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Les stages en entreprise comme vecteur d’intégration en emploi pour les jeunes Québécois

Dans un contexte marqué par la rareté de main-d’œuvre, les entreprises et les autorités politiques québécoises cherchent à mobiliser et intégrer en emploi le plus grand nombre d’individus, notamment issus des bassins de travailleurs sous-représentés sur le marché du travail (comme les jeunes, les nouveaux arrivants, les adultes judiciarisés et les Autochtones). C’est dans cet esprit qu’AXTRA, l’Alliance des centres-conseils en emploi, s’est penchée sur les défis, les enjeux et les retombées potentielles des stages pour les jeunes qui éprouvent des difficultés à intégrer un emploi. Réalisé pour le compte du Comité consultatif Jeunes, le rapport de recherche Les jeunes et les stages – Volet employabilité est basé sur un sondage effectué auprès de 130 jeunes, 74 employeurs et 105 intervenants d’organismes, de même que sur des groupes de discussion réalisés avec 33 jeunes et 31 intervenants, et 10 entrevues individuelles avec des employeurs.

Des retombées importantes pour toutes les parties prenantes

Dans un premier temps, la recherche a permis d’identifier les retombées concrètes que peuvent avoir les stages dans le parcours professionnel des jeunes, mais également pour les employeurs. Pour les jeunes qui éprouvent des difficultés d’intégration en emploi et qui ont souvent vécu plusieurs échecs au cours de leur vie, le stage permet non seulement d’acquérir une expérience de travail : il leur donne l’occasion d’aller au bout de quelque chose et donc de reprendre confiance en eux. Il leur permet également de prendre conscience de leurs forces et de leurs faiblesses, dans un environnement généralement plus bienveillant et avec l’encadrement d’une ressource spécialisée en employabilité.

Par ailleurs, en ce qui concerne les employeurs, ils entrevoient l’accueil d’un stagiaire comme une façon de contribuer à l’intégration en emploi des jeunes et à la formation de la relève. De plus, dans bien des cas, ces stages leur permettent d’apprivoiser les nouvelles générations et de déboulonner certains mythes tenaces, comme le souligne cet intervenant d’un organisme en employabilité :

Il y a beaucoup d’employeurs qui se disent que la nouvelle génération, ce sont des enfants rois, des jeunes qui ne sont pas concentrés, qui sont tout le temps sur leurs cellulaires, qui ont de l’attitude… De leur permettre de les voir pendant le stage, ça permet de montrer qu’un jeune bien préparé et motivé ne sera pas toujours sur son cellulaire. Il faut juste leur expliquer comment ça se passe en milieu du travail.

Dans le cas des stages visant l’intégration durable dans l’entreprise d’accueil, les employeurs se disent également contents de pouvoir combler un besoin de main-d’œuvre. Ils apprécient d’ailleurs l’accompagnement offert par l’organisme, qui leur permet d’adapter leurs pratiques de gestion des ressources humaines en fonction de la diversité en milieu de travail (notamment en termes de rétroaction et reconnaissance ou de prise en compte de certains états personnels (ex. : TDAH, troubles anxieux, situation de handicap, scolarité non achevée, etc.)).

La rareté de main-d’œuvre, un couteau à double tranchant

Les entrevues avec les employeurs et les échanges avec les professionnels du secteur de l’employabilité ont mis en lumière l’impact de la rareté actuelle de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs d’activité et régions sur l’offre de stage pour les jeunes. D’une part, les employeurs en quête de travailleurs se disent plus ouverts aux individus présentant des barrières à l’emploi, ce qui facilite le placement de stagiaires dans les entreprises. Cependant, ce déficit d’employés augmente la charge et le rythme de travail, ce qui laisse moins de temps pour l’accueil et l’intégration adéquate du stagiaire, tel que souligné par l’un des jeunes rencontrés :

L’intégration a duré juste une journée, mais ils étaient vraiment en manque de personnel à ce moment-là, donc ils cherchaient du monde pour répartir dans les écoles. C’était le début de la session de septembre, donc ça s’est fait assez vite. Mais ça aurait pu durer deux ou trois séances de plus : être avec quelqu’un plutôt que d’être tout seul, lancé dans une classe d’enfants.

Cette supervision ou formation tronquée, conjuguée à la pression d’être productif rapidement, peut affecter la motivation et la confiance en soi du jeune, lui donner une image négative de l’entreprise et même conduire à l’essoufflement ou au départ prématuré du stagiaire. En effet, un jeune qui présente un degré plus élevé d’éloignement du marché du travail aura généralement besoin d’un peu plus de temps et d’encadrement pour réussir son intégration dans un nouveau milieu de travail. Cependant, s’il obtient le soutien requis de la part du superviseur en entreprise et de l’intervenant en employabilité, il deviendra très certainement un bon atout pour l’organisation!

Quelques pistes de recommandation

Plusieurs pistes de recommandation ont été soulevées par les répondants au cours de la recherche. D’une part, devant « l’impératif de production » mentionné par de nombreuses entreprises, l’octroi d’un soutien financier sous forme de subvention salariale permet généralement à l’employeur de consacrer plus de temps à l’intégration du stagiaire. De la même façon, offrir un salaire ou une compensation financière au jeune pendant son stage lui permet de se concentrer entièrement sur ses tâches, en allégeant ses préoccupations financières (épicerie, loyer, factures, etc.).

D’autre part, et malgré toutes les retombées positives énoncées précédemment, les répondants rencontrés ont mis en lumière la nécessité de valoriser davantage les stages aux yeux des jeunes, qui les considèrent parfois comme « juste un stage » et non comme une expérience de travail qui pourrait leur ouvrir bien des portes dans un milieu professionnel. Étant donné que la mobilisation et le recrutement des entreprises d’accueil demeurent toujours un défi, cette campagne de sensibilisation devrait également cibler les employeurs, afin qu’ils se montrent plus ouverts à l’accueil de stagiaires dans leur organisation.

Gabrielle St-Cyr est chargée de projet principale en recherche et analyse chez AXTRA, l’Alliance des centres-conseils en emploi. À ce titre, elle a piloté différentes études depuis neuf ans pour favoriser l’intégration en emploi de clientèles diversifiées, comme les jeunes, les nouveaux arrivants et les Autochtones.
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Gabrielle St-Cyr est chargée de projet principale en recherche et analyse chez AXTRA, l’Alliance des centres-conseils en emploi. À ce titre, elle a piloté différentes études depuis neuf ans pour favoriser l’intégration en emploi de clientèles diversifiées, comme les jeunes, les nouveaux arrivants et les Autochtones.
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