Dans un contexte économique marqué par la rareté de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs d’activité et par un constant besoin d’innovation pour répondre à l’évolution rapide des tendances technologiques, socioculturelles et démographiques, le marché du travail québécois – et canadien – a besoin, plus que jamais, de l’ensemble de ses travailleurs. Cette volonté d’inclusion s’inscrit également dans la mouvance actuelle, menée par les populations autochtones, pour la reconnaissance de leurs droits, des torts causés par la colonisation et des effets encore bien présents des politiques passées. Ralliant ces deux axes, le projet NIKA, piloté par le Conseil du patronat du Québec (CPQ), en collaboration avec le Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec (RCAAQ), AXTRA, l’Alliance des centres-conseils en emploi, la Commission scolaire De La Jonquière et le Groupe ADL, souhaite favoriser la participation active des travailleurs autochtones dans les entreprises québécoises. Dans le cadre de ce partenariat novateur, le premier mandat confié à AXTRA consistait à documenter les enjeux, les bonnes pratiques et les besoins des travailleurs autochtones et des employeurs québécois. Voici quelques-uns des principaux constats qui ont émané de cette revue de la littérature (disponible en version française et anglaise) à l’échelle provinciale, nationale et internationale.
Des défis à relever
Parmi les principaux enjeux soulevés dans la littérature, il importe de souligner les impacts encore bien présents du colonialisme, du racisme et de la discrimination, qui se répercutent notamment sur l’embauche, le bien-être au travail et la mobilité professionnelle des travailleurs autochtones. Plusieurs études ont également soulevé des barrières liées à la formation linguistique et/ou technique, qui occasionnent un décalage entre les qualifications de la main-d’œuvre disponible et les besoins des employeurs. Enfin, la non-adaptation de plusieurs milieux de travail aux cultures autochtones continue de poser un défi pour les employés issus de ces communautés et d’entraver leur pleine participation au marché de l’emploi québécois.
Des besoins importants
Cette recension des écrits a permis de mettre en lumière les besoins multiples des travailleurs autochtones et des entreprises québécoises, afin de créer des partenariats et des maillages durables.
D’une part, pour combler l’écart qui subsiste en matière de formation, les travailleurs autochtones ont besoin de disposer d’un système d’éducation accessible au niveau administratif, géographique et financier, et culturellement sécurisant, tant pour le contenu de formation que pour l’environnement éducatif. Selon une récente enquête terrain réalisée par le RCAAQ, ils souhaitent également avoir accès à des services d’orientation professionnelle et d’employabilité adaptés et sécurisants. Pour combler ce besoin, il apparaît important d’offrir des services spécifiques via des organisations autochtones, mais également de veiller à la sensibilisation et à la formation des intervenants dans les organismes non autochtones. Lorsqu’ils intègrent un milieu professionnel, les employés autochtones désirent — tout comme l’ensemble des travailleurs — jouir d’un environnement de travail culturellement sécurisant, ce qui se traduit par la prise en compte et le respect de l’identité, de la culture et de l’histoire autochtones (incluant notamment les traumatismes intergénérationnels causés par la colonisation et les pensionnats autochtones). Enfin, comme les modes d’apprentissage de nombreuses nations autochtones sont basés sur l’observation et l’expérimentation, l’établissement de programmes de mentorat peut constituer une intéressante source de modèles autochtones, qui peuvent à leur tour contribuer à la formation et la progression en emploi des mentorés.
D’autre part, du point de vue des employeurs, les besoins sont également nombreux. Comme la majorité des employeurs québécois n’a que peu ou pas de contacts avec les nations autochtones présentes sur le territoire provincial, la première étape consiste à connaître et reconnaître le potentiel économique des contacts et de l’engagement avec ces communautés. De plus, ils souhaitent en apprendre davantage sur l’histoire, les valeurs et les cultures autochtones, afin d’être en mesure de bien accueillir et intégrer leurs employés inuits ou membres des Premières Nations. À l’instar de quelques initiatives de développement des compétences mises sur pied dans les domaines minier ou forestier, de nombreux employeurs veulent participer à la formation d’un bassin de travailleurs autochtones qualifiés, en prenant part à des projets de stages rémunérés ou de formations qualifiantes dans divers secteurs d’activité. Enfin, en matière de ressources humaines, les PME québécoises ont besoin d’un accompagnement pour la gestion de la diversité culturelle en entreprise, de même que pour l’établissement et la mise en œuvre de politiques de recrutement, d’intégration (gestion de la diversité) et de rétention en emploi en phase avec la réalité des travailleurs autochtones.
Conclusion
La pleine participation des travailleurs autochtones sur le marché du travail québécois constitue à la fois un défi important à relever et une opportunité extraordinaire de contribuer au développement social et économique de la province. De plus, elle constitue une occasion à saisir pour créer des ponts entre les différentes communautés. À la lueur des écrits recensés dans la littérature, plusieurs questions restent toutefois sans réponse. Par exemple, les besoins des employeurs québécois en matière d’inclusion des travailleurs autochtones demeurent largement méconnus, au-delà de la connaissance et de la reconnaissance des cultures autochtones. Afin de mieux documenter leurs besoins et d’étayer notre compréhension des défis rencontrés par les travailleurs autochtones, le projet NIKA a déployé une seconde phase de recherche pour colliger des données primaires, par le biais d’une cinquantaine d’entrevues avec des acteurs clés (entreprises, associations d’employeurs, comités sectoriels de main-d’œuvre, etc.) et d’une dizaine de groupes de discussion avec des travailleurs autochtones à travers le Québec. La publication de ce rapport de recherche est prévue au printemps 2019.