Mon travail n’est pas ennuyant, mais je m’ennuie au travail
Marché du travail

Mon travail n’est pas ennuyant, mais je m’ennuie au travail

Temps de lecture : 3 minutes

À l’inverse du burnout, il existe des gens victimes de leur trop grande efficacité. Les journées sont longues, épuisantes… d’ennui! Quand la liste des tâches est déjà terminée, que les clients ne sont pas au rendez-vous et qu’il n’est pas possible de prendre de l’avance (car cela a déjà été fait!), quoi faire? Comment s’en sortir avant de tomber malade et d’être contraint d’aller s’ennuyer à la maison?

Bienvenue dans l’univers du bore-out

Cet article se veut un certain complément à mon article « La faible estime de soi de mon collègue ». J’y faisais remarquer que certains sont naturellement très productifs au travail, que les dossiers ne s’accumulent pas, qu’ils sont ordonnés et proactifs. Les coins ronds ne sont donc pas tournés et pourtant, une ombre grise plane.

Je vous entends déjà dire : « Il suffit de trouver une autre job remplie de défis afin de pouvoir libérer son plein potentiel! ». Cependant, est-ce que le gazon est vraiment plus vert ailleurs? Ce n’est en fait la faute ni de l’emploi ni de l’employeur, mais le drame reste bien présent pour ces personnes. Que faut-il dire à un client qui désire se réorienter, mais qui aime toujours ses tâches et son milieu, mais qui s’ennuie à en tomber malade?

Est-ce que la bonne réponse est de mieux répartir les tâches entre les débordés et les ennuyeux? Ce n’est malheureusement pas aussi simple! Malgré des pirouettes et des calculs relatifs à la productivité, les ennuyeux resteront toujours ennuyeux, et les débordés, ensevelis! L’épuisement professionnel, que ce soit par excès de travail ou par ennui, n’est pas encore reconnu officiellement par la bible des troubles mentaux (DSM). Pourtant, il est une raison très présente (voire une épidémie) aux arrêts de travail pour maladie.

Que faire si je performe « trop »?

Première idée temporaire : Demander davantage de travail.

Oui, mais il n’en existe pas à l’infini et ça devient embarrassant de constamment requérir au patron de combler les nombreux temps morts, alors que les autres n’en ont jamais!

Deuxième idée temporaire : Réorganiser les étagères et faire le ménage/archiver des dossiers. Ça peut faire un temps, mais ce n’est pas à faire chaque semaine!

Troisième idée temporaire : Se créer ses propres tâches, telles que réinventer et/ou mettre à jour les outils utilisés.

Par contre, en faisant cela, on se retrouve à provoquer la peur du changement des collègues (Référence à Polochon du livre « Qui a piqué mon fromage? » de Spencer Johnson). Comme par hasard, ce sont souvent ceux qui sont constamment débordés!

Quatrième idée temporaire : Étirer le temps.

Comme l’image stéréotypée des fonctionnaires syndiqués qui demandent au nouveau qui est en probation de ralentir car il les fait mal paraître.

J’en conclus que le fond du problème n’est pas là, mais qu’il l’est plutôt dans l’image renvoyée aux collègues.

Ah! Ces chères relations de travail!

En effet, l’humain ne veut pas avoir l’air de celui qui ne travaille pas fort, de celui qui se plaint « le ventre plein » en étant payé à ne rien faire. Il rejette l’image stéréotypée des fonctionnaires qui ont la réputation de « pousseux » de crayons avec de superbes avantages sociaux. Il a de lui l’image d’un travaillant, d’un être vaillant et d’un performant qui désire ardemment être occupé.

Toutefois, les circonstances déséquilibrent la perception qu’il a de lui-même envers celle qu’il croit renvoyée aux autres (qui est évidemment négative selon lui). Malgré cela, il ne veut pas être hypocrite en se forçant volontairement à se ralentir pour bien paraître. Afin de redorer cette image, il se montrera généreux envers les collègues, en leur offrant son aide, même si la charge de travail a été équitablement répartie.

Je vous entends encore dire : « Comment est-ce possible qu’un se tourne les pouces alors que l’autre a de la broue dans le toupet? ». Telle est la question. Ma réponse : tout n’est que fausse perception de la part de tous et chacun!

Le lien avec l’orientation

Encore ici, comme dans mon précédent article cité plus haut, je fais le constat que ce n’est parfois pas les tâches occupées qui ne conviennent plus (contenu), mais le contexte de travail qui est perturbé (contenant). Pourtant, les gens chercheront à se réorienter, croyant que ce sont leurs activités quotidiennes qui ne leur correspondent plus. Bien sûr, il est plus facile pour l’individu de prendre contrôle sur sa vie de cette façon, alors que ce sont les relations interpersonnelles qui sont à travailler. Mais qui a vraiment (réellement) le contrôle sur ces dernières?

 


Article publié pour la première fois le 24 février 2020.

Jacinthe Morissette est titulaire d’un baccalauréat en psychologie et d’une maîtrise en sciences de l’orientation. Elle est conseillère d’orientation et membre de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec depuis 2012. Elle exerce actuellement chez Groupe Priorité Travail, un organisme en employabilité à Laval depuis 2015, où elle est la coordonnatrice de l’évaluation spécialisée de l’autonomie socioprofessionnelle. Elle a auparavant œuvré au Service correctionnel du Canada en tant qu’agente de libération conditionnelle et agente de programmes correctionnels auprès des délinquants sexuels.
×
Jacinthe Morissette est titulaire d’un baccalauréat en psychologie et d’une maîtrise en sciences de l’orientation. Elle est conseillère d’orientation et membre de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec depuis 2012. Elle exerce actuellement chez Groupe Priorité Travail, un organisme en employabilité à Laval depuis 2015, où elle est la coordonnatrice de l’évaluation spécialisée de l’autonomie socioprofessionnelle. Elle a auparavant œuvré au Service correctionnel du Canada en tant qu’agente de libération conditionnelle et agente de programmes correctionnels auprès des délinquants sexuels.