Les stratégies visuelles en intervention auprès de clients autistes
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Les stratégies visuelles en intervention auprès de clients autistes

Une image vaut mille mots. Et c’est encore plus vrai pour une personne moins à l’aise avec le langage oral ou écrit. Qu’on ait un trouble du spectre de l’autisme, une limitation auditive, un trouble du langage, qu’on parle une autre langue ou qu’on soit tout simplement plus visuel, assimiler beaucoup d’information verbale est souvent un défi de taille.

Les professionnels de l’orientation y sont souvent confrontés. La parole et l’écriture sont des incontournables dans le cadre de leur travail. Pourtant, tous les clients n’en sont pas forcément les plus habitués. Le défi est encore plus grand en téléconsultation, lorsqu’on a moins accès aux indices non verbaux et que le professionnel a des outils plus limités par la distance.

Les conseillers d’orientation, les conseillers en information scolaire et les conseillers en emploi peuvent faciliter leurs interventions en consultation individuelle ou de groupe auprès de ces personnes par le recours à des images, des dessins, des pictogrammes et des graphiques. L’utilisation d’un outil visuel ou de stratégies visuelles offre plusieurs avantages, comme de faciliter la compréhension de concepts abstraits (connaissance de soi, prise de décision), d’aider le client à structurer sa pensée, d’ouvrir sur des sujets qui émergent à la vue des images présentées, d’éviter des malentendus sur le sens des mots et de dédramatiser la projection dans l’avenir (futur emploi, futurs projets d’études).

C’est d’autant plus vrai pour les personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme. Même lorsque la personne autiste s’exprime assez aisément, plusieurs écueils peuvent nuire à son processus d’orientation ou de recherche d’emploi :

  • Difficulté à interpréter des indices non verbaux (ton de voix, expression du visage, etc.);
  • Difficulté à traiter l’information verbale;
  • Difficulté à exprimer leurs pensées en mots;
  • Préférence pour les descriptions courtes, objectives et écrites;
  • Difficulté à se projeter dans l’avenir.
Alors que les professionnels établissent une relation de confiance avec les clients non autistes grâce à leur écoute chaleureuse et à leur ouverture bienveillante, ces qualités n’ont pas forcément le même effet auprès des clients autistes.
Ces derniers sont plus souvent rassurés lorsqu’ils reçoivent du contenu concret et informatif. Les images et autres éléments d’information visuelle sont des exemples de contenu concret très importants pour les personnes autistes. Au fur et à mesure qu’elles s’habituent à la relation qui s’établit avec le professionnel, elles se font davantage confiance pour s’exprimer verbalement, et le recours à la parole peut-être plus fréquent. Cependant, si le professionnel ne met pas rapidement l’information attendue sur la table, cela peut prendre beaucoup de temps avant que le client ait une idée concrète du service qu’on lui rend.

Prenons en exemple Thomas, un étudiant autiste dans un programme préuniversitaire en sciences humaines. Thomas était en dernière année de son programme et m’avait consultée pour avoir de l’aide à faire un choix de programme universitaire. Nous nous étions rencontrés environ dix fois. Plusieurs baccalauréats avaient été considérés et nous avions discuté des avantages et inconvénients des professions qui en découlent. Deux semaines après notre dernière rencontre, j’ai reçu un message d’une éducatrice spécialisée qui offrait un accompagnement à cet étudiant. Elle me demandait si son client pouvait avoir droit à des services d’orientation, car, lorsqu’elle lui a demandé s’il savait quel métier il voulait faire plus tard, il avait répondu qu’il ne le savait pas. Lorsqu’elle lui a demandé s’il avait droit à des services d’orientation à son collège, il a répondu une fois de plus qu’il ne le savait pas. Quelle fut ma surprise devant cette affirmation! J’ai alors compris que Thomas savait dans quel programme universitaire faire une demande d’admission prochainement, mais il ne savait pas que ce que nous avions fait ensemble s’appelait une « démarche d’orientation ». J’ai invité Thomas à une téléconsultation avec moi, et je lui ai présenté des images qui représentent une démarche d’orientation, tirées de la trousse Ma carrière en images. Cette trousse contient des affiches, en format plastifié et en version numérique, qui illustrent la connaissance de soi, la transition à un nouveau cycle d’études et la recherche d’emploi. En voyant ces images, Thomas a alors compris ce qu’était une démarche d’orientation. Il avait désormais une représentation visuelle de ce que cela signifiait.

Par ailleurs, en contexte de pandémie, l’intervention à distance, ou « télépratique », s’impose aux professionnels de la relation d’aide. Toutefois, plusieurs outils traditionnels ne sont pas adaptés à ce nouveau mode d’intervention, comme certains tests psychométriques ou des annuaires de programmes d’études.

Les stratégies visuelles peuvent faciliter les interventions en télépratique. Ces stratégies aident à structurer l’information, encadrent les étapes de la démarche et facilitent l’assimilation de l’information échangée.

Toutes sortes de moyens visuels peuvent être utilisés grâce aux logiciels de téléconsultation afin d’accompagner la parole du professionnel. Les images, échangées en partage d’écran, permettent de garder une trace des échanges verbaux entre le professionnel et son client. On peut partager l’écran avec des sites Web, des graphiques, et même en utilisant un tableau blanc que l’on peut annoter. Les affiches numériques de la trousse Ma carrière en images en sont également un exemple. Et quand il est question de clients en situation de handicap, et plus spécifiquement de clients autistes, l’essentiel est de rendre concrète l’information échangée durant une téléconsultation ainsi que l’expérience qui est vécue entre le professionnel de l’orientation et son client.

En somme, les stratégies visuelles facilitent les interventions auprès de personnes ayant des limites sur les plans de la lecture, de l’écriture ou de la parole. Mais il est important de retenir que cela vaut tout autant pour tout type de client. On gagne toujours à communiquer efficacement. Avec le recours de plus en plus fréquent à la téléconsultation et aux technologies de l’information en contexte d’intervention, c’est par l’image qu’on pourra encore mieux se parler.

Références :

Robert, Émilie. (2015). Les personnes autistes et le choix professionnel : les défis de l’intervention en orientation, Septembre éditeur.

Robert, Émilie. (2020). Ma carrière en images, Septembre éditeur.

 


Article publié pour la première fois le 8 février 2021.

Émilie Robert est conseillère d’orientation au collégial depuis plusieurs années. Elle œuvre spécifiquement auprès d’étudiants en situation de handicap au Collège Montmorency. Elle est l’auteure du livre « Les personnes autistes et le choix professionnel : Les défis de l’intervention en orientation » paru chez Septembre en 2015. Elle donne également des conférences sur l’intervention en orientation auprès de personnes autistes.
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Émilie Robert est conseillère d’orientation au collégial depuis plusieurs années. Elle œuvre spécifiquement auprès d’étudiants en situation de handicap au Collège Montmorency. Elle est l’auteure du livre « Les personnes autistes et le choix professionnel : Les défis de l’intervention en orientation » paru chez Septembre en 2015. Elle donne également des conférences sur l’intervention en orientation auprès de personnes autistes.