L’accompagnement à distance en orientation…quelques réflexions déontologiques!
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L’accompagnement à distance en orientation… quelques réflexions déontologiques!

Temps de lecture : 3 minutes

Dans un premier blogue paru à l’automne 2018, j’abordais l’exploration de l’accompagnement à distance en orientation dans la pratique des conseillers en développement de carrière et en orientation. Je soulignais que malgré le fait que les intervenants en orientation ont été parmi les premiers praticiens dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines à utiliser et intégrer les technologies du numérique (principalement pour des fins de diffusion d’information), peu de conseillers s’étaient activement engagés dans l’accompagnement à distance.  Dans ce blogue, je continue cette réflexion, mais en l’entretenant par le biais de la dimension déontologique de l’accompagnement à distance.  J’aborderai la responsabilité de l’intervenant à se tenir à jour dans sa pratique, la protection des renseignements personnels et la pratique du développement de carrière et de l’orientation au-delà des frontières habituelles d’intervention du conseiller.  

Disons d’emblée que nos collègues américains ont une longueur d’avance sur nous au Canada, dans la réflexion déontologique portant sur l’accompagnement à distance.  Les principales associations américaines dans le domaine du développement de carrière et du counseling, notamment la National Career Development Association (NCDA) et l’American Counseling Association (ACA) ont ajouté dès la fin des années 90, une section à leur code d’éthique respectif de manière à aborder la question de l’intervention à distance et de l’utilisation des technologies dans l’intervention. L’Association canadienne de counseling et de psychothérapie (ACCP) vient récemment de lancer un guide portant sur l’utilisation des technologies en counseling et l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec est en voie de le faire. Mes propos aujourd’hui sont principalement inspirés des codes d’éthique de la NCDA et de l’ACA. 

D’entrée de jeu, on reconnaît que l’exercice du développement de carrière ne se limite plus à des entretiens en personne, en face à face.  D’un point de vue déontologique, on part du principe que le conseiller a la responsabilité de s’informer, de se former à l’intégration grandissante des technologies de l’information (TIC) dans sa pratique afin de mieux servir ses clients. Cette intégration des TIC à sa pratique s’accompagne également d’une réflexion sur les défis que cela peut amener au niveau de la confidentialité des conversations entre la conseillère et le client, et la protection des renseignements.  Le conseiller a une responsabilité d’expliquer les avantages et les désavantages de l’utilisation des TIC et/ou de l’accompagnement à distance et d’informer le client des mesures qui ont été prises pour protéger les informations personnelles. Généralement ce type d’explication pourrait se retrouver dans un formulaire de consentement éclairé.  On pourrait par exemple informer le client des méthodes d’encryptage et d’entreposage des données. 

S’il y a des doutes quant à la protection des renseignements, il est du devoir du conseiller d’en informer le client. 

L’intervention à distance peut amener à se poser des questions au niveau d’une pratique qui va aller au-delà des frontières du lieu de résidence dconseiller, en particulier si votre profession est réglementée, comme c’est le cas pour les conseillers d’orientation du Québec. La question se pose afin de déterminer si l’assurance responsabilité du conseiller couvre l’exercice de la profession au-delà de la frontière où le permis de pratique s’applique.

Il convient de vérifier auprès de son assureur si vous comme conseiller êtes couvert si vos clients ne résident pas dans la même province où vous exercez.
La question se pose également afin de déterminer où pourrait éventuellement porter plainte un client. Dans le lieu de résidence du conseiller? Dans celui du client? On s’entend en Amérique du nord pour dire que c’est le lieu de résidence du client qui est l’endroit où le client peut porter plainte.  Cependant, la situation n’est pas considérée aussi claire au Québec où on considère que c’est dans le lieu où le professionnel réside. Une autre question est celle du droit de pratiquer dans une autre juridiction que celle où l’on détient son permis. La profession de conseiller d’orientation est réglementée au Québec et à certains endroits aux États-Unis.  Si par exemple un conseiller d’orientation aide des clients ailleurs au Canada, étant donné que la profession n’est pas réglementée, il n’y a pas d’instance auprès de qui s’informer si l’on doit posséder un permis de pratique. L’inverse n’est cependant pas vrai, si vous avez un conseiller d’orientation d’une province autre que le Québec qui veut pratiquer à distance avec des clients résidant au Québec, étant donné que la profession est réglementée dans cette province, ce conseiller a l’obligation de s’informer auprès de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec. Pour l’instant, contentons-nous de dire que le conseiller doit informer le client des lois et règlements pertinents qui régissent la pratique du counseling d’orientation au-delà des frontières du lieu de sa pratique. 

En conclusion, l’accompagnement à distance en développement de carrière et en orientation est une modalité que l’on devrait voir de plus en plus apparaître dans nos pratiques. Toutefois prenons quelques instants pour le planifier à partir d’une réflexion d’ordre déontologique! 

 

Références : 

American Counseling Association (2014).  ACA Code of Ethics. Récupéré sur Internet le 25 avril 2017 sur le site: http://www.counseling.org/docs/ethics/2014-aca-code-of- ethics.pdf?sfvrsn=4 

National Career Development Association (2015). NCDA Code of ethics. Récupéré sur Internet le 11 mars 2017 sur le site : http://ncda.org/aws/NCDA/asset_manager/get_file/3395 

 

Ce texte a été publié initialement sur OrientAction le 13 mai 2019.

Michel Turcotte est conseiller d’orientation et psychologue. Au terme d’une carrière de trente ans au ministère canadien de l’Emploi et développement social, à titre de conseiller, formateur de conseillers, gestionnaire de la recherche et de l’élaboration des politiques, Michel a entrepris depuis 2013 à l’Université Laval une thèse de doctorat sur l’accompagnement en orientation professionnelle à distance. Il est membre du Centre de recherche et d’intervention sur l’éducation et la vie au travail (CRIEVAT) et du Laboratoire de recherche sur l’analyse des dispositifs d’accompagnement et de la compétence à s’orienter (ADACO). Il a reçu le prix Etta St. John Wileman en 2017 décerné par le CERIC, la médaille d’or Stu Conger en 2014 et le Mérite du Conseil Interprofessionnel du Québec en 2012 pour le leadership exercé tout au long de sa carrière dans le domaine du développement de carrière.
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Michel Turcotte est conseiller d’orientation et psychologue. Au terme d’une carrière de trente ans au ministère canadien de l’Emploi et développement social, à titre de conseiller, formateur de conseillers, gestionnaire de la recherche et de l’élaboration des politiques, Michel a entrepris depuis 2013 à l’Université Laval une thèse de doctorat sur l’accompagnement en orientation professionnelle à distance. Il est membre du Centre de recherche et d’intervention sur l’éducation et la vie au travail (CRIEVAT) et du Laboratoire de recherche sur l’analyse des dispositifs d’accompagnement et de la compétence à s’orienter (ADACO). Il a reçu le prix Etta St. John Wileman en 2017 décerné par le CERIC, la médaille d’or Stu Conger en 2014 et le Mérite du Conseil Interprofessionnel du Québec en 2012 pour le leadership exercé tout au long de sa carrière dans le domaine du développement de carrière.
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