Comme vous le savez, plusieurs clients sont paralysés par des peurs liées à leur processus d’orientation ou de recherche d’emploi. Des exemples de situations: un stress face à une entrevue d’embauche ou un processus de sélection, la peur de faire un mauvais choix de carrière, la peur de regretter sa décision de quitter son emploi, la crainte d’échouer dans son lancement d’entreprise, la peur de ne pas être aussi performant qu’avant lors d’un retour au travail, etc. Comment aider nos clients à gérer ces peurs de façon efficace, sans nous épuiser, et ce, dans le respect de leurs ressources? Parmi les méthodes d’intervention actuelles, la technique EMT (eye movement technique) s’avère un outil d’intervention particulièrement intéressant.
Qu’est-ce que l’EMT?
Il s’agit d’une technique avant-gardiste dérivée de l’EMDR (eye movement desensitization and reprocessing). Développée par le psychologue étatsunien Fred Friedberg, Ph.D., l’EMT permet de gérer rapidement les émotions négatives au moyen de stimulations bilatérales rapides semblables à celles utilisées en EMDR (ex. : mouvements oculaires rapides, tapotements en alternance gauche/droite sur les genoux). En EMT, les tapotements (tapping) en alternance sur les genoux, par séries de 2-3 min chacune, s’avèrent privilégiés.
Chose particulièrement déconcertante, une séance, rarement plus, suffit pour maîtriser la ou les émotions négatives associées à une situation précise (présente ou à venir) de nature non traumatique. Cette rapidité s’avère utile, notamment quand on dispose de quelques séances seulement pour intervenir. Quels sont les effets de l’EMT? Un exemple clinique vaut mille mots.
Exemple clinique : Nicolas et son stress face au retour au travail
Nicolas, un ambulancier en arrêt de travail depuis un an, appréhendait beaucoup son retour au travail. En fait, il avait peur de ne pas réussir la mise à niveau qui allait sans doute lui être exigée par son employeur. Le praticien EMT lui a proposé l’EMT. Le client était d’accord pour l’essayer.
Le problème cible a été formulé ainsi: « S’il fallait que je ne réussisse pas la mise à niveau lors du retour au travail… » Ce scénario suscitait chez le client de la peur qu’il estimait intense à 8/10 sur une échelle de 0 à 10.
L’intervenant a ensuite effectué une 1re série de tapping bilatéral (sur ses genoux). Au cours de cette série, le client a ressenti de la peine et du stress; il s’est imaginé spontanément en formation, en train de pratiquer sur des mannequins. Physiquement, il a ressenti quelques palpitations. Après cette 1re série, son stress était aussi intense qu’au début (8/10).
Pendant la 2e série de tapping, Nicolas a éprouvé encore du stress: « Ça a brassé dans mon ventre ». L’image de lui au travail est devenue plus floue, plus vague dans son esprit. Aussi, une pensée l’a étonné : « Ça n’arrivera pas (c’est-à-dire un échec lors de la mise à niveau)! » Sa peur a commencé à s’atténuer: 5/10.
Au cours de la 3e série, le client a eu la même sensation dans le ventre, mais moins intense. Une pensée inattendue a monté à sa conscience: « Si je ne réussis pas la mise à niveau, il ne sera jamais trop tard pour faire autre chose (changer d’emploi)!» Une autre pensée a suivi : « Mais ça n’arrivera pas (un échec). » Sa peur a continué de diminuer : 2,5/10.
Pendant la 4e série, de nouvelles idées lui sont venues spontanément à l’esprit : « Peu probable que j’échoue à la mise à niveau. J’ai toujours réussi mes examens. Je n’ai jamais reçu de plaintes. Je n’ai jamais fait de dérogations à des protocoles. » Sa sensation au ventre était faible. La peur s’était presque évaporée : 0,5/10.
Nous avons fait une 5e série. Au cours de celle-ci, une question a surgi : «Mais pourquoi ai-je eu cette idée que je ne serais pas capable? Je ne suis pas négatif d’habitude ni défaitiste face aux défis. » Sa peur était rendue autour de 0,5/10.
Au terme de la séance d’EMT, Nicolas constatait qu’il adoptait un point de vue plus positif par rapport à la mise à niveau et que sa peur s’était dissipée. Il avait la certitude que la mise à niveau se déroulerait bien (= optimisme). Il avait confiance de pouvoir relever le défi du retour au travail. Il est reparti de la séance à la fois calme, rempli de confiance et libéré d’un stress qui l’empoisonnait. (Note : lors des séances subséquentes, l’intervenant a vérifié auprès du client si la peur était revenue; ce dernier a indiqué qu’il ne s’inquiétait plus pour sa mise à niveau à venir.)
En conclusion
L’EMT permet de réduire rapidement l’intensité des émotions négatives, mais aussi de susciter l’émergence de pensées rationnelles et nuancées, et d’instaurer de la confiance (en soi et face à l’avenir). Il arrive même que les clients trouvent par eux-mêmes des solutions au problème abordé.
En terminant, je citerai Fred Friedberg: « La percée que constitue l’EMT vient peut-être du fait qu’elle réduit à néant l’idée reçue selon laquelle il faut consentir beaucoup d’efforts pour maîtriser le stress. » (Friedberg, 2006, p. 37). Grâce aux nouvelles méthodes d’intervention, il est de plus en plus possible d’aider sans s’épuiser!
Bibliographie abrégée
Friedberg, F. (2004). Eye movement desensitization in fibromyalgia: A pilot study. Complementary Therapies in Nursing and Midwifery, 10(4), 245-249.
Friedberg, F. (2006). Comprendre et pratiquer la technique des mouvements oculaires (EMT). Paris, InterEditions.
Migneault, S. (2014). L’EMT (Eye Movement Technique) : un levier en psychothérapie. Dans P. Mongeau (dir.), Fibromyalgie, quand tu nous tiens (p. 231-238). Saint-Sauveur-des-Monts, Éditions du Grand Ruisseau.
Shapiro, F. (2018). Eye Movement Desensitization and Reprocessing. Basic principles, protocols, and procedures, 3e édition, New York, The Guilford Press.
Pour d’autres exemples cliniques : https://stephanemigneault.com/emt/exemples-cliniques/