LA TRANSITION DE CARRIÈRE EN CONTEXTE DE PANDÉMIE : COMMENT Y FAIRE FACE?
Marché du travail

La transition de carrière en contexte de pandémie : comment y faire face?

Temps de lecture : 3 minutes

Le contexte de la pandémie a entraîné des changements draconiens dans le monde du travail. En tant que spécialistes du développement de carrière, nous avons un rôle essentiel à jouer afin d’aider notre clientèle à faire face à cette crise sans précédent. Cet article propose des pistes d’intervention pour aider à mieux vivre les transitions professionnelles en contexte de crise en s’appuyant sur le modèle des transitions de Nancy Schlossberg.  

Le modèle des transitions en bref  

Le modèle de Schlossberg se démarque par sa façon de percevoir les transitions comme un processus impliquant un ajustement continuel.
Selon Schlossberg (2011), une transition correspond à un événement ou un non-événement entraînant un changement. L’expérience de transition est vécue de manière variable d’un individu à l’autre. Il importe donc de déterminer des caractéristiques communes à toutes les transitions pour mieux les comprendre. À ce sujet, ce modèle intègre le système des 4 S : la situation, le soi, le soutien et les stratégies. La première composante correspond au contexte de la personne au moment de la transition. Deuxièmement, le soi fait référence au vécu et au fonctionnement psychologique de l’individu. Troisièmement, le soutien concerne l’appui reçu par l’entourage au cours de la transition. Enfin, les stratégies se rapportent aux moyens de faire face aux transitions (Goodman, 2019). De plus, il y a une différence entre les transitions anticipées et non anticipées. Contrairement aux transitions anticipées, qui sont généralement planifiées, les individus qui vivent des transitions non anticipées n’ont pas la possibilité de s’y préparer. Il existe également des transitions non-événements, qui correspondent à des événements qui étaient prévus, mais qui n’ont pas eu lieu, ce qui peut entraîner plusieurs défis (Anderson et coll., 2012).  

La pandémie est justement un exemple d’événement ayant provoqué de nombreuses transitions soudaines et forcées en plus de contraindre plusieurs personnes à abandonner, retarder ou redéfinir leurs projets.  

Intervenir à l’aide du système des 4 S 

  1. Situation (Qu’est-ce qui se passe?) : Pour mieux comprendre la situation de la personne en contexte de transition, il faut d’abord explorer des facteurs tels que les éléments déclencheurs, les changements de rôles, les expériences antérieures de transitions et les facteurs de stress environnementaux. Les personnes qui vivent une transition peuvent vouloir changer leur perception de la situation ou la situation elle-même. Par exemple, en contexte pandémique, une personne travaillant dans la restauration pourrait vouloir se réorienter, alors qu’une autre souhaiterait obtenir du soutien pour s’adapter à la crise et maintenir son emploi. Il faut donc se rappeler que chaque situation est unique au moment de déterminer des objectifs avec la personne (Anderson et coll., 2012). 
  2. Soi (Qu’est-ce que ça me fait vivre?): Les transitions, peu importe leur nature, entraînent un déséquilibre. Un des moyens les plus efficaces d’évaluer les ressources personnelles et le fonctionnement psychologique est d’écouter la personne raconter son « histoire », avec un outil comme la ligne de vie. Aider la personne à mieux se comprendre et à exprimer ses émotions est souvent la première étape vers un retour à l’équilibre. Pour évaluer la capacité à gérer les transitions, il est également pertinent d’explorer l’ouverture au changement, le sentiment d’efficacité personnelle ou même les croyances spirituelles (Anderson et coll., 2012). 
  3. Soutien (Quelles sont mes ressources externes?) : Pour aider les personnes à explorer leur réseau de soutien, il est pertinent de leur demander de dresser la liste des ressources externes sur lesquelles elles peuvent compter. Il est également possible de reconnaître les personnes importantes dans leur entourage en distinguant celles qui ont un effet négatif de celles dont le soutien est bénéfique. Nous pouvons aussi évaluer la capacité des individus à établir des liens et à trouver des ressources appropriées. Les personnes qui vivent une transition dans un contexte de crise constatent souvent que leurs sources de soutien sont insuffisantes. Elles ont alors besoin d’élargir leur répertoire de ressources (Anderson et coll., 2012; Autin et coll., 2020). 
  4. Stratégies (Quels mécanismes puis-je mettre en place pour m’ajuster à cette transition?) : La plupart des personnes ont déjà traversé des transitions avec succès. Il peut être utile de les amener à se souvenir des stratégies qui ont été mobilisées antérieurement. Nous pouvons aussi les aider à distinguer les stratégies qui sont plus ou moins adaptatives en explorant en quoi elles sont bénéfiques ou non en regard de leurs besoins et objectifs. Les personnes clientes viennent souvent nous consulter, parce que les stratégies qu’elles utilisaient ne sont plus suffisamment efficaces et elles se sentent impuissantes devant la situation vécue. Il est important de les aider à développer un plus grand répertoire de stratégies d’ajustement adaptatives. Avant de commencer à élaborer des stratégies, il faut parfois ralentir le rythme et voir s’il y a d’autres enjeux. Ensuite, nous pouvons les accompagner dans l’élaboration d’un plan d’action approprié à leur réalité. Finalement, c’est à elles de prendre en charge leur plan d’action afin de développer leur pouvoir d’agir par rapport à la transition (Anderson et coll., 2012). 

Il est possible de proposer aux personnes clientes de dessiner une matrice en quatre quadrants illustrant la situation, le soi, le soutien et les stratégies en leur demandant de mettre des mots sur ce qui se passe dans chacune de ces sphères. Cet exercice peut être effectué à plusieurs reprises sous forme de journal de bord pour voir l’évolution de la situation ainsi que l’interaction entre ces quatre éléments. Cela va permettre à la personne de prendre du recul sur son expérience et de clarifier la situation. 

En conclusion, le modèle de Schlossberg offre un cadre d’analyse particulièrement intéressant pour mieux comprendre les aspects qui font partie intégrante de la transition, permettant ainsi de bonifier notre intervention. 

Références 

Anderson, M. L., Goodman, J. et Schlossberg, N. K. (2012). Counselling adult in transition : Linking Schlossberg’s theory with practice in a diverse world (4e éd.). New York : Springer. 

Autin, K. L., Blustein, D. L., Ali, S. R. et Garriott, P. O. (2020). Career development impacts of COVID-19 : Practice and policy recommendations. Journal of Career Development, 47(5), 487494. doi:10.1177/0894845320944486 

Goodman, J. (2019). Schlossberg’s 4S model of life transitions : Assessment and intervention planning. Dans N. Arthur, M. McMahon et R. Neault (dir.), Career theories and models at work : Ideas for practice (p. 125-134). Ottawa : CERIC. 

Schlossberg, N. K. (2011). The challenge of change : The transition model and its applications. Journal of Employment Counselling, 48(4), 159162. doi:10.1002/j.21611920.2011.tb01102.x 

Étudiante à la maîtrise en counseling de carrière à l’UQAM et membre du Centre de recherche et d’intervention sur l’éducation et la vie au travail (CRIEVAT), Chloé Lacoursière poursuit un projet de mémoire portant sur l’expérience de transition des professionnels du développement de carrière en contexte pandémique.
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Étudiante à la maîtrise en counseling de carrière à l’UQAM et membre du Centre de recherche et d’intervention sur l’éducation et la vie au travail (CRIEVAT), Chloé Lacoursière poursuit un projet de mémoire portant sur l’expérience de transition des professionnels du développement de carrière en contexte pandémique.
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