Monsieur Burn out, l'homme invisible!
Marché du travail

Monsieur Burn out, l’homme invisible!

Temps de lecture : 4 minutes

Voyageons avec Monsieur Burn out. Se présente dans mon bureau Monsieur Burn out, suivi médicalement, car en situation d’épuisement professionnel. Coïncidence curieuse, voire ironique, au cours de cet accompagnement de carrière, je n’avais moi-même pas conscience de me trouver sur la pente de l’épuisement professionnel, donc face à mon vague reflet dans un miroir vivant. Il était temps pour moi de changer de lunettes.  

Se pourrait-il qu’une descente aux enfers, tel qu’un épuisement professionnel, communément appelé burn-out, débouche sur des bénéfices et soit vue comme une étape de croissance psychologique? En renversant la perspective, se pourrait-il que le chemin vers davantage de maturité psychologique passe aussi, voire inévitablement, par des événements professionnels douloureux ou traumatisants? Enfin, se pourrait-il que la gratitude envers certains événements professionnels et certaines personnes de notre entourage professionnel fasse partie du processus de guérison? 

Voilà trois grandes questions sur lesquelles nous allons nous pencher avec l’éclairage de la science de la gratitude.  

On ne peut souhaiter à personne de vivre un épuisement professionnel tant cet épisode est douloureux et déstabilisant. De plus, d’aucuns peuvent s’interroger sur l’idée même d’éventuels bénéfices résultant d’un burn-out. Rappelons qu’en Occident, le burn-out est indirectement reconnu depuis peu comme une maladie professionnelle. Est-il pour autant reconnu par les gestionnaires? Les premiers signaux ne sont pas toujours visibles tant les signes de fatigue professionnelle et le manque de ressources professionnelles sont communément banalisés. 

La personne affectée par un burn-out n’est pas forcément la plus apte à prendre conscience de son niveau réel de fatigue et de la bonne conduite à tenir en cas de fatigue excessive, et ce, d’autant plus qu’elle est compétente, intéressée par son travail et soucieuse de sa qualité.  

Les freins à la prise de conscience, à l’acceptation et à la communication de son état de santé au travail sont nombreux. Certains freins sont d’ordre personnel, moral, éthique, culturel, familial, émotionnel, financier. Ces freins ne font que retarder la prise de conscience et les actions appropriées à prendre. Bien sûr, idéalement, un contexte et des actions de prévention auraient été souhaitables. Souvent les types de freins se cumulent et se renforcent les uns les autres pour donner de solides et parfois très nuisibles croyances concernant la façon dont on doit appréhender son état de santé et ses responsabilités professionnelles. Certains freins sont d’ordre organisationnel. Ces freins peuvent être liés à une culture d’entreprise qui autorise, facilite ou interdit l’expression et le respect de certaines valeurs telles que la sincérité dans la communication, la confiance, la bienveillance, le partage, le plaisir, la sécurité, la liberté, le confort, l’écoute… D’où l’importance d’être bien entouré et de demander de l’aide dès que possible auprès de personnes compétentes aussi bien à l’intérieur qu’en dehors de son milieu de travail.  

Le burn-out ne nait pas sans causes et n’est pas sans conséquences individuelles et sociales. Il ne s’agit pas d’un processus isolé. Il s’agit d’un phénomène personnel et socio-professionnel multifactoriel. Il a un début avec des signes précurseurs, une phase de plateau ou plutôt en dents de scie et une fin qui n’est pas une fin en soi. La sortie du burn-out signale qu’un seuil de développement psychologique a été franchi. Il peut en résulter un développement de carrière plus qualitatif. Le processus de développement se poursuit sur de nouvelles bases, de nouvelles options, de nouveaux choix.  

Parmi les signes précurseurs du burn-out, on compte un changement d’humeur et de comportement au travail et en dehors de son travail, des pensées négatives et obsédantes concernant sa vie professionnelle, un débordement dommageable de la vie professionnelle sur la vie privée, des émotions douloureuses (confusion, anxiété, peur, dépression, colère, dégoût, deuil…) répétées liées à son milieu de travail, une perte de motivation, de sens, d’élan, d’énergie, d’entrain, d’envie, des difficultés de sommeil, de fatigue physique. 

C’est le résultat d’un ensemble de facteurs personnels et environnementaux. Parmi les facteurs environnementaux, on connaît l’importance des relations hiérarchiques, de l’organisation du travail, du revenu, de l’accès aux moyens et outils de travail, de la pénibilité physique ou mentale des tâches, missions, activités, de la gestion du temps et de l’espace. 

L’épuisement des ressources intérieures et extérieures peut conduire, après coup, à nous interroger sur plusieurs points : les valeurs réellement incarnées au travail par rapport à celles communiquées, le sens de notre place et de celle d’autrui au travail, de notre utilité, des relations entre collègues, de notre vécu professionnel, de notre activité professionnelle, de notre contexte professionnel et plus globalement sur le sens de cet épuisement par rapport à nos propres valeurs, à notre cheminement de carrière ainsi qu’à notre équilibre vie privée-travail.  

Le burn-out n’est pas sans conséquences positives à condition de les percevoir et d’être en mesure de les apprécier.
Que vient nous apprendre une expérience de burn-out à la lumière de la science de la gratitude? Le seul burn-out en lui-même ne peut nous révéler des conséquences bénéfiques. Encore une fois, le burn-out est un état douloureux et déstabilisant. Le questionnement sur nos valeurs, sur le sens de ce burn-out et sur ce que nous voulons a bien plus de chance de nous conduire vers un apprentissage, une expérience à tirer, éventuellement un recentrage sur ce qui nous semble important de vivre tant personnellement que professionnellement. 

Ceux qui se soucient de gagner en maturité psychologique ont un temps d’avance, car ils savent qu’une expérience douloureuse est source d’apprentissage personnel et professionnel. 

Quand le burn-out vous met K.-O., il paraît judicieux de se retirer du jeu professionnel pour se remettre en état. La science de la gratitude nous apprend qu’il est bon de se reconnaître vulnérable, interdépendant et reconnaissant pour soutenir notre processus de guérison et de bien-être.  

Merci Monsieur Burn out!  

* Dans le but d’alléger le texte et d’en faciliter la lecture, le générique masculin est utilisé comme genre neutre. 

 

Références bibliographiques 

Boualleg, L. (2019). Voyage au pays du développement de carrière. Enrick B. Éditions.  

Emmons, R. (2008). Merci. Éd. Belfond. 

Limoges, J. (2018). La dynamique Individu-Étude-Travail. Éd. Qui Plus Est 

Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
×
Psychologue de l’éducation nationale spécialisé en éducation, développement et conseil en orientation scolaire et professionnelle, Laurent exerce en France dans un centre d’information et d’orientation. Depuis 20 ans, il accompagne tout type de public notamment les scolaires. Il a passé une année en qualité d’étudiant au Département d’orientation professionnelle de l’Université de Sherbrooke pour peaufiner ses compétences opérationnelles. Il mesure chaque jour la portée transculturelle d’un counseling au service de l’orientation et du développement de carrière. Il partage son expérience de l’accompagnement via l’écriture et la formation.
Latest Posts
  • Cybervaleurs : mon assistant virtuel
  • Éclairer ses choix tech-tech pour accompagner les transitions
  • Retour vers le futur de la formation initiale et continue
  • Goutte d'huile et grain de sable