Ressources et formations

S’en sortir… sans sortir? Le Journal pour aller mieux

Temps de lecture : 4 minutes

Au Québec, avec le froid installé et la luminosité timide, pour plusieurs l’hiver rime avec déprime. Par ailleurs, les effets néfastes sur la santé mentale en cas de confinement sont nombreux et peuvent perdurer dans le temps (INESSS, 2020). Pour éclairer nos zones d’ombre, bon nombre d’astuces sont martelées par des experts : conserver une routine, bien s’alimenter, dormir suffisamment, faire de l’exercice, respirer l’odeur de la lavande, entretenir des liens, etc. Au nombre de ces stratégies, les vertus du Journal sont hélas souvent absentes. D’où ce court billet.

Grand confinement : expérience de transformation profonde?

L’expérience est une lanterne attachée dans notre dos, qui n’éclaire que le chemin parcouru (Confucius, 551-479 av. J.-C.)

J’écris ce blogue parallèlement à la rédaction d’un rapport portant sur une collecte de données que notre équipe a menée ce printemps, auprès de travailleurs – des pairs aidants auprès de leurs collègues – lesquels nous invitions à parler de leur expérience du « Jour 1 » subséquent à l’annonce du Grand confinement, le 23 mars, en vue de contrer la propagation de la COVID-19 (Dufour-Poirier & d’Ortun, 2020). Sans détailler le cadre théorique et les hypothèses de nos travaux de recherche – ce n’est pas l’objet ici – je précise que ce « Jour 1 » était dans notre mire, à la fois comme : expérience inédite, stratégies d’adaptation, effets sur leur rôle d’aidant et mobile de formations expérientielles. Pour clarifier, il faut savoir qu’une formation est expérientielle si elle permet à la personne d’observer, de vivre, de découvrir par elle-même les savoirs dont elle a besoin, de prendre conscience de son expérience tant au niveau de ses acquis et de la manière dont elle interagit avec la situation, d’expérimenter en toute liberté ses choix personnels d’ajustement qu’elle a découverts, de réfléchir aux résultats de ses expérimentations et de mener une introspection sur la façon dont elle a vécu l’événement. Fait intéressant, en lien avec le propos de ce court texte – entre autres résultats, bon nombre de répondants ont confié tenir un journal depuis l’annonce du Grand confinement en mars dernier.

Connais-toi toi-même (Socrate, 470-399 av. J.-C.).

Tenir un journal pour aller mieux

L’écriture est la peinture de la voix (Voltaire, 1694-1778)

Qu’est-ce qui importe pour moi? De quoi ais-je peur? Pourquoi ce n’est pas comme avant? Il existe différentes techniques pour dépasser la simple description des événements et rejoindre la profondeur de l’être. Le Journal est avant tout un instrument d’émergence, de création et de connaissance de soi. Il permet une exploration du monde intérieur et peut devenir un conseiller, un guide que l’on porte continuellement à l’intérieur de soi.

En soi, l’acte d’écrire et ses effets apaisants ne sont plus à démontrer. Des dizaines d’ouvrages s’intéressent au Journal et à ses moult déclinaisons : journal créatif, réflexif, alimentaire, journal d’apprentissage, de gratitude, carnet de rêves, instrument de professionnalisation, méthode de mémoire vivante, etc. Sans recommander un format en particulier, ce court texte vise à réhabiliter le Journal au nombre des techniques thérapeutiques (ou qui font du bien) utiles pour nommer nos sentiments, aviver nos ressources, nommer nos apprentissages, mesurer nos transformations, actualiser nos croyances et nos valeurs, bonifier nos comportements, clarifier nos idées… et aller mieux.

