Sacré tambour
Diversité

Sacré tambour

Dans la foulée du débat actuel autour des appropriations culturelles, l’usage de certains outils, instruments ou symboles peut devenir problématique. À sa plus simple expression, l’appropriation culturelle est définie comme étant : l’appropriation d’éléments d’une culture minoritaire par les membres d’une culture dominante. 

Ainsi dans la démarche de Cercle de legs pour les travailleuses et travailleurs au 3e tiers de leur carrière, Doyon propose à une ou deux reprises l’usage d’un tambour de plus de 70 cm de diamètre. Or il est arrivé que des personnes participant à ce Cercle  –particulièrement des personnes ayant quelques acquaintances avec des pratiques amérindiennes– vivent un certain malaise devant cet instrument de musique car elles le considèrent en quelque sorte comme sacré d’autant plus que, dans les boutiques où de tels tambours sont en vente, cet instrument surdimensionné est souvent affiché comme un tambour cérémonial. 

Cette crainte d’appropriation culturelle en général –et de désacralisation en particulier– mérite d’être entendue mais doit, tôt ou tard, être resituée dans un contexte mondial actuel. 

D’une part, ces personnes ont raison d’expérimenter un tel ressenti car, à juste titre dans la conception du Cercle de legs, ce format de tambour fut sciemment choisi parce que, particulièrement en Amérique dans les communautés culturelles qui l’utilisent, ce grand format constitue un instrument de communication privilégié par les anciens pour annoncer ou exprimer leur sagesse d’ainés. Or à juste titre encore une fois, le Cercle de legs s’adresse aux travailleuses et travailleurs séniors et vise l’annonciation publique de leur énoncé ultime, énoncé qui transcendera la totalité de leur carrière donc qui sera au diapason de leur sagesse « séniorale ». 

En revanche et d’autre part, dans le contexte mondial actuel, pour diverses raisons (dénatalité, baisse des pratiques religieuses, besoin de financement, laïcisation, etc.), il y a une tendance à la désacralisation temporaire ou permanente de lieux consacrés. Ainsi, suite au Concile Vatican II, des églises catholiques sont souvent désacralisées temporairement en y retirant les « saintes espèces » ou en voilant le chœur afin de rendre ce lieu plus propice à d’autres prestations comme un exposé ou un concert, même laïc, pourvu que cette prestation ne soit pas offensante pour ce que représente normalement ce lieu. En revanche, lorsqu’il est question de désacralisation permanente (par exemple, en ce qui a trait à une église catholique, par le retrait des reliques de l’autel), on utilise souvent un nom dérivé ou encore avec un léger décalage sémantique (sorte de clin d’œil sympathique) pour renommer ce lieu sans pour autant biffer totalement sa mission originale.

Ainsi dans ma région on retrouve des appellations comme Vieux-clocher pour nommer une salle de spectacles, Parvis pour désigner une maison de la culture et OMG (Oh my God) pour identifier un restaurant branché! 

Il en est ainsi pour ledit tambour surdimensionné. Ainsi année après année, les Premières nations du Québec et du Labrador (PNQL) font la promotion de deux types de pow-wows. Il y a d’abord les pow-wows traditionnels faisant référence entre autres à des rituels chamaniques. Un parallèle est ici à faire avec une retraite paroissiale ou un pèlerinage. Ici le grand tambour devient alors l’objet cérémonial et, conséquemment, est perçu on ne peut plus comme sacré. 

Cependant, il y a aussi de plus en plus des pow-wows ethnoculturels, sorte de grandes fêtes annuelles pour une communauté ou une nation autochtone et auxquelles, en plus des gens de cette communauté ou de cette nation, sont confiés avec insistance promotionnelle les autres soit les « étrangers » non-membres de cette communauté ou de cette nation. Alors ce type de pow-wows, se tenant généralement l’été, prend la forme d’un festival où s’entrecoupent et se succèdent –sur un fond permanent de tambour– de la musique, des chants, des danses, des défilés de costumes, des épreuves de bravoure ou d’agilité et, inévitablement et pourquoi pas, certains excès de consommation de tous genres! Ici aussi un tambour surdimensionné trône au centre, plus ou moins désacralisé cette fois du fait que les utilisatrices et utilisateurs ont souvent des références animistes. Ce tambour sera abondamment sollicité tout au long de ces festivités par les uns et les autres au point ou, rendant l’âme sous les vigoureux coups répétés des maillets, il devra être remplacé par un second voire un troisième! C’est pourquoi, en absence de toute référence explicite au sacré, le tambour –même surdimensionné– peut aussi être perçu par certaines personnes, y compris dans le cadre d’un Cercle de legs, comme un simple instrument de percussion, primitif et bruyant voire cacophonique! 

GBMT 34

Professeur au Département d’Orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke durant plus de 25 ans, le pédagogue a brillé d’originalité pour former ses étudiants, souhaitant non pas les cloner, mais bien les mettre au monde en tant que conseillers. Sa différence est devenue référence, comme en témoignent les prix qu’il a remportés, la vingtaine d’ouvrages qu’il a publiés et les ateliers de formation qu’il a animés sur le counseling de groupe et sur l’insertion professionnelle. Depuis 2001, il n’a de retraité que le nom puisqu’il demeure très actif comme professeur associé. De plus, le prolifique auteur n’a pas rangé sa plume et le réputé conférencier manie toujours le verbe avec autant de verve et d’à-propos.
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Professeur au Département d’Orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke durant plus de 25 ans, le pédagogue a brillé d’originalité pour former ses étudiants, souhaitant non pas les cloner, mais bien les mettre au monde en tant que conseillers. Sa différence est devenue référence, comme en témoignent les prix qu’il a remportés, la vingtaine d’ouvrages qu’il a publiés et les ateliers de formation qu’il a animés sur le counseling de groupe et sur l’insertion professionnelle. Depuis 2001, il n’a de retraité que le nom puisqu’il demeure très actif comme professeur associé. De plus, le prolifique auteur n’a pas rangé sa plume et le réputé conférencier manie toujours le verbe avec autant de verve et d’à-propos.