Les principales idées dans mon premier article, publié le 20 mai 2019, étaient autour de l’approche holistique de l’éducation, celle qui :
- Permet aux intervenants de faire une distinction claire entre l’instruction d’un curriculum et l’éducation d’une personne.
- Permet la formation humaine et intégrale de l’élève où la santé mentale, entre autres, n’est pas juste un moyen.
- Développe chez l’élève la conscience et la vraie connaissance de soi et celle des autres, au-delà des identifications superficielles.
- Intègre l’hémisphère gauche du cerveau, rationnel, logico-mathématique et l’hémisphère droit, capable de vivre des émotions.
- Permet que l’éducation soit un agent de changement de la société plutôt qu’une victime de la société.
Le deuxième article, publié au début septembre 2019, avait permis de développer le premier point en exprimant une distinction claire entre l’éducation et l’instruction.
Ce troisième numéro sera dédié au développement du deuxième point ci-dessus, celui de la formation humaine et intégrale de l’élève. Il servirait donc à donner des outils et des exemples pour trouver l’équilibre entre l’approche limitée et l’approche holistique de l’éducation. Tout comme l’article précédent, cette contribution pourrait nous aider à positionner la scolarité ontarienne, vers quel extrême est-elle penchée et vers quel sens est-elle orientée?
Dans une population estudiantine, les besoins et les attentes des élèves qui se présentent à l’école un lundi matin sont très hétérogènes dépendamment où chacun et chacune se situe sur la pyramide de Maslow. Dans la tête de certains jeunes, l’école serait l’endroit qui comblerait le vide affectif qu’ils vivent dans leur famille. Pour d’autres, c’est l’endroit qui satisferait leur appétit de compétition ou de performance sportive ou scolaire. Pour d’autres, c’est un lieu de socialisation. Pour d’autres, c’est le refuge qu’ils recherchent pour se protéger de conditions familiales dysfonctionnelles. Pour d’autres, ils sont là parce que c’est la loi, etc.
Face à cette réalité, les professionnels de l’éducation ont recours à « l’instruction » du curriculum, qui est l’unique point commun capable de « ramener l’élève à la tâche ». Pour ce faire, l’adulte professionnel utilise des stratégies de nature punitive, même si, conventionnellement, on les appelle « conséquences » pour que l’élève sorte de son monde, et rejoigne celui de la classe et de la performance scolaire. Certains adultes vont plus dans le sens de la pratique d’une pédagogie moins primitive, celle qui ressemble à une danse qui passe des besoins de l’apprenant à celui des attentes du curriculum à satisfaire. D’une façon informelle, ces professionnels, sans s’en rendre compte, jouent des rôles variés dans une approche beaucoup plus « holistique ». Ils ne sont plus juste des « enseignants ». Ils mettent le chapeau d’un « life coach », d’un parent, d’un éducateur, d’un psychologue, d’un ami et parfois d’un policier. Jouer ces différents rôles n’est aucunement recommandé par les législateurs de la profession d’enseignant, mais informellement recommandé lorsqu’on se rend compte que les enseignants qui établissent de saines et d’authentiques relations interpersonnelles avec les élèves ont beaucoup moins de problèmes de gestion de classe, utilisent beaucoup moins les techniques de la pédagogie primitive, basée sur le principe du bâton et de la carotte, et arrivent finalement à atteindre le but ultime, celui de la performance.
Si les attentes individuelles face au système éducatif vont dans tous les sens, il faudrait donc aller en profondeur pour identifier les éléments qui en surface semblent conflictuels. Les besoins fondamentaux suggérés seraient :
- Qui suis-je?
- Qu’est-ce que je fais dans ce monde?
- Comment résoudre mes problèmes?
- Comment ce que j’apprends à l’école me permettrait de répondre aux trois questions précédentes?
- Quelles sont les stratégies techniques et les habiletés qui me permettraient de réussir à l’école?
Voici les cinq questions, par ordre décroissant de spécificité et d’importance, que se pose un élève qui se présente un lundi matin à l’école, peu importe s’il ou elle en est conscient ou non ou s’il ou elle est capable ou non de les formuler.
L’approche holistique de l’éducation respecterait l’ordre d’importance de ces questions alors que l’approche limitée inverserait cet ordre. L’approche limitée de l’éducation commence par la dernière question qui, souvent, est complètement déconnectée des quatre premières.
Une différence majeure avec la pyramide de Maslow est que l’objectif supérieur « qui suis-je? » est en même temps fondamental. C’est pourquoi il est placé à la base. Mais on pourrait imaginer une position de la même question au sommet de la pyramide selon une perspective de supériorité et d’importance.
L’incapacité des jeunes à trouver une réponse à la question « qui suis-je? » serait la principale source d’anxiété. Peu importe si on en est conscient ou non, les jeunes sont laissés à eux-mêmes dans cette quête de réponse. Ils ont très souvent recours à ce qu’on appelle des « étiquettes », telles que « je suis bon en maths », « je suis doué en musique », « je suis timide », peu importe ce qui vient après le « je suis ». Et, effectivement, ces étiquettes auxquelles les jeunes s’identifient en surface réussissent à donner un effet calmant à l’anxiété associée à l’absence de réponse.
Qu’est-ce qu’une identification superficielle versus une identification plus profonde? Une identification est superficielle dans la mesure où l’individu serait déstabilisé si cette identification était défiée. L’identification profonde est un « je suis une liberté » dans laquelle toute étiquette est temporaire et éphémère. Cette vision de « qui suis-je » permet d’éduquer les jeunes à une identité dynamique, ouverte au changement et donc à l’abri de toute forme d’anxiété associée à « ma performance est inadéquate ». Cette éducation à la liberté est, pour le moment, le dernier des soucis de nos institutions éducatives. Évidemment, ceci requiert une dimension spirituelle assez profonde très peu investie, même dans les écoles confessionnelles.
Il est très important de mentionner que cette vision de « l’éducation à la liberté » semble être utopique et inatteignable. Effectivement, toute utopie est inatteignable. Cependant, toute utopie a pour raison d’être de servir comme « étoile-guide » pour un chemin orienté vers une pédagogie, parfois déjà pratiquée dans nos écoles. Nous avons juste besoin de brancher ces pratiques à une vision consciente de l’éducation à la liberté, celle qui est la grande porte d’entrée à l’approche holistique, humaine et contextuelle de l’éducation.