Protocole très simplifié

Tenir un journal contribue à la santé mentale, à exprimer nos zones d’ombre. J’y consacre 15 minutes par jour, lesquelles passent trop vite. J’y note des événements, des ressentis, je me parle, je prends du recul et… de la hauteur, je dessine et parfois colle des images qui me font du bien. Bien qu’il n’y ait pas de façon idéale de tenir un journal, il importe d’installer un rituel. Ainsi, après avoir choisi un cahier…

 

Nos métiers d’aide motivent à apprendre tout au long de la vie. La technique que je partage cette fois-ci est utile pour accompagner le client ou soi-même lorsqu’on cherche un sens à une situation inédite qui bouleverse nos repères et nos façons habituelles de nous comporter. Voilà pourquoi le Journal est un outil de transformation et porteur d’avenir en ces temps confinés.

Conclusion

Le Connais-toi toi-même de Socrate pourrait se paraphraser ainsi : Grâce à ta raison, sache qui tu es pour faire le meilleur de ta vie. Nous savons déjà que de s’arrêter pour réfléchir, épargne des ennuis et parfois sauve une vie et que nous ne pouvons agir que sur ce qu’on contrôle. Le Journal permet de se déposer et de réfléchir. Lorsque le sol se dérobe sous nos pieds, on peut s’affoler ou au mieux capturer l’instant en vue d’en apprendre davantage sur soi, en dessinant les contours du malaise dans les pages d’un Journal, pour qu’une épreuve, devienne expérience et se transforme en apprentissage, et à notre tour s’écrier, telle la poète Marie Uguay : « Je ne connais pas de plante plus vivace que l’espoir. »

Références principales
  • d’Ortun, F. (2016). Relation d’aide. Documentation du cours enseigné à l’Université.
  • INESSS (31 mars 2020). COVID-19 et les effets du contexte de la pandémie sur la santé mentale et mesures à mettre en place pour contrer ces effets. Québec : Institut national d’excellence en santé et en services sociaux.
  • Dufour-Poirier, M., d’Ortun, F. (septembre 2020). Devis. L’expérience COVID-19 et les interventions des syndicats en matière d’atteintes d’ordre psychologique des travailleurs, CRSH-Savoir.
  • Karolewicz, F. (2000). L’expérience : un potentiel pour apprendre, L’Harmattan.
  • Paré, A. (2003). Le journal. Instrument d’intégrité personnelle et professionnelle, PUL.
  • Uguay, Marie (2005). Journal, Boréal.

Crédits photos : Unsplash.com, libre de droits


Article publié pour la première fois le 27 janvier 2021.

Apprenante à vie, passionnée par les voyages immersifs, le jugaad et la magnanimité, la Dre Francine D’Ortun est professeure-chercheure honoraire d’Université, chercheure associée au Centre de recherche et d’intervention sur la vie au travail de l’Université Laval (CRIEVAT), consultante sénior et coach certifiée, vouée depuis 35 ans à l’accompagnement individuel (counseling de carrière, réadaptation, SST), à la consultation auprès d’entreprises et à l’enseignement-recherche (professionnalisation, éthique, compétences des métiers de l’aide). Outre 60 conférences à l’international, elle signe 50 articles et chapitres scientifiques, 30 rapports de recherches et des dizaines de documents tout public (manuels, chroniques, etc.). Sa mission : apaiser, mettre au jour le potentiel des personnes et des organisations par la recherche, la formation et l’accompagnement holistique.
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Apprenante à vie, passionnée par les voyages immersifs, le jugaad et la magnanimité, la Dre Francine D’Ortun est professeure-chercheure honoraire d’Université, chercheure associée au Centre de recherche et d’intervention sur la vie au travail de l’Université Laval (CRIEVAT), consultante sénior et coach certifiée, vouée depuis 35 ans à l’accompagnement individuel (counseling de carrière, réadaptation, SST), à la consultation auprès d’entreprises et à l’enseignement-recherche (professionnalisation, éthique, compétences des métiers de l’aide). Outre 60 conférences à l’international, elle signe 50 articles et chapitres scientifiques, 30 rapports de recherches et des dizaines de documents tout public (manuels, chroniques, etc.). Sa mission : apaiser, mettre au jour le potentiel des personnes et des organisations par la recherche, la formation et l’accompagnement holistique.