe ce sous-stade d’exploration, à des choix provisoires et des tentatives de projection de soi dans l’avenir (± entre 11 et 17 ans)

Si certains observateurs voient dans ce nouveau vécu des enfants et des adolescents un signe de maturité ou de lucidité précoce, je les invite à aller du côté du développement biologique pour voir les conséquences du saut d’un stade : acromégalie, bras sans avant-bras, etc.

Sur un tout autre plan mais toujours quant à l’escamotage de stade, combien de fois ai-je entendu comme conseiller des clients déplorer le fait que pour une raison x ou y ils n’avaient pas eu d’enfance et qu’ils souffraient encore de ce saut développemental : manque de spontanéité, déconnexion par rapport à leur affect, manque de créativité, difficulté à relativiser les choses, etc. En somme, ce stade manquant les hante constamment.

La sagesse est à tout âge, et chaque âge a sa sagesse!

Temporalité

De plus, comme l’a démontré Nuttin, l’anxiété a un lien direct avec la temporalité. Plus diminue chez une personne cette temporalité, plus augmente chez elle le risque que ses pathologies latentes se manifestent, l’une d’elles étant l’anxiété.

C’est pourquoi comme pour le décrochage scolaire, l’orientation et le développement de carrière s’avèrent des moyens efficaces pour redéployer la temporalité d’une personne.

 


[1] Pelletier, G. (2019). Les peurs et l’anxiété chez l’enfant. St-Constant : Broquet.

[2] Et si le confinement en lien avec la COVID-19 se prolonge, beaucoup de jeunes vont craindre de manquer soit leur année scolaire ou soit une partie de leurs grandes vacances. CO préparons-nous à les accompagner!

Professeur au Département d’Orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke durant plus de 25 ans, le pédagogue a brillé d’originalité pour former ses étudiants, souhaitant non pas les cloner, mais bien les mettre au monde en tant que conseillers. Sa différence est devenue référence, comme en témoignent les prix qu’il a remportés, la vingtaine d’ouvrages qu’il a publiés et les ateliers de formation qu’il a animés sur le counseling de groupe et sur l’insertion professionnelle. Depuis 2001, il n’a de retraité que le nom puisqu’il demeure très actif comme professeur associé. De plus, le prolifique auteur n’a pas rangé sa plume et le réputé conférencier manie toujours le verbe avec autant de verve et d’à-propos.
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Professeur au Département d’Orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke durant plus de 25 ans, le pédagogue a brillé d’originalité pour former ses étudiants, souhaitant non pas les cloner, mais bien les mettre au monde en tant que conseillers. Sa différence est devenue référence, comme en témoignent les prix qu’il a remportés, la vingtaine d’ouvrages qu’il a publiés et les ateliers de formation qu’il a animés sur le counseling de groupe et sur l’insertion professionnelle. Depuis 2001, il n’a de retraité que le nom puisqu’il demeure très actif comme professeur associé. De plus, le prolifique auteur n’a pas rangé sa plume et le réputé conférencier manie toujours le verbe avec autant de verve et d’à-propos.