7 mots qui n’entrent pas dans mon bureau
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7 mots qui n’entrent pas dans mon bureau

Temps de lecture : 4 minutes

Je m’en confesse immédiatement : j’aime les mots.

Il y a pour moi quelque chose de fascinant dans la grammaire française, qui rend les interactions si intéressantes.

Toutefois, le monde lexical, aussi merveilleux soit-il, renferme des termes ou des locutions qui sont parfois connotés, souvent chargés d’un poids inutile dont nos clients peuvent assurément se passer dans un processus d’orientation. Pour cette raison, je  partage avec vous les sept termes que j’évite d’utiliser dans mes interventions quotidiennes.

  1. « Problématiques »

Qui n’a jamais rêvé de se faire dire qu’il ou elle a des problématiques? Qu’il soit relié aux apprentissages, au choix vocationnel ou à la vie personnelle, le terme problématique est généralement rayé de mon vocabulaire en intervention. Il en va de même de sa cousine « difficultés », terme qui n’oublie jamais d’apporter avec lui son bagage rempli de pessimisme. Pour ma part, je préfère remplacer ces vocables par le mot « défis », puisqu’il redonne du pouvoir d’agir à l’individu et l’amène à un dépassement de soi. En mon sens, tout le monde peut relever un défi, mais plusieurs restent confinés dans leurs problématiques.

  1. « Juste »

Si vous travaillez en orientation, vous avez assurément déjà entendu un individu dire qu’il a « juste » un certificat de formation à un métier semi-spécialisé (CFMSS), « juste » un diplôme d’études professionnelles (DEP), etc. Personnellement, le terme « juste » fait partie des mots que je ne peux tout simplement pas laisser passer sans émettre de commentaire. Pour moi, ce mot reflète non seulement une estime de soi en chute libre, mais il banalise également les victoires des personnes. Je l’ai dit, je le dis et  le redirai jusqu’à ce que tout le monde l’ait compris : il n’y a pas de sous-métiers. Il n’y a pas non plus de sous-formations et il n’y a certainement pas d’individus qui ont « juste » un certificat de formation préparatoire au travail (CFPT) en poche. Chaque parcours scolaire doit être valorisé parce que ce sont tous les membres d’une société qui contribuent à son essor.

  1. « Fortes »

Comme dans l’appellation « mathématiques fortes » ou encore « sciences fortes ». Ce terme est probablement celui qui me dérange le plus dans toute cette liste (il me heurte davantage lorsque ça sort de la bouche d’un collègue). Mon raisonnement est naturel : selon moi, le fait de dire qu’il y a un profil « fort » implique nécessairement qu’il existe un profil « faible ». Pourtant, l’un n’est pas meilleur qu’un autre; ils mènent simplement à des parcours différents. À noter que je suis tout aussi irritée lorsque j’entends la locution « mathématiques poches » ou « sciences poches ». Les raisons sont les mêmes que celles mentionnées plus haut. Je suggère plutôt de remplacer ces vocables désuets par les appellations adéquates, soit « enrichies » et « régulières ».

  1. « Je n’ai pas le choix »

Bon, je suis consciente que ce n’est pas un mot, mais je me permets tout de même de l’inclure dans ma liste de terme à proscrire en intervention. La raison est fort simple : nous avons toujours le choix. Quand je travaillais avec des élèves de moins de 16 ans, ils me mentionnaient toujours qu’ils « n’avaient pas le choix » de venir à l’école. Cela me tirait souvent un sourire avant que je leur réponde qu’en effet, le Ministère obligeait la fréquentation scolaire jusqu’à l’âge de 16 ans. Toutefois, il n’en demeurait pas moins que ces élèves faisaient le choix d’être présents chaque jour, car les conséquences liées au décrochage scolaire avant 16 ans, soit un signalement au directeur de la protection de la jeunesse (DPJ), étaient, dans leur conscient ou leur inconscient, moins avantageuses que celles de se présenter chaque jour à l’école.

  1. « Chum » et « blonde »

Je comprends la volonté des intervenants d’utiliser un vocabulaire accessible et concret avec leurs clients, mais les termes « chum » et « blonde » sont à mon avis obsolètes. La principale raison pour laquelle je considère qu’ils sont révolus émane du fait qu’ils sont souvent employés après avoir assumé l’orientation sexuelle de l’individu. Ainsi, dans ma pratique quotidienne, je privilégie les appellations « partenaire » ou encore « conjoint » parce qu’ils sont selon moi moins associés aux étiquettes sociales, en plus d’être inclusifs.

  1. « Jamais » et « Toujours »

Ainsi que tous les absolus qui en découlent : tout le monde, tout le temps, etc. Même si je dois avouer que j’ai un faible pour les dramatisations extrêmes, je ne pense toutefois pas que le concept de généralisation excessive fait avancer les choses. Qui plus est, je remarque qu’il est rare que ces termes soient utilisés dans une visée montante de positivisme (je suis encore en attente de recevoir un individu qui me dise qu’il va « toujours » bien !). Ainsi, dans l’optique où ces absolus servent plus souvent qu’autrement à souligner l’ampleur d’une situation décevante, je me réserve le droit de refléter que ces mots sont généralement radicaux et autocratiques, soit deux attributs qui ne sont pas mes premiers choix en intervention.

  1. « Plafonner »

Ce dernier terme est un clin d’œil à tous les intervenants qui s’aventuraient à déterminer le potentiel intellectuel d’un client. Ce verbe m’irrite parce qu’il est généralement associé à un rendement jugé insuffisant ou en bas de la moyenne. Hâtifs de trouver le « problème », plusieurs concluront à tort qu’un élève ou une personne a « plafonné » dans ses capacités cognitives et qu’il ou elle ne peut plus apprendre davantage.

 


Eh bien! Cette dernière pensée s’adresse à vous chers collègues :

ce sont les avions qui « plafonnent », les individus, eux, se dépassent et repoussent leurs limites.


 

Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre.  

 

Élisabeth est une jeune professionnelle qui a œuvré dans plusieurs milieux scolaires (secondaire, formation professionnelle, formation générale aux adultes ainsi que cégep) et avec différents types de clientèles. Elle a été la récipiendaire du prix Wilfrid-Éthier remis par l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ) pour l’Université Laval en 2023. Passionnée d’intervention, elle s’intéresse également aux réalités des élèves autochtones, aux enjeux en lien avec la motivation scolaire ainsi qu’à l’importance de la santé mentale et de l’inclusion sociale.
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Élisabeth est une jeune professionnelle qui a œuvré dans plusieurs milieux scolaires (secondaire, formation professionnelle, formation générale aux adultes ainsi que cégep) et avec différents types de clientèles. Elle a été la récipiendaire du prix Wilfrid-Éthier remis par l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ) pour l’Université Laval en 2023. Passionnée d’intervention, elle s’intéresse également aux réalités des élèves autochtones, aux enjeux en lien avec la motivation scolaire ainsi qu’à l’importance de la santé mentale et de l’inclusion sociale.
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