Étudiants internationaux : pourquoi certains ont-ils du mal à choisir un programme d'études?
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Étudiants internationaux : pourquoi certains ont-ils du mal à choisir?

« Comment peut-on expliquer que je n’étais pas au courant de l’existence de ces programmes d’études avant mon arrivée au Québec? », me demanda Princesse, étudiante internationale, lors d’une activité d’accueil à l’Université de Sherbrooke. C’était à propos de deux programmes d’études en administration. Son cas n’est pas isolé, loin de là. En effet, il y a une quantité d’étudiants internationaux qui changent de programme d’études dès la première année de leur scolarité au Québec. De l’aveu de plusieurs, cette décision est due au fait que la formation dans laquelle ils s’étaient initialement inscrits, sur proposition d’une connaissance, ne correspondait guère à ce à quoi ils s’attendaient. Aussi, dans cet article, il sera question de sept causes à la base du mauvais choix scolaire de la part de ces étudiants.   

1. Mauvaise connaissance de soi 

En tant que fondateur et ancien président de l’Association congolaise des étudiants de l’Université de Sherbrooke entre 2015 et 2018, j’ai remarqué que peu d’étudiants internationaux sont en mesure de nommer clairement leurs champs d’intérêt, leurs aptitudes, leurs croyances, leurs valeurs, leurs limites, leurs ressources et leurs besoins professionnels. C’est donc normal que certains d’entre eux aient du mal à faire le choix éclairé d’un bon programme d’études. Or, la connaissance de soi est indéniablement à la base d’une bonne orientation scolaire. Êtes-vous d’accord avec cela? 

2. Poids culturel  

Figurez-vous que dans certaines cultures africaines, ce n’est pas l’étudiant international qui choisit un programme d’études, mais plutôt son père. Et ce, parce que ce dernier juge avoir beaucoup d’expérience acquise à l’école de la vie. « Quand un chef décide, ça ne se discute pas », disait mon père. D’ailleurs, cela me rappelle aussi un courriel reçu récemment de la part d’un jeune immigrant inscrit en médecine dentaire à l’Université de Montréal. Il m’a confié sans détour qu’il détestait son programme d’études. Et s’il l’a choisi, c’était sur proposition (ou sous pression) de ses parents et de ses proches. Pensez-vous qu’un tel jeune sera heureux plus tard dans sa carrière? 

3. Multiplicité des programmes d’études 

Savez-vous combien de programmes d’études existent en formation professionnelle? Exactement 150 ! Et ils sont offerts dans 195 établissements, selon les données du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec, dans son Portrait d’ensemble 2019-2020. À ces programmes s’ajoutent près de 40 formations de courte durée. Qu’en est-il du niveau collégial? Sur le site www.pygma.ca, on apprend qu’il existe 117 programmes d’études dispensés dans 110 collèges au Québec.  Du côté de l’université, il existe une offre très variée, à savoir 96 universités publiques offrant plus de 15 000 programmes d’études.

Dans un tel contexte de multiplicité de programmes, choisir un bon programme d’études devient un casse-tête pour un étudiant international peu habitué au système éducatif du Québec.

4. Augmentation d’intermédiaires offrant des services d’orientation 

Pour plusieurs étudiants internationaux interrogés lors d’une activité sociale organisée à l’Université de Sherbrooke par l’association dont j’étais le président, choisir un programme d’études est de plus en plus compliqué. C’est en raison notamment des personnes susceptibles d’intervenir dans le processus de choix de carrière. D’abord, les parents qui affirment savoir ce qui est bon pour leurs enfants en termes de choix de formation. Ensuite, les membres de leurs communautés culturelles installés depuis belle lurette au Canada. En effet, ces derniers prétendent connaître mieux que quiconque les programmes d’études en phase avec les réalités du marché de travail canadien. Par ailleurs, certains responsables d’églises qui s’échignent à communiquer des informations scolaires et professionnelles à leurs membres désirant choisir un bon programme d’études au Canada. Il en va de même de nombreux influenceurs qui pullulent sur les réseaux sociaux, dont YouTube et Facebook. Bien souvent peu compétents et moins qualifiés, ces derniers osent tout de même prodiguer des conseils en matière d’orientation scolaire et professionnelle au sein de groupes privés et fermés.  De même que certaines agences de voyages, installées sur le continent africain, n’hésitent pas à s’ériger en centres d’orientation scolaire et professionnelle pour leurs clients. Compte tenu de tout ce qui précède, il va sans dire que nombreux étudiants internationaux en partance pour le Canada se sentent perdus dans leur choix de carrière. 

5. Mouvance du marché du travail  

Vous convenez avec moi que le marché du travail change au gré des événements et des circonstances. En effet, les exigences d’accès et les conditions de travail de plusieurs métiers et professions ont profondément changé depuis les dix dernières années. De plus, la liste des emplois d’avenir ne cesse de s’allonger et de se modifier en raison, notamment, de la révolution numérique. C’est dans cette perspective que les experts de Dell Technologies et de l’Institut pour le futur affirment que 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore. Dans un tel contexte de mouvance du marché du travail, il est naturel que ces étudiants éprouvent des difficultés à faire le choix éclairé d’un bon programme d’études.  

Étudiants internationaux : pourquoi certains ont-ils du mal à choisir un programme d'études?

6. Fausses croyances à propos du choix vocationnel 

Selon Isabelle Falardeau et Roland Roy, auteurs du livre S’orienter malgré l’indécision, six fausses croyances seraient à la base de difficultés que certains jeunes éprouvent dans le choix de carrière. Parmi ces croyances, il y a, entre autres : 1) l’idée selon laquelle une profession les attend et qu’ils doivent la découvrir à tout prix; 2) le mythe qu’il est impératif d’avoir la certitude de faire un bon choix de carrière; 3) ou encore la fausse croyance selon laquelle quand on trouve un bon programme, on le sent,  ça « clique » bien; 4) c’est aussi le cas de cet autre mythe comme quoi les gens qui changent d’idées ne réussissent jamais; 5) ou encore qu’il faut absolument avoir une profession exigeante et reconnue socialement; 6) et finalement que l’on doit choisir une carrière pour la vie! 

 Ces fausses croyances sont difficiles à déboulonner, à moins de présenter des faits qui les contredisent de manière flagrante.  

7. Peur de se tromper en raison d’une mauvaise expérience 

Pour finir, il y a aussi la peur de se tromper en raison des implications et des enjeux sous-jacents. En effet, un mauvais choix de programme peut se révéler coûteux en temps, en argent et en ressources pour un étudiant international. Vous rendez-vous compte qu’ils peuvent payer jusqu’à concurrence de 80 000 $ pour un baccalauréat? Par ailleurs, en cas d’échecs répétés, leurs documents d’immigration peuvent ne pas être renouvelés et, par voie de conséquence, ils risquent d’être renvoyés aux frontières.   

À tout prendre, vous comprenez que, pour un étudiant international, faire le choix d’un métier ou d’une profession n’est pas chose aisée, d’où la pertinence des conseillers et conseillères d’orientation. En fait, à la faveur de leur expertise, ils sont à même d’accompagner les personnes de tous âges, à toutes les étapes de leur vie. Par ailleurs, leurs interventions visent notamment le développement de l’autonomie socioprofessionnelle et la prise de décisions éclairées, autant sur le plan professionnel que sur les plans scolaire et personnel. Tout cela en phase avec l’identité de la personne.  

Peut-être devrai-je traiter, dans le prochain article, de stratégies pour éviter de faire le mauvais choix d’un programme d’études ou de carrière ? 

Emmanuel Kambi est conseiller d’orientation à Orientation-Travail, à Sherbrooke. C’est un passionné de l’intégration et de l’inclusion des nouveaux arrivants au Québec.  
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Emmanuel Kambi est conseiller d’orientation à Orientation-Travail, à Sherbrooke. C’est un passionné de l’intégration et de l’inclusion des nouveaux arrivants au Québec.  
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