La cote de rendement au collégial (CRC) et le sentiment d’efficacité personnelle
ÉducationRessources et formations

La cote de rendement au collégial (CRC) et le sentiment d’efficacité personnelle

Temps de lecture : 3 minutes

L’incompréhension et la complexité de la cote R (vidéo explicatif de la cote R) exacerbe sûrement l’angoisse chez les étudiants du collégial même si ces derniers en font de mauvaises interprétations.  Conscients de ces interprétations, certains établissements collégiaux tentent de recruter en évoquant la force de groupe, les programmes d’élite, la dispersion ou le nombre d’étudiants admis à l’université.  Devant ces cotes de rendement au collégial, les étudiants peuvent se comparer et quantifier leurs chances d’admission vers des programmes universitaires convoités.  Les premiers réflexes seraient de penser que l’étudiant se met trop de pression, qu’il serait anxieux de nature, qu’il n’a pas appris à vivre avec l’échec ou qu’il subit des pressions extrinsèques. Dans ce type de situation, le questionnement du professionnel porte sur les facteurs qui alimentent l’angoisse, sur les stratégies choisies par l’étudiant et sur les approches efficaces pour l’aider à apprivoiser ou concevoir la pression autrement.  Ce qui suit détaille la perception et le vécu de l’étudiant en fonction de sa cote R ainsi que quelques pistes d’intervention.

L’ambition professionnelle, surtout lorsqu’elle n’a pas été questionnée (risques, efforts nécessaires, limites, alternatives, etc.), renforce l’inconcevabilité d’échouer. En d’autres mots, en s’imaginant que tout est possible, rien n’excuse un refus ou même une remise en question quant à leurs aspirations professionnelles.  Ces étudiants vivant cette assurance perçoivent souvent l’indécision comme un manque de confiance, un manque de volonté ou même un fardeau pour la société en ayant peu d’utilité.  Cette conception expliquerait l’une des raisons pourquoi certains étudiants n’osent pas demander de l’aide ou aller consulter un professionnel en orientation.  

L’indécision serait-elle tabou
Après avoir reçu leurs premiers résultats scolaires non escomptés au collégial, la panique s’empare des étudiants.  Le risque d’essuyer un refus devient probable et leur besoin de réalisation se transforme un besoin de survie.  En se définissant seulement leur 1er choix et n’ayant pas intégré une identité basée sur d’autres dimensions personnelles et des alternatives professionnelles, l’étudiant perçoit une menace importante à sa réussite (sentiment d’efficacité personnelle) et au développement de son autonomie financière.  Bref, un refus serait perçu comme si l’étudiant perdait sa valeur, son utilité et qu’il devenait ce qu’il critiquait : être indécis.   

À cette étape, l’accompagnement s’avère crucial pour favoriser la souplesse cognitive chez l’étudiant pour minimiser les impacts négatifs liés à l’acharnement ou au décrochage. 

L’une des approches consiste à élaborer un plan d’action en y incluant les risques que l’étudiant est encore prêt à prendre, des indices de réussite et une chronologie d’alternatives.  Idéalement, il s’agit d’aider l’étudiant à gagner une autonomie décisionnelle en développant son réflexe à se poser des questions issues de ses ambitions, des risques et des efforts à investir.

La préoccupation d’obtenir une cote R élevée influe aussi sur les méthodes de travail que les étudiants préconiseront durant leurs études collégiales.  Ils mentionnent souvent qu’il existe des différences importantes entre avoir de bons résultats scolaires et bien intégrer les savoirs présentés dans leurs cours.  Les étudiants se demandent souvent si la matière présentée sera à l’examen même si le contenu est pertinent et motivant.  Aussi, l’apprentissage protocolaire est mis de l’avant plutôt que l’intégration des notions.  Ces stratégies protocolaires comme apprendre par cœur, suivre la procédure sans questionner, écrire ce que l’enseignant voudrait entendre garantiraient de meilleurs résultats scolaires selon eux.   Les cours de philosophie impliquent un niveau de difficulté plus élevé pour appliquer un protocole de réussite puisque la matière sollicite davantage le sens critique, le jugement, la capacité à nuancer, le sens de l’argumentation et le transfert des concepts étudiés dans la société actuelle. 

En d’autres mots, pour avoir une meilleure cote R, l’étudiant est prêt à hypothéquer l’intégration des compétences pour un apprentissage procédural.

Ce phénomène n’est pas uniquement rattaché à la cote R, il se produit dans d’autres instances.  Par exemple, pour obtenir des promotions ou une meilleure rémunération, plusieurs travailleurs sauront quoi faire et quoi dire à leurs supérieurs pour gagner en favoritisme.  Ils n’oseront pas apporter un point de vue constructif au risque d’avoir à argumenter.  L’étudiant reconnaît rapidement qu’il se questionne : « Qu’est-ce qu’il faut que j’écrive pour avoir de bonnes notes? »  Comme si la cote R était la cote « robot ».  Serait-ce aux professionnels en orientation de sensibiliser les enseignants ou les conseillers pédagogiques quant aux méthodes d’enseignement ou d’évaluation? 

Le calcul de la cote reste tout de même l’une des meilleures façons d’évaluer la performance d’un étudiant en tenant compte de plusieurs variables relatives.  Elle ne mesure pas la sincérité vocationnelle, la personnalité ou les valeurs professionnelles, mais reste tout de même impartiale.  Pourrions-nous diversifier davantage les méthodes de sélection (entrevues, mises en situation, transfert des compétences, etc.)?  Que ce soit les évaluations, les résultats scolaires ou toutes formes de sélection, les gens soumis à des épreuves vivront une certaine pression, mais elle sera vécue différemment d’où l’importance du jugement professionnel pour adapter les interventions.  D’ici là, voici quelques outils supplémentaires pour vos étudiants qui : 

– n’obtiennent pas la cote R pour accéder à leur premier choix 

— ont des ambitions professionnelles différentes de celles des parents 

– visent un programme universitaire très contingenté 

Jean-François Jarry est conseiller d’orientation et conseiller à l’approche orientante au collégial. Il aborde ses étudiants avec une perspective psycho-développementale à partir de laquelle il a adapté une multitude d’outils et de réflexions qu’il n’hésite pas à partager. Il aime échanger sur plusieurs sujets dont les mécanismes liés à la prise de décision, l’acharnement vocationnel, l’orientation en contexte interculturel, la pédagogie orientante, la maturité vocationnelle ainsi que les parallèles avec le jeu vidéo et le développement des compétences. Il encourage les professionnels de l’orientation à continuer à varier leur pratique pour la partager à leur tour.
×
Jean-François Jarry est conseiller d’orientation et conseiller à l’approche orientante au collégial. Il aborde ses étudiants avec une perspective psycho-développementale à partir de laquelle il a adapté une multitude d’outils et de réflexions qu’il n’hésite pas à partager. Il aime échanger sur plusieurs sujets dont les mécanismes liés à la prise de décision, l’acharnement vocationnel, l’orientation en contexte interculturel, la pédagogie orientante, la maturité vocationnelle ainsi que les parallèles avec le jeu vidéo et le développement des compétences. Il encourage les professionnels de l’orientation à continuer à varier leur pratique pour la partager à leur tour.
Latest Posts
  • Calibration des concepts décisionnels, une étape fondamentale dans un processus d’orientation
  • Un plan de réflexion : de l’incertitude résiduelle aux valeurs organisationnelles
  • Défauts ou compétences?
  • L’orientation en contexte interculturel