La peur de démissionner : comment la surmonter?
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La peur de démissionner : comment la surmonter?

Temps de lecture : 4 minutes
Mélanie, une professionnelle de 30 ans, m’a un jour confié qu’elle souhaitait démissionner de son poste. Pourquoi? Elle ne se sentait pas reconnue ni appréciée par ses supérieurs. Elle avait l’impression d’être un numéro dans une grande entreprise. Elle avait la conviction qu’elle pourrait s’épanouir davantage dans une petite entreprise. Mélanie voulait donc quitter son emploi. Mais…

Elle hésitait à passer à l’action, paralysée par plusieurs craintes :

  1. la peur que ses supérieurs la jugent dans son dos si jamais elle décidait de démissionner;
  2. la crainte de ne pas être plus heureuse dans un futur emploi et de ne pouvoir reprendre son poste actuel;
  3. la crainte de « végéter » pendant plusieurs mois après la démission;
  4. la peur de se retrouver devant l’inconnu.

Bref, Mélanie avait peur de démissionner. Comment résoudre cette peur?

J’ai proposé à ma cliente une méthode avant-gardiste: l’EMT (eye movement technique).

Qu’est-ce que l’EMT?

Il s’agit d’une technique avant-gardiste dérivée de l’EMDR (eye movement desensitization and reprocessing). Développée par le psychologue étatsunien Fred Friedberg, Ph.D., l’EMT permet de gérer rapidement les émotions négatives au moyen de stimulations bilatérales rapides semblables à celles utilisées en EMDR (ex.: mouvements oculaires rapides, tapotements en alternance gauche/droite sur les genoux). En EMT, on privilégie les tapotements (tapping) en alternance sur les genoux, par séries de 2-3 min chacune. Pendant une série de tapping, le client se concentre sur son problème cible.

Étonnamment, une séance, rarement plus, suffit pour maîtriser la ou les émotions négatives associées à une situation précise ou à un scénario négatif anticipé. Revenons à la situation de Mélanie.

Déconstruire un scénario négatif avec l’EMT

Mélanie avait donc quatre peurs principales associées à l’idée de démissionner. Nous ne pouvions les travailler simultanément à l’intérieur d’une même séance. Voici le compte rendu d’une de nos séances d’EMT.

Lors de cette séance, nous nous sommes attaqués au scénario suivant : « S’il fallait que je ne sois pas plus heureuse dans mon futur emploi. » Ce scénario suscitait chez Mélanie une peine assez intense qu’elle évaluait à 8/10. L’EMT allait-elle l’aider à cheminer dans la résolution de son indécision? Voici le compte rendu détaillé de la séance.

Alors que Mélanie se concentrait sur son scénario, j’ai effectué une 1re série de tapping bilatéral. Pendant cette série, elle a spontanément repensé à l’édifice de l’entreprise pour laquelle elle travaillait. Aussi, des questions lui sont venues en tête : « Que pourrais-je regretter en quittant cette entreprise? Quel est le pire qui puisse arriver? ». Aucune réponse ne lui est venue à l’esprit. Au terme de cette séquence, la peine est passée de 8 /10 à 5/10 en intensité.

Au cours de la 2e série de tapping, Mélanie a ressenti l’envie de pleurer. Elle s’est sentie déçue d’elle-même. Une pensée négative d’autodénigrement a surgi: « T’as tout raté ». Un sentiment de panique l’a envahie. Elle ne ressentait plus de peine. La panique avait toutefois pris la place (panique intense à 8/10).

Au cours de la 3e série, alors que ma cliente se concentrait sur son scénario négatif initial, le sentiment de panique s’est atténué. Elle s’est dit: « Ça me fait chi… ». Elle ressentait de la déception. Elle se rappelait de bons souvenirs associés à son poste actuel. Au terme de la série, elle éprouvait de la peine (7/10) et un sentiment de panique (7/10). Elle ressentait une boule dans sa poitrine. Poursuivons.

Au cours de la 4e série, elle a ressenti à nouveau la peine et la panique. Elle a adopté un nouveau point de vue: « Je ne pourrai pas être moins heureuse que dans mon poste actuel. » Elle s’est dit ensuite : « Ce n’est pas plus grave que ça de changer d’emploi! » La peine a recommencé à s’atténuer (5/10); il en était de même pour la panique (3/10).

Pendant la 5e série, Mélanie a senti la peine s’estomper davantage. Une sensation de détente a commencé à s’installer. Un léger point à la poitrine était présent à la pensée de regretter sa décision. À la fin de la série, la peine s’est complètement dissipée. La panique, quant à elle, a remonté légèrement en intensité (5/10).

Au cours de la 6e série, la cliente a ressenti une détente. Le léger point à la poitrine s’est atténué. Le souvenir visuel de l’édifice où elle travaillait lui semblait alors flou. La peine était absente. Le sentiment de panique s’est estompé à nouveau : 2/10. Super!

Lors de la 7e série, aucune pensée ni image n’a surgi. Le sentiment de panique s’est complètement dissipé! Et la peine, quant à elle, n’est pas réapparue. Seul un point à la poitrine persistait : 5/10 en intensité. J’ai invité la cliente à porter son attention sur cette sensation. J’ai alors effectué deux séries de tapping. Le point à la poitrine a descendu à 2-3/10, puis à 1/10 en intensité. Mission accomplie.

L’étape du bilan de la séance

Au terme de la séance d’EMT, Mélanie constatait plusieurs changements: « Je me sens sereine, libérée, dans le moment présent. Je me dis que je gérerai ça en temps et lieu, si ça arrive (c.-à-d. de ne pas être plus heureuse dans son futur emploi). Il est inutile de penser à ce qui peut arriver. Si jamais je regrette mon changement d’emploi, ce ne sera pas plus grave que cela. Chose certaine, je ne pourrai pas être plus malheureuse dans un futur emploi! »

Pour ma part, je résumerais son cheminement en quelques mots. Libération. Dédramatisation. Moment présent.

La cliente a-t-elle démissionné?

Lors d’autres séances, nous nous sommes attaqués à ses autres peurs (voir liste dans l’intro). Grâce à ce travail, Mélanie s’est dégagée de ses craintes paralysantes. Elle a pu passer à l’action, à savoir remettre sa démission. « Bye bye boss! », s’est-elle dit en elle-même.

Mélanie travaille maintenant dans une entreprise où elle est plus heureuse. Je suis content pour elle et surtout content d’avoir contribué, grâce à l’EMT, à une prise de décision salutaire.

 

Bibliographie abrégée

Friedberg, F. (2004). Eye movement desensitization in fibromyalgia: A pilot study. Complementary Therapies in Nursing and Midwifery, 10(4), 245-249.

Friedberg, F. (2006). Comprendre et pratiquer la technique des mouvements oculaires (EMT). Paris, InterEditions.

Migneault, S. (2014). L’EMT (Eye Movement Technique) : un levier en psychothérapie. Dans P. Mongeau (dir.), Fibromyalgie, quand tu nous tiens (p. 231-238). Saint-Sauveur-des-Monts, Éditions du Grand Ruisseau.

Shapiro, F. (2018). Eye Movement Desensitization and Reprocessing. Basic principles, protocols, and procedures, 3e édition, New York, The Guilford Press.

Stéphane Migneault est psychologue, formateur et conférencier. Il pratique la psychothérapie brève à Québec. Fort de ses 15 années d’expérience avec l’EMT, il enseigne depuis 2010 cette technique avant-gardiste à des professionnels de la santé: psychologues, conseillers d’orientation, travailleurs sociaux, psychoéducateurs, sexologues, infirmières psychiatriques et médecins. Il a formé à ce jour plus de 1300 professionnels du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario, tant en français qu’en anglais. Avec une nutritionniste, il coanime la formation De l’assiette au cerveau: l’influence de l’alimentations sur le cerveau et la santé mentale.
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Stéphane Migneault est psychologue, formateur et conférencier. Il pratique la psychothérapie brève à Québec. Fort de ses 15 années d’expérience avec l’EMT, il enseigne depuis 2010 cette technique avant-gardiste à des professionnels de la santé: psychologues, conseillers d’orientation, travailleurs sociaux, psychoéducateurs, sexologues, infirmières psychiatriques et médecins. Il a formé à ce jour plus de 1300 professionnels du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l’Ontario, tant en français qu’en anglais. Avec une nutritionniste, il coanime la formation De l’assiette au cerveau: l’influence de l’alimentations sur le cerveau et la santé mentale.