Ce que nous rappelle le combat contre la COVID-19
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Ce que nous rappelle le combat contre la COVID-19

Temps de lecture : 3 minutesLa lutte contre la COVID-19 interpelle d’une façon toute particulière les conseillères et conseillers d’orientation et en développement de carrière du fait qu’elle réfère à deux enjeux « chouchous » de ces professionnels, soit l’information et la motivation, enjeux où il n’y a guère de place pour la simple évidence et le gros bon sens.

Fin des années cinquante, Van Packard, journaliste doublé d’une formation en économie et en sociologie, fut l’un des premiers penseurs à attirer l’attention sur les techniques de manipulations mentales et psychologiques avec son livre La Persuasion clandestine. J’avais dévoré ce livre et l’avais suggéré comme lecture complémentaire dans un de mes cours à l’université. Je me souviens notamment de deux cas de marketing décrits dans ce livre.

Le premier cas concerne le constructeur automobile Dodge, qui ne parvenait pas à grapiller, en ce qui a trait aux ventes, sur son concurrent Ford1, alors que les deux frères Dodge, fondateurs de cette compagnie homonyme, avaient mis au point une voiture supérieure à la Ford grâce à des innovations comme le démarreur électrique. Conséquemment, en toute logique — ou simple évidence —, leur stratégie de marketing était de mettre en évidence le caractère haut de gamme de leur produit, mais cela s’avérait peine perdue. Alors, ils firent appel à Packard pour résoudre cette énigme. Celui-ci décida alors de sonder les « reins » des premières générations d’acheteurs inconditionnels de voitures Ford pour découvrir que ces derniers recherchaient avant tout le familier, pour ne pas dire la « familiarité » avec le produit : même marque de voiture que leurs pères avaient quand ils étaient petits, avaient vu leurs grands frères réparer eux-mêmes sans trop de difficultés cette voiture, même modèle que leur première automobile, etc. Packard proposa alors aux Dodge de faire un virage à 180 degrés en concevant une publicité qui allait dans ce sens : « Une Dodge, c’est une Ford… mais en mieux, comme plus fiable et plus robuste. » Dès l’année suivante s’amorçait une accélération significative des ventes de la Dodge au détriment de la Ford, l’un de ces principaux acheteurs fut l’armée étatsunienne.

L’autre cas présenté par Packard2 porte sur les petits pots de purée pour bébés de la compagnie Heinz. Toute la publicité de ce fabricant, comme le suggérait le « gros bon sens » était de faire la promotion de la qualité alimentaire et sanitaire de ses produits, mais cette stratégie de marketing n’augmentait pas pour autant ses ventes, qui demeuraient anémiques. Pour remédier à cela, Heinz fit appel à Packard, qui décida d’explorer les motivations subliminales des mamans (encore une fois, c’était dans les années cinquante) au moment même où elles étaient entièrement concentrées à remplir la cuillère de nourriture et à la porter « avec stimulation » dans la bouche de leur nourrisson. Il ressortit de cette étude que le facteur motivateur dans cette opération pour ces mamans n’était essentiellement que la qualité des interactions avec le bébé (bouche grande ouverte, mange avec appétit, sourires et sons de satisfaction et ainsi de suite) sans aucune considération sur les qualités des purées. Packard proposa donc à Heinz une publicité qui allait dans le sens de « Grâce aux petits pots de purée Heinz, vous, les mamans, passerez beaucoup plus de temps et de très bons moments avec votre enfant, car vous serez beaucoup moins longtemps dans la cuisine, loin de votre enfant »3. Vous devinez la suite… Il faut dire que cette étude et cette stratégie de marketing eurent lieu à une période où il n’y avait pas d’autocuiseurs, de mélangeurs électriques, d’extracteurs de jus, de stérilisateurs, d’appareils de conservation sous vide et ainsi de suite, ce qui fait que certaines lectrices ou certains lecteurs, surtout en cette ère de « conscience alimentaire », pourraient simplement les disqualifier ou les considérer comme périmées mais, avant de jeter le bébé avec l’eau du bain, il y a lieu de lire la suite, sept décennies plus tard.

Le subliminal pour prévenir l’expansion de la COVID-19

Dans Le Soleil du 9 janvier dernier, le journaliste scientifique Jean-François Cliche fait rapport d’une étude internationale en cours, sous le sigle iCARE, à laquelle participent des équipes de Concordia et de l’UQAM. Le but de cette étude est de sonder les motivations profondes des gens qui, dans le cadre de la présente pandémie, respectent les diverses consignes sanitaires comme le lavage des mains et le port du masque. Or on serait porté à croire — simple évidence et gros bon sens à la fois — que sa propre santé et celle des autres serait la première motivation derrière ces comportements mais, étonnamment, les premiers résultats indiquent que, sur ce point (santé de soi et des autres), il n’y a aucune différence significative entre les pro-mesures et les anti-mesures. En fait, là où les pro-mesures se distinguent significativement, c’est quant à leur souci par rapport à leurs finances personnelles, à l’économie de leur pays et quant au retour à la vie normale.

Alors, quand une cliente ou un client nous consulte en ce temps de pandémie, il est peut-être pertinent de sonder comment cette personne se positionne quant aux mesures mises en place pour gérer cette pandémie, afin d’en savoir davantage sur ses motivations et, partant, pour mieux l’informer.


Références :

1 , après que ceux-là aient sauvé celui-ci de la faillite !

2 ou peut-être par Ernest DICHTER dans La stratégie du désir, l’un citant l’autre.

3 La nouvelle étiquette montrait alors une jeune mère souriante avançant une cuillère vers la bouche grande ouverte d’un bébé ravi et bien esthétiquement potelé.

Professeur au Département d’Orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke durant plus de 25 ans, le pédagogue a brillé d’originalité pour former ses étudiants, souhaitant non pas les cloner, mais bien les mettre au monde en tant que conseillers. Sa différence est devenue référence, comme en témoignent les prix qu’il a remportés, la vingtaine d’ouvrages qu’il a publiés et les ateliers de formation qu’il a animés sur le counseling de groupe et sur l’insertion professionnelle. Depuis 2001, il n’a de retraité que le nom puisqu’il demeure très actif comme professeur associé. De plus, le prolifique auteur n’a pas rangé sa plume et le réputé conférencier manie toujours le verbe avec autant de verve et d’à-propos.
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Professeur au Département d’Orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke durant plus de 25 ans, le pédagogue a brillé d’originalité pour former ses étudiants, souhaitant non pas les cloner, mais bien les mettre au monde en tant que conseillers. Sa différence est devenue référence, comme en témoignent les prix qu’il a remportés, la vingtaine d’ouvrages qu’il a publiés et les ateliers de formation qu’il a animés sur le counseling de groupe et sur l’insertion professionnelle. Depuis 2001, il n’a de retraité que le nom puisqu’il demeure très actif comme professeur associé. De plus, le prolifique auteur n’a pas rangé sa plume et le réputé conférencier manie toujours le verbe avec autant de verve et d’à-propos.