Identifier et comprendre les mécanismes de défense pour les professionnels de l’orientation
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Identifier et comprendre les mécanismes de défense pour les professionnels de l’orientation

Temps de lecture : 4 minutes

Comme professionnels de l’orientation, notre objectif premier est de faire cheminer notre client vers une meilleure compréhension de lui-même et de sa place dans le monde. Ce processus implique nécessairement de le sortir de sa zone de confort, et donc il suffit d’une intervention un peu prématurée ou brusque pour qu’il se retrouve sur la défensive, en réaction à des sentiments négatifs ou bouleversants.  

Or, un client sur la défensive n’est pas aussi réceptif qu’on le souhaite au processus d’orientation; il peut même s’en désintéresser complètement. Voilà pourquoi un professionnel qui sait identifier et comprendre les mécanismes de défense a une longueur d’avance quand vient le temps d’adapter ses interventions et de favoriser l’engagement de son client. 

Les différents mécanismes de défense peuvent se regrouper en deux grandes catégories selon qu’ils sont de l’ordre du conscient ou non. Voici une description des deux types de mécanismes ainsi que quelques exemples. 

Les inhibitions mentales et la formation de compromis 

Font partie de cette catégorie les mécanismes qui permettent de maintenir hors de la conscience des sentiments, des idées, des souvenirs, des désirs ou des craintes, comme le déplacement, la dissociation, l’intellectualisation, l’isolation de l’affect, la formation réactionnelle, le refoulement et l’annulation. Lorsqu’un client manifeste ce type de mécanisme de défense, il peut être utile de l’aider à en prendre conscience, puisqu’il s’agit d’un obstacle à son cheminement. 

Le refoulement chasse de la conscience les désirs, les pensées ou les expériences perturbantes. Lorsqu’il y a défaillance ou insuffisance de ce mécanisme, certains éléments peuvent être observés tels que des actes manqués, des lapsus, des sentiments momentanés. Il est possible que les éléments refoulés surgissent en rêve ou encore que ces éléments soient déplacés ou projetés.  

Sophie exprime qu’elle souhaite étudier en droit comme le veut la tradition familiale, mais elle dit plutôt « étudier en art », avant de se reprendre. Si son conseiller d’orientation remarque ce lapsus, il pourra vérifier si elle a refoulé son intérêt pour un domaine sous prétexte qu’il serait mal reçu dans son entourage. 

Le déplacement transfère un sentiment ou une réaction d’un objet à un autre objet dans le but de le remplacer par quelque chose de moins menaçant. Le déplacement est à l’origine des phobies et peut concerner une autre personne, un objet ou une situation.  

Étienne émet le désir de changer de profession. Toutefois, en le questionnant davantage, sa conseillère remarque que ce besoin exprimé par Étienne est en fait le résultat du déplacement de mécontentements vécus dans son milieu de travail actuel, et non un désintéressement de la profession dans son ensemble. 

L’intellectualisation permet de réduire les conflits et le stress en utilisant des pensées abstraites ou des généralisations pour contrôler ou minimiser des sentiments perturbateurs. Ce mécanisme permet à la personne de limiter son implication personnelle dans une situation conflictuelle. Il existe deux types d’intellectualisation, soit la généralisation, qui banalise un évènement en se référant à l’expérience collective, et l’abstraction, qui privilégie le monde des idées et du raisonnement logique pour s’évader d’une réalité pénible. 

Quand sa conseillère questionne Amina au sujet des difficultés rencontrées dans sa recherche d’emploi, celle-ci élabore peu et répète « On passe tous par là! » et « C’est la vie! ». Si la conseillère juge qu’Amina généralise son expérience au point de freiner son cheminement, elle pourrait lui signaler sa tendance à l’intellectualisation et l’inviter à réfléchir davantage à son expérience d’un point de vue individuel. 
 

Les stratégies d’adaptation 

Cette catégorie regroupe les mécanismes les plus fonctionnels qui représentent une adaptation optimale aux facteurs de stress. Ils peuvent permettre de percevoir consciemment les sentiments, les idées et leurs conséquences. Les stratégies d’adaptation ont la particularité d’être aisément confondues avec des caractéristiques de la personnalité de la personne, ce qui peut faire en sorte que le déséquilibre sous-jacent passe inaperçu. Les stratégies d’adaptation comprennent l’anticipation, l’affiliation, l’affirmation de soi, l’altruisme, l’auto-observation, l’humour, la sublimation et la répression.  

L’humour met l’accent sur les aspects amusants ou ironiques des conflits ou des situations pouvant apporter du stress. Freud considérait l’humour comme le mécanisme de défense le plus hautement adapté face au stress. L’humour permet en quelque sorte la dispersion du stress par l’union d’un élément positif modifiant en partie ou totalement le déplaisir en plaisir. 

Louis est extraverti et clown de nature, mais après quelques rencontres, son conseiller remarque qu’il fait particulièrement appel au sarcasme et à l’autodérision lorsqu’il est question de certains sujets, évitant ainsi d’offrir une réponse sincère aux questions. Le conseiller peut alors déterminer quels sujets sont délicats pour Louis et adapter son approche en connaissance de cause. 

La sublimation dirige les sentiments et les impulsions inadaptées (ou qu’on croit inadaptées) vers des comportements plus socialement acceptables. Freud qualifiait de sublimation le processus par lequel les pulsions sexuelles sont redirigées vers des comportements sociaux tels que des activités artistiques ou intellectuelles, mais ce même mécanisme peut s’appliquer dans plusieurs contextes distincts. 

La conseillère d’Olivier remarque qu’il est réticent à l’idée de développer certains loisirs en complément de son travail, malgré la satisfaction qu’ils pourraient lui apporter. Elle décide de pousser plus loin pour vérifier si cette réticence émane d’une sublimation. Autrement dit: est-ce qu’Olivier considère que certains de ses intérêts ou sentiments ne sont pas acceptables et pourquoi? 
 

L’anticipation, comme son nom l’indique, anticipe de manière réaliste les conséquences, les réponses et les solutions possibles d’un événement futur. Cela permet de réduire les conflits émotionnels et les réactions liées aux facteurs de stress interne et externe en éprouvant des réactions émotionnelles en avance. Il faut distinguer l’anticipation de l’anticipation anxieuse : alors que l’une permet une préparation réaliste aux événements à venir, l’autre donne lieu à une représentation faussée et exagérée des difficultés possibles. 

Amélie et Vincent ont tous deux de longues études à réaliser. Amélie rêve au moment où elle pourra travailler dans son domaine, ce qui la motive à continuer. Au contraire, Vincent anticipe négativement le moment où, une fois diplômé, il sera en recherche d’emploi et en début de carrière, ce qui le rend anxieux et le détourne de ses études. Alors que leur conseillère n’a pas à s’inquiéter des effets de l’anticipation chez Amélie, elle devrait trouver avec Vincent des moyens de modifier sa perspective des événements qu’il anticipe. 

Rappelons en terminant que les mécanismes de défense sont des adaptations normales au stress : ils ne deviennent problématiques que lorsqu’une personne en fait un usage trop fréquent, intense ou mésadapté à la situation. Toutefois, même lorsqu’un mécanisme de défense n’est pas en soi un problème à résoudre, il a le potentiel d’offrir aux conseillers perspicaces de l’information précieuse sur leur client et le cheminement en cours. 

 

https://www.cairn.info/revue-recherche-en-soins-infirmiers-2005-3-page-31.htm 

Charbrol et callahan, 2004 Mécanismes de défense et coping 

Cramer, Phebe (2000) Defense mechanisms in Psychology Today: Further Processes for adaptation. American Psychologist. Vol. 55, No. 6, p. 637-646. 

Henri Chabrol (2005) Les mécanismes de défense, Recherche en soins infirmiers 

Passionné d’innovation et de création, Steve St-Pierre est étudiant à la maîtrise en orientation à l’Université de Sherbrooke. Il a complété des études en administration, ressources humaines et psychologie à l’Université Bishop. De plus, il est intervenant pour le Centre jeunesse de la Montérégie depuis 2006, après avoir complété des études en éducation spécialisée au Collège régional Champlain. Tenter de joindre la théorie à la pratique, et l’utile à l’agréable, est ce à quoi il aspire.
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Passionné d’innovation et de création, Steve St-Pierre est étudiant à la maîtrise en orientation à l’Université de Sherbrooke. Il a complété des études en administration, ressources humaines et psychologie à l’Université Bishop. De plus, il est intervenant pour le Centre jeunesse de la Montérégie depuis 2006, après avoir complété des études en éducation spécialisée au Collège régional Champlain. Tenter de joindre la théorie à la pratique, et l’utile à l’agréable, est ce à quoi il aspire